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La Suède, constante dans ses recommandations, craint un rebond

La Suède depuis le début de cette crise du Coronavirus a laissé ses commerces ouverts. [EPA/Keystone - Anders Wiklund]
Le bilan suédois de la crise du Covid-19 / Tout un monde / 5 min. / le 23 septembre 2020
La Suède constate sur son territoire des signes inquiétants de reprise de l'épidémie de coronavirus, a déclaré jeudi le Premier ministre Stefan Lofven, qui n'a pas exclu l'instauration de nouvelles restrictions alors qu'un relâchement des mesures était annoncé.

"En Suède, la situation est comparativement plus stable (que dans le reste de l'Europe), mais nous observons également des signes d'augmentation du nombre d'infections dans certaines régions du pays", a dit Stefan Lofven. "C'est inquiétant. Cela exige que nous soyons plus vigilants." Le chef du gouvernement a exhorté les Suédois à respecter pleinement les mesures de distance sociale et d'hygiène.

Dans plusieurs pays, la remontée des cas concerne les personnes âgées, là où d'autres pays européens voient surtout des hausses de cas de Covid-19 chez des adultes plus jeunes, et donc moins à risques. C'est le cas de la Suède.

Des recommandations, mais pas de masque

Contrairement au reste de l'Europe, la Suède n'a pas opté au printemps, lors de la première vague d'épidémie de Covid-19, pour un confinement total de la population. Le pays scandinave a laissé ses commerces ouverts, se contentant de recommandations. Elle continue par ailleurs à ne pas recommander le port du masque.

Le royaume nordique peut aussi se distinguer dans l'autre sens. Les consignes pour les événements publics sont extrêmement strictes, avec une jauge limitée à cinquante personnes.

Cette restriction montre bien le chemin qu'a pris la Suède: garder ses distances en évitant les regroupements, les transports en commun, en privilégiant le télétravail, mais en n'imposant qu'un minimum de contraintes.

Ligne stricte

Avec près de 5900 morts, le bilan humain est supérieur aux autres voisins scandinaves, mais l'épidémie n'a pas repris directement après les vacances d'été. Un résultat que certains attribuent à l'immunité collective.

Epidémiologiste en chef et architecte de cette stratégie, Anders Tegnell met en avant la constance: "Les admissions en soins intensifs ont considérablement baissé. Nous en avions 40 à 50 par jour au cœur de l'épidémie. Maintenant, nous avons des jours sans aucune admission. La mortalité a aussi beaucoup baissé. La grande différence avec les autres pays, c'est que nous n'avons pas changé nos recommandations", expliquait-il mercredi dans l'émission Tout Un Monde.

Ecoles restées ouvertes

La Suède ne crie pas victoire, mais constate que d'autres pays ont adopté son modèle, avec des recommandations au lieu de lois obligatoires. Les écoles n'ont par ailleurs jamais fermé.

Directrice d'un lycée international à Stockholm, Karin Henrekson confirme: "Ce sont toujours les mêmes recommandations. Tous les matins, nous sommes à l'entrée pour désinfecter les mains de tout le monde. Si vous êtes malade, même un peu, vous devez rester à la maison, et garder les distances. Les Suédois sont assez bons pour ça".

Un temps, les lycéens suédois avaient dû passer à l'enseignement à distance en raison du fait qu'ils empruntent beaucoup les transports en commun. Aujourd'hui, ils sont revenus dans leurs établissements, mais avec quelques contraintes.

"La ville nous a demandé de réduire le nombre de lycéens présents de 20%. Nous avons donc décidé d'enlever certaines classes une semaine sur deux et de réinstaurer l'enseignement à distance", précise Karin Henrekson.

Vers un relâchement des mesures

Selon les autorités et les syndicats, les enseignants ne sont pas plus contaminés que le reste de la population. Alors la Suède ne change pas de ligne et met en place de nouveaux assouplissements.

Récemment, la ministre de la Santé, Lena Hallengren, a annoncé la réouverture des maisons de retraite aux visites dès le 1er octobore. A la même date, le seuil des 50 personnes pour les événements publics et les théâtres pourrait passer à 500, dans certaines conditions.

>> Ecouter aussi le sujet de Tout Un Monde sur l'interdiction des visites dans les maisons de retraite :

Une personne âgée devant un EMS suédois. [AFP - Jonathan Nackstrand]AFP - Jonathan Nackstrand
La Suède prolonge l'interdiction de visite dans les maisons de retraite / Tout un monde / 3 min. / le 24 juin 2020

Avec le masque? "On verra ce qui se passera dans le futur. Si l'épidémie évolue comme elle le fait maintenant, avec un niveau très faible de contamination, je ne pense pas que nous l'introduirons. Mais si nous constatons une augmentation, que nous avons des problèmes dans les bus et dans les trains, bien sûr, c'est une solution que nous regarderons", conclut Anders Tegnell.

Sujet radio: Frédéric Faux

Adaptation web: Jérémie Favre

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"La Suède a eu une réponse proche de la Suisse"

Que pense l'épidémiologiste genevois Antoine Flahault, invité dans La Matinale, de la politique sanitaire de la Suède, jugée laxiste par plusieurs observateurs? Après avoir enregistré, lors de la première vague, des chiffres de contamination et de décès supérieurs à ses voisins, elle demeure pour l'heure épargnée par la hausse des cas qui touche l'Europe depuis le début de l'été. Un signe tardif du succès du modèle d'immunité collective?

"Le modèle suédois a été très caricaturé. C'est un des pays où la culture de la santé publique est la plus élaborée. En réalité, il était très proche du modèle suisse", relativise Antoine Flahault. "C'est un modèle d'auto-confinement. Il n'y a pas eu de fermeture obligatoire des magasins, mais la plupart ont fermé faute de clients. Même chose pour les lignes aériennes domestiques. Sur les autoroutes, on a observé un trafic en baisse de 90%. Les bars et restaurants sont restés ouverts, mais avec 25% d'affluence. En résumé, les gens sont restés chez eux", constate le directeur de l'Institut de santé globale à la faculté de médecine de l'Université de Genève.

En définitive, la réponse de la Suède a été "très proche de la nôtre, mais pas par la force de la loi. Dans ce mode de fonctionnement responsabilisant, les mesures à prendre ne sont plus du ressort du politique. Elles deviennent le domaine des experts".

>> Revoir l'interview de l'épidémiologiste Antoine Flahault dans La Matinale :

L'invité-e de La Matinale (vidéo) - Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l'Institut de santé globale à l'UNIGE
L'invité-e de La Matinale (vidéo) - Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l'Institut de santé globale à l'UNIGE / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 10 min. / le 24 septembre 2020