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Les pavillons de complaisance, un véritable imbroglio international

Un bateau cargo portugais. [Keystone - Franco Lannino]
La jungle des pavillons de complaisance sur les navires de commerce / Tout un monde / 7 min. / le 26 août 2020
Le problème des pavillons de complaisance, au coeur des plus grosses marées noires de ces dernières décennies, est connu. Mais si ces navires battant pavillon du Panama ou du Libéria existent toujours, c'est qu'ils arrangent beaucoup de monde.

La marée noire qui a récemment frappé l'île Maurice rappelle tristement plusieurs autres catastrophes maritimes. Comme le naufrage, en 1999, du pétrolier "Erika" au large des côtes bretonnes ou celui, en 2002, du "Prestige" non loin des côtes galiciennes, en Espagne.

Ces catastrophes ont un point commun. Elles soulèvent toutes un problème connu: celui des pavillons de complaisance, soit des navires immatriculés dans un autre pays que celui dont est issu son exploitant. Tous ne sont pas en mauvais état, mais certains sont de véritables poubelles flottantes, à l'instar de celui qui s'est échoué, il y a quelques semaines, sur un récif de l'île Maurice, et qui battait pavillon du Panama alors que son exploitant est japonais.

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Des avantages fiscaux

Mais battre pavillon du Panama ou du Libéria, cela permet quoi exactement? Avant tout, des avantages fiscaux, explique Jean-Paul Hellequin, président de l'association bretonne Mor Glaz, dans Tout un Monde. Et ce dans un univers maritime extrêmement concurrentiel.

"Tant que des pays tels que le Panama, le Libéria, Malte et Chypre continueront de penser que le trafic maritime est une activité dans laquelle on peut gagner de l'argent rapidement en exploitant de vieux navires, rien ne changera en matière de sécurité maritime", déplore le président de cette association qui défend des activités maritimes respectueuses de l'homme et de l'environnement.

En tout, 70% de la flotte marchande mondiale est enregistrée sous pavillon étranger. L'ITF, l'International Transport Worker's Federation, le syndicat international du transport maritime, a identifié 35 pavillons de complaisance. Certains navires sont même immatriculés dans des pays qui n'ont rien à voir avec la mer comme la Moldavie ou la Bolivie, des pays qui n'imposent pas les mêmes contrôles que les plus grands Etats maritimes.

Véritable imbroglio international

Cependant, rares sont les Etats à vouloir légiférer, note Jean-Pierre Beurier, ancien directeur du Centre de droit maritime et océanique de l'université de Nantes: "Ils ont intérêt à faire sortir les navire des flottes nationales pour les immatriculer dans des pays qui demandent un petit droit d'entrée mais qui n'exigent pas de payer des impôts sur les bénéfices industriels et commerciaux, qui n'ont pas de droit social, ni de sécurité sociale. Donc, ce sont de véritables paradis pour les propriétaires." Sans compter que la plupart des pays qui proposent des pavillons de complaisance sont aussi des paradis fiscaux.

Le mémorandum de Paris, ratifié par la plupart des pays européens et le Canada, impose aussi des contrôles dans les ports européens, applicables à tous les navires. Mais ce traité ne concerne que quelques pays. D'autres zones du globe ont elles aussi mis en place leurs propres memoranda, mais les réglementations sont inégales selon les pays et les régions.

De son côté, l'Union européenne a bien essayé de créer un pavillon européen, mais sans succès. La plupart des Etats membres n'en a pas voulu car cela aurait augmenté les coûts de gestion et ces navires n'auraient plus été rentables par rapport aux flottes asiatiques, par exemple.

Sujet radio: Blandine Levite

Adaptation web: Fabien Grenon

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