Publié

Après sa destruction à Genève, retour sur la folle épopée du jet d'Arafat

Yasser Arafat est mort il y a 15 ans. L’occasion de vous raconter l’incroyable histoire de son jet privé, Yann Dieuaide
Yasser Arafat est mort il y a 15 ans. L’occasion de vous raconter l’incroyable histoire de son jet privé, Yann Dieuaide / T.T.C. (Toutes taxes comprises) / 15 min. / le 11 novembre 2019
Un jet qui appartenait à l'Autorité palestinienne et qui a servi à Yasser Arafat pendant des années a été démantelé à Genève en juin 2018, après avoir croupi 13 ans sur le tarmac de l'aéroport. TTC, qui a pu monter à bord la veille de sa destruction, retrace son parcours.

Le dernier propriétaire en date de l’appareil est un riche homme d'affaires libanais, actif en Suisse dans le milieu aéronautique. Malgré une vaste remise à neuf, le businessman a accumulé les soucis techniques et financiers. Il n'a jamais pu faire revoler l’avion, au point de perdre les clefs.

Avant de se délabrer, cet appareil - âgé de 39 ans lors de son dernier souffle - a longtemps été un jet confortable, un modèle surnommé la "Cadillac des airs". Yasser Arafat l'a utilisé entre 1989 et sa mort il y a quinze ans le 11 novembre 2004 à Paris.

Un an après le décès du prix Nobel de la Paix, l'avion a été vendu par l'Autorité palestinienne. Il s'est posé à Genève, pour ne plus jamais repartir. La triste fin d'une incroyable épopée.

Un appareil au coeur de l'Histoire

A Naplouse, en Cisjordanie, la RTS a retrouvé un certain Zeyad El Bad, qui n'est autre que l'ancien pilote de Yasser Arafat. Formé au Pakistan, il a commencé sa carrière comme pilote de chasse avant de passer l'essentiel de sa vie à transporter le leader palestinien.

"J'adorais cet avion, il est historique pour moi. Il avait quatre moteurs, il était très puissant. On pouvait faire ce qu'on voulait avec. Je faisais même quelques acrobaties aériennes. Au départ, il avait été conçu comme un avion de combat", se remémore Zeyad.

L'avion, un Lockheed Martin JetStar II, est un aéronef assez unique, car il est l'un des tout premiers jets d'affaires de l'aviation moderne. Un peu plus de 200 exemplaires ont été construits entre 1961 et 1980. À la grande époque, ce modèle était utilisé par Elvis Presley, Marylin Monroe ou encore le président américain Lyndon Johnson. On peut même repérer l'engin dans "Goldfinger", le célèbre James Bond de 1964.

Offert par Saddam Hussein

Yasser Arafat dans son jet. [RTS]
Yasser Arafat dans son jet. [RTS]

C'est le président irakien Saddam Hussein qui a offert cet avion à l'Autorité palestinienne. Le leader autocratique souhaitait soutenir le combat de Yasser Arafat, qui tentait par tous les moyens de créer un Etat palestinien.

Au moment du don, l'appareil a à peine 10 ans. Par la suite, Arafat vole avec aux couleurs d’Air Algérie, puis à partir de 1996 dans une livrée 100% palestinienne. Mais jusqu’à sa vente, le jet restera officiellement un avion algérien, car la Palestine n'était pas reconnu comme Etat.

L'Algérie payait d'ailleurs l'assurance et les frais d’entretien de l'appareil, car les finances du raïs étaient pour le moins fragiles. Arafat voyageait sans être toujours sûr de pouvoir refaire le plein de kérosène !

Plusieurs tours du monde

Le jet, qui circulait avec le nom de code Palestinian001, a beaucoup voyagé. Son record: 55 pays en 20 jours. Au final, seul le continent américain, trop lointain, lui a échappé.

À chaque arrivée, Yasser Arafat tentait d'obtenir de nouveaux soutiens et cherchait à maintenir la question palestinienne au centre des discussions internationales. Un marathon fou, couronné par les Accords de paix d'Oslo en 1993.

Mais l’avion n’existe plus désormais. Au lendemain du tournage de la RTS en 2018, deux techniciens britanniques sont venus le désosser méthodiquement, avec des marteaux, des scies circulaires et des tournevis. Trois jours après, il ne restait plus que le fuselage, qui a été embarqué sur un camion, direction l'Angleterre.

A l'heure où la création d'un Etat palestinien semble au point mort, c'est au fond un symbole d'un autre temps qui a disparu.

Sujet TV pour TTC: Yann Dieuaide

Adaptation web: Tristan Hertig

Publié