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Soutenue par des Suisses, une fusée congolaise rêve de tutoyer les étoiles

Préparation d'une fusée d'essai Tropotest, dans le cadre du programme spatial de la République démocratique du Congo (RDC). [Christian Denisart]
Les autres pays qui ont cherché à se faire une place dans les étoiles / Tout un monde / 8 min. / le 14 janvier 2019
À l'instar de la Russie, des USA et de la Chine, un programme spatial existe aussi en République démocratique du Congo (RDC). Deux Lausannois soutiennent le lancement de sa prochaine fusée, Troposphère 6.

C'était il y a dix ans, en septembre 2009, que le lancement d'une fusée congolaise, Troposphère 5, était immortalisé dans un reportage de France Ô, qui se termine par l'envol à l'horizontale de l'engin et son crash. La vidéo de deux minutes crée le buzz sur le web, et est visionnée près de 800'000 fois.

Si bon nombre d'internautes y voient un objet de moquerie, ce n'est pas le cas du metteur en scène lausannois Christian Denisart. "En voyant le reportage, je me suis dit qu'il y a en fait plein de choses qui avaient marché, que ce n'était pas du tout un échec."

Le metteur en scène, réalisateur et musicien lausannois Christian Denisart. [RTS - Cédric Guigon]

Passionné par l'espace, le Suisse se rend en RDC pour rencontrer Jean-Patrice Kéka. Créateur de l'entreprise "Développement Tous Azimuts" (DTA), cet ingénieur a pour objectif de mettre en orbite des satellites depuis la République démocratique du Congo (RDC).

Déjà trois fusées lancées

L'homme n'en est pas à son coup d'essai. Son programme spatial "Troposphère" a déjà lancé trois fusées, dont une première en 2007 qui atteint 1500 mètres.

Si la seconde en 2009 décolle jusqu'à 15 km d'altitude, la troisième, objet du reportage de 2009, dévie de sa trajectoire et s'écrase. Pas de quoi décourager l'ingénieur qui s'attelle depuis à la conception de la fusée Troposphère 6.

"Il y a quelque chose de dingue dans cette volonté de faire un programme spatial, ce qui est pratiquement le sommet du rêve technologique dans un pays où c'est un oxymore", admire le metteur en scène lausannois, qui décide de réaliser un reportage sur le travail de Jean-Patrice Kéka.

Pour aider le projet à se concrétiser, Christian Denisart et Daniel Wyss, réalisateur au sein du collectif Climage, lancent en 2018 un projet de financement participatif en Suisse. Le crowdfunding n'aboutit pas, mais fait connaître le programme spatial congolais.

Lancement d'une fusée d'essai Tropotest, dans le cadre du programme spatial de la République démocratique du Congo (RDC). [Christian Denisart]

Une fusée à 50'000 francs

Une nouvelle levée de fonds en ligne sera lancée début février, avec la venue à Lausanne de l'ingénieur congolais. Son objectif: récolter 10'000 francs pour compléter les 50'000 nécessaires à la construction de la fusée.

Un montant dérisoire, mais suffisant, explique l'ingénieur congolais à la RTS: "C'est faisable grâce à une approche que nous avons développée ici et que j'appellerais "approximations multiples", très empirique, parce qu'on ne dispose pas des moyens nécessaires pour faire comme les autres."

Pour éviter des coûts de fabrication exhorbitants, l'équipe de 20 personnes utilise les moyens du bord en les perfectionnant. Pour les fusées test, des boîtes à la lait ont servi de fuselage, et les composants électroniques récupérés dans des décharges.

Les fusées d'essai du programme spatial congolais sont construites avec des boîtes à lait. [Christian Denisart]

3... 2... 1...

Si les fonds nécessaires sont trouvés, le lancement de la fusée Troposphère 6 se fera cet été, assure Jean-Patrice Kéka. Cette dernière sera haute de 15 mètres, composée de 3 étages, et équipée d'un petit satellite pour prendre des photos de la Terre, au cas où les 200 kilomètres d'altitude sont atteints.

À son bord, également, un rongeur pour tester les réactions biologiques, dans l'espoir de développer un jour du tourisme spatial.

S'il rêve des étoiles, Jean-Patrice Kéka sait que son programme a des répercussions concrètes et positives sur son pays. "Nous créons beaucoup de vocations chez les étudiants, qui prennent conscience qu'ils peuvent aussi devenir scientifiques."

Connexion des moteurs d'une fusée d'essai Tropotest, dans le cadre du programme spatial de la République démocratique du Congo (RDC). [Christian Denisart]

Au-delà d'inspirer les futures générations, des avancées technologiques développées par son équipe, comme de petit panneaux solaires, pourraient améliorer le quotidien d'une partie de la population en leur prodiguant de l'électricité la nuit.

Mais surtout, dans un pays où la population ne récupère qu'une part infime des ressources minérales dont elle dispose, Jean-Patrice Kéka "rêve de lui offrir les trésors qui se trouvent au-dessus de nos têtes, qui nous font regarder plus haut, plus loin."

Reportage radio: Cédric Guigon

Adaptation web: Mouna Hussain

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Conquêtes spatiales avortées

Au début des années 60, alors que le premier homme voyage dans l'espace, le Liban lance un projet national pour tenter d'être le premier pays arabe à avoir un programme spatial. Les premiers essais artisanaux de l'université de Haigazian, à Beyrouth, se transforment en engins capables d'atteindre les eaux territoriales de Chypre. Mais leurs ambitions seront stoppées en 1967 par la défaite des nations arabes face à Israël. Un film, "The Lebanese Rocket Society", revient sur cette incroyable épopée.

Dans les mêmes années, la Zambie se lance dans la course aux étoiles afin de concurrencer russes et américains avec des "Afronautes". Un projet qui échoue rapidement, faute de financements.

Au Zaïr
e, dans l'actuelle République Démocratique du Congo (RDC), le président du Zaïre Joseph-Désiré Mobutu ambitionne d'envoyer des satellites en orbite. Il s'allie à un jeune ingénieur allemand, Lutz Kayser, qui cherche justement des terrains proches de l'équateur pour lancer ses fusées. La première est envoyée le 17 mai 1977, à 20'000 mètres d'altitude. Accusé de faire ces essais à des fins militaires, le Zaïre doit interrompre son programme spatial.