Publié

S&P place la zone euro sous surveillance négative

Standard and Poor's envisage d'abaisser encore la note italienne. [Andrew Gombert]
L'agence a expliqué son annonce sa "conviction selon laquelle les tensions systémiques dans la zone euro ont augmenté ces dernières semaines" - [Andrew Gombert]
Le couperet se rapproche pour les six pays de la zone euro notés "AAA": l'agence d'évaluation financière Standard & Poor's les a menacés lundi de les priver rapidement de ce précieux label censé leur permettre d'emprunter à des coûts plus faibles.

Standard & Poor's a placé "sous surveillance négative" les notes qu'elle attribue à la dette à long terme de quinze pays de la zone euro, dont l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, qui bénéficient de la meilleure possible. La note de solvabilité de la France est menacée d'un abaissement de "deux crans", à "AA". A cinq mois de la présidentielle, Nicolas Sarkozy a fait du maintien du triple A le marqueur de sa politique économique.

Pour les cinq autres pays notés "AAA", l'agence ne prévoit, dans le pire des cas, qu'un abaissement d'un cran, à "AA+". L'Allemagne, avec une dette de 2000 milliards d'euros (plus de 82% de son PIB), se trouve ainsi également dans le collimateur de S&P malgré une économie boostée par ses exportations et enviée de tous dans l'Union européenne (UE).

Le Fonds de soutien également sous surveillance

L'agence a justifié son annonce par sa "conviction selon laquelle les tensions systémiques dans la zone euro ont augmenté ces dernières semaines jusqu'au point de faire pression à la baisse sur le degré de solvabilité de la zone euro dans son ensemble".

Conséquence de cette décision:  la note du Fonds de soutien de la zone euro (FESF) a également été placé sous surveillance négative. Le FESF est un instrument financier qui lève de l'argent sur les marchés avec une garantie apportée par les Etats de la zone euro, proportionnellement à leur participation dans le capital de la Banque centrale européenne (BCE).

Il bénéficie actuellement d'une note triple A qui lui a permis d'emprunter à des taux avantageux sur les marchés. L'argent qu'il lève est ensuite reversé à des pays en difficulté (Portugal, Irlande) à des taux moindres que ceux qu'ils devraient payer sur les marchés.

La France et l'Allemagne "solidaires"

Les deux seuls pays de la zone à ne pas être concernés sont la Grèce, dont la note correspond actuellement au défaut de paiement, et Chypre, déjà sous "surveillance négative".

S&P a indiqué qu'elle comptait achever son passage en revue des éléments soutenant la notation des quinze pays européens menacés lundi "aussi vite que possible après le (prochain) sommet européen". Cette réunion des dirigeants de l'UE est prévu pour les 8 et 9 décembre à Bruxelles et doit permettre d'accoucher d'un plan de sauvetage de la zone euro crédible aux yeux du monde entier.

Angela Markel et Nicolas Sarkozy veulent avancer "à marche forcée" [Ian Langsdon]
Angela Markel et Nicolas Sarkozy veulent avancer "à marche forcée" [Ian Langsdon]

Après le coup de semonce de S&P, la France et l'Allemagne ont affirmé d'une même voix être "pleinement solidaires", et confirmé "leur volonté de prendre toutes les décisions nécessaires, en lien avec leurs partenaires et les institutions européennes, pour assurer la stabilité de la zone euro".

Au cours d'un énième sommet franco-allemand, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont parvenus à un compromis avec la volonté de l'imposer "à marche forcée" au reste de l'Europe, avec l'objectif de le finaliser en "mars". Leur accord prévoit une révision des traités, avec sanction automatique des Etats qui laissent filer leurs déficits.

Ce projet d'accord doit être présenté aux 27 pays de l'UE lors du prochain sommet européen jeudi et vendredi à Bruxelles. Toutefois, les deux dirigeants n'ont pas exclu, au cas où des pays non membres de la zone euro rechigneraient à l'adopter, de le présenter la seule signature des 17 membres de la zone euro. (Lire: Crise de la zone euro)

Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a estimé mardi "exagérée et aussi injuste" la menace de l'agence de notation financière.

Risque croissant de récession

Les agences de notation font l'objet de vives critiques car elles se sont lourdement trompées pendant la bulle immobilière américaine ayant précédé la dernière crise en accordant leur "triple A" à de nombreux produits financiers toxiques.

Concurrente de S&P, l'agence américaine Moody's avait averti le 27 novembre que l'aggravation rapide de la crise de la dette dans la zone euro menaçait les notes de solvabilité de tous les Etats européens, même ceux notés "AAA", mais elle n'avait pas été jusqu'à placer celles-ci sous "surveillance négative".  (Lire: Crise de la dette)

Pour S&P, les problèmes de la zone euro découlent de plusieurs "facteurs interdépendants", notamment d'une "hausse prononcée" des taux d'emprunt pour un nombre croissant de pays, dont ceux "AAA", alors que cette note est censée leur permettre de se financer aux taux les plus bas.

Selon l'agence, "la poursuite des désaccords entre les dirigeants européens" sur les solutions à apporter à la crise joue aussi un rôle, de même que "le risque croissant de récession pour l'ensemble de la zone euro", qu'elle évalue à 40% pour 2012.

agences/mre

Publié

Les notes de deux banques cantonales romandes relevées

A contre-courant de l'évolution des notations dans le secteur, Standard & Poor's relève la note des banques cantonales vaudoise et genevoise. Dans la nuit de lundi à mardi, l'agence a amélioré d'un cran la note à long terme de la Banque cantonale vaudoise (BCV), qui passe de "AA-" à "AA" et celle de la Banque cantonale de Genève (BCG), dont la note passe de "A" à "A+".

Ce relèvement est assorti d'une perspective stable pour les deux établissements. "La banque se réjouit particulièrement de cette décision qui intervient dans un contexte difficile pour l'ensemble des établissements bancaires", souligne la BCV dans un communiqué mardi. "C'est une très bonne nouvelle pour la place financière genevoise et pour les banques cantonales en général", relève pour sa part le patron de la BCGE, Blaise Goetschin, cité dans le communiqué de son établissement.

Restent en revanche inchangées la note et les perspectives pour les banques cantonales d'Argovie, des deux Bâles, des Grisons, de Lucerne, de Schwyz et de Zurich ainsi que pour la Banque Migros et les liechteinsteinoises LGT Bank et VP Bank. Pour Safra Holding, S&P a réduit la notation de "A-" à "BBB+" et pour la Banque Safra-Luxembourg de "A" à "A-".

La nouvelle méthodologie adoptée par S&P donne une plus grande importance à l'environnement macroéconomique, désormais point de départ de la note des banques, et l'agence a affiné son analyse des capitaux et des risques. L'agence s'intéresse notamment plus qu'avant à la manière dont les bénéfices générés sont utilisés ou non pour renforcer les capitaux ou s'ils sont totalement redistribués.