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Sara Girardi: "Les Suisses ont une aversion au risque plus importante que dans les autres pays"

L'invitée de La Matinale - Sara Girardi, directrice financière du Centre suisse d'électronique et de microtechnique
L'invitée de La Matinale - Sara Girardi, directrice financière du Centre suisse d'électronique et de microtechnique / La Matinale / 14 min. / le 17 avril 2024
En 2023, la Suisse a confirmé pour la 13ème année consécutive sa position de "nation la plus innovante du monde". Le pays peine pourtant souvent à transformer ses inventions en entreprises à succès. Pour Sara Girardi, directrice financière du Centre suisse d'électronique et de Microtechnique (CSEM), le problème est avant tout "culturel".

Fondé en 1984 à Neuchâtel, le CSEM est un centre technologique, mais aussi une organisation à but non lucratif qui a pour but "de favoriser la compétitivité à travers l'innovation et le développement de technologies haut de gamme". En d'autres termes, il est une sorte d'incubateur de start-up, pour lesquelles il offre plusieurs services, allant d'une partie du financement, à des tâches administratives ou encore techniques.

Invitée de La Matinale mercredi, sa directrice financière Sara Girardi bénéficie donc d'une position idéale pour savoir où en est l'innovation en Suisse.

"Un manque de moyens"

"La Suisse est une 'start-up nation'. Si on regarde les statistiques, aujourd'hui, nous avons à peu près 300 start-up qui se créent chaque année, alors qu'on en comptait une dizaine par an en 2000 (...) il y a aussi beaucoup d'organismes, pas uniquement le CSEM, qui les soutiennent", explique-t-elle.

"Globalement, la Suisse investit beaucoup dans tout ce qui est formation, ce qui est la base de nos technologies", ajoute-t-elle.

Mais pour celle qui est également en charge du Conseil de l'aide à la création et l'accompagnement des start-up, le gros problème est celui du financement. "On peut mieux faire, on manque de moyens aujourd'hui. Au moment du financement, les investisseurs sont en grande partie étrangers", explique-t-elle.

Et de citer un exemple récent au CSEM: "Il y a un mois, une start-up de chez nous a reçu 27 millions d'investissement pour un bracelet qui permet de mesurer la tension artérielle en continu et d'éviter d'aller chez le médecin. Ils en étaient à leur deuxième levée de fonds, qui sont à nouveau majoritairement en provenance de la Silicon Valley".

Un problème culturel

Egalement interrogé dans La Matinale mercredi, Guy Parmelin, conseiller fédéral en charge de l'Economie, explique qu'au "vu de la situation désastreuse des finances fédérales", la Confédération ne juge pas opportun pour l'instant la création d'un fonds de soutien aux start-up. Il rappelle toutefois que Berne va investir près de 30 milliards de francs sur quatre ans pour la formation, la recherche et l'innovation.

Invité à réagir à ces propos, Sara Girardi estime que ce fonds d'innovation, en discussion depuis 2021, aurait pu être très utile.

"Si on regarde l'exemple de la Grande-Bretagne et de la France, ils ont fait ces fonds d'investissements: nous avons donc du retard, même si nous avons l'appui de la Confédération via l'aide apportée par Innosuisse et le Fonds national suisse de la recherche", détaille-t-elle.

Pour Sara Girardi, il s'agit ici d'un problème d'ordre culturel. "Les Suisses ont quand même une aversion au risque un peu plus importante que dans d'autres pays", juge-t-elle.

Risque de départs pour l'étranger

Si toutes les situations ne se valent pas, la directrice financière note que le risque est in fine la perte de compétences.

"Avoir des investisseurs étrangers, ce n'est pas un problème en soi. On crée quand même de l'emploi en Suisse, l'innovation reste en Suisse (...) ça devient un problème quand une société rachète, délocalise et ferme tout ce qu'il y a en Suisse. Là, c'est une technologie qui a été créée en Suisse et qui, finalement, disparaît complètement", décrit-elle.

Sara Girardi plaide donc pour le développement de financements institutionnels solides pour les jeunes start-up prometteuses. "Ce serait vraiment dommage d'avoir cette place si convoitée de pays numéro un de l'innovation et, par la suite, ne rien faire avec cette innovation", conclut-elle.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adapation web: Tristan Hertig

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