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Les prix mondiaux du blé ont fortement chuté après des récoltes prolifiques

Alter Eco (vidéo) - Le prix des céréales ne flambe plus
Alter Eco (vidéo) - Le prix des céréales ne flambe plus / Alter Eco / 2 min. / le 12 janvier 2023
En 2022, la guerre en Ukraine a provoqué des hausses de prix, une pénurie de certains aliments de base et suscité des craintes de famine dans certains pays. Or actuellement, le prix des céréales sur les plateformes de négoce est en chute, grâce notamment à d'excellentes récoltes mondiales.

Pas plus tard que vendredi, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) annonçait que 2022 avait été une année tristement record: le prix du blé et du maïs ont franchi des sommets, faisant bondir l'indice des produits de base de la FAO.

Du jamais vu depuis 2011, une année tristement marquée par une crise alimentaire et des émeutes liées aux famines dans plusieurs pays d'Afrique.

>> Lire à ce sujet : Les prix mondiaux des produits alimentaires sous leur niveau d'il y a un an

Mais désormais, la tendance s'inverse: les prix du blé sont en chute. Le marché digère les belles récoltes en Australie ou en Russie comme s'il n’y avait pas de guerre en Ukraine. Un baromètre: le contrat à terme de référence pour le blé tendre d'hiver, qui est tombé cette semaine à son plus bas niveau depuis plus de deux ans à la Bourse de Chicago.

Des exportations russes flamboyantes

La Russie, premier exportateur de blé au monde, affiche une excellente récolte avec plus de 100 millions de tonnes. La météo clémente de l'hiver lui a permis de prévoir des exportations "historiquement élevées", selon un observateur local. Et au diable les coûts de transports ou d'assurance qui prennent l’ascenseur pour naviguer en mer Noire.

Moscou n'a pas non plus de problèmes pour vendre ses récoltes, notamment à l’Egypte, qui dépend fortement de ses importations russes. La situation y est particulièrement fragile en ce moment avec une devise qui a été dévaluée de moitié mercredi sur ordre du Fonds monétaire international. Et avec une augmentation de la facture d'importation de blé de plus d'un milliard de dollars l'année passée, la population égyptienne est littéralement prise à la gorge.

La Russie exporte donc facilement son blé, mais elle n’est pas seule. L'Inde revient en force dans le marché mondial et l'Australie prévoit une saison record. Bref, il y a trop de blé dans le monde en ce moment, jugent les analystes.

D'autant que la concurrence se joue aussi en Europe, où le blé russe est très bon marché face au blé américain, pénalisé par les effets de change. À la manœuvre, on retrouve les quatre grandes maisons de négoces de céréales, ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, aussi connues sous le nom de "carré ABCD".

Phénomène "logique"

Normalement, les niveaux actuels devraient perdurer même si la guerre se poursuit en Ukraine. Car l'Ukraine est un acteur secondaire sur le marché du blé, contrairement à celui du maïs, estime Philippe Chalmin, économiste à Paris Dauphine, jeudi dans le journal de 12h30.

>> L'interview de Philippe Chalmin dans le 12h30 :

Philippe Chalmin est économiste, spécialiste des matières premières. [AFP - Pierre Verdy]AFP - Pierre Verdy
Les prix des céréales est en forte baisse: interview de Philippe Chalmin / Le 12h30 / 4 min. / le 12 janvier 2023

"Les produits agricoles ne sont pas touchés par quelque embargo que ce soit, les taux de fret ont plutôt diminué. Les primes d'assurance sont plutôt élevées, mais c'est une dimension plutôt marginale. Donc pour l'instant, le marché du blé réagit de manière assez logique aux récoltes céréalières mondiales, proches de niveaux historiques", résume-t-il.

Ce spécialiste des matières premières agricoles rappelle également que durant toute l'année écoulée, "il n'y a jamais eu véritablement de problème de pénurie", la flambée des prix résultant essentiellement de la spéculation financière.

Sujet et interview radio: Frédéric Mamaïs et Dominique Choffat

Texte web: Pierrik Jordan

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Relativiser l'impact des marchés

Pour l'économiste Philippe Chalmin, il est "totalement excessif" de parler d'un lien direct entre une "crise alimentaire mondiale" et la guerre en Ukraine et les tensions sur les marchés mondiaux.

"Il y a dans le monde aujourd'hui à peu près 250 millions de personnes qui souffrent véritablement de la faim. Mais la plupart des pays concernés sont des pays en proie à la folie des hommes, qu'il s'agisse de guerres ou de mauvaises gouvernances", dit-il, même s'il concède qu'il y a aussi "un vrai problème climatique, qui est la troisième année d'une sécheresse extrêmement importante dans toute la corne de l'Afrique."

La baisse des prix pourrait toutefois contribuer à donner davantage de marge de manoeuvre aux associations alimentaires mondiales, une ultime béquille de secours de ces pays en crise, comme le Soudan, l'Ethiopie, le Yémen ou la Syrie.