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Ces pays européens qui font le pari d'attirer chez eux les nomades digitaux

Le terme "digital nomads" désigne les personnes qui voyagent tout en travaillant à distance, leur métier nécessite uniquement un ordinateur et une bonne connexion Wifi. [Depositphotos - GaudiLab]
Les "nomades digitaux", bienfait ou fléau ? / La Matinale / 55 sec. / le 24 octobre 2022
De plus en plus de travailleurs et travailleuses profitent de la digitalisation pour s'expatrier et travailler à distance, de préférence au chaud. Plusieurs pays européens, comme le Portugal ou la Grèce, entendent profiter du phénomène, en accordant des visas spéciaux qui facilitent le travail à distance.

Au Portugal, les nomades digitaux - ces jeunes travailleurs à distance qui font le choix de s'expatrier - sont de plus en plus nombreux. Si pour l'heure la plupart d'entre eux sont européens, le gouvernement portugais veut toutefois aller plus loin: à partir du mois prochain, un non-Européen qui gagne au moins 2800 francs par mois pourra se voir octroyer un visa de travail d'un an qu'il pourra renouveler jusqu'à cinq fois.

Souhaitant également profiter du phénomène, la Grèce octroie depuis un an déjà des visas spéciaux facilitant le travail à distance. Le but, pour Athènes, est d'attirer 10'000 candidats chaque année pour une période de six mois. Une manne financière inespérée qui représente pas moins d'un milliard et demi d'euros d'ici 2035 pour le pays.

Espoirs pour l'économie du pays

Pour Leftetis Galanos, porte-parole du ministère des Affaire étrangères, joint par téléphone, l'enjeu n'est toutefois pas uniquement financier. "Ces visas contribuent à l’amélioration de l’économie grecque qui va être promue sur la scène internationale comme un prototype d’ouverture sur l’extérieur, un pôle d’attraction pour les investissements étrangers, l’entrepreneuriat et les nouvelles technologies. Le bénéfice est grand pour le pays mais surtout pour les économies locales où travaillent ces nomades", détaille-t-il au micro de La Matinale.

A noter toutefois qu'en Grèce aussi, un salaire minimum est requis pour les travailleurs non-européens. Pour obtenir un visa, ces derniers doivent toucher au minimum 3450 francs par mois.

Outre le soleil, il faut dire que le Portugal et la Grèce possèdent de nombreux atouts pour devenir les nouveaux eldorados pour nomades digitaux, comme leur douceur de vivre, le coût de la vie, ainsi que de très bonnes connexions internet.

>> Ecouter le sujet de La Matinale sur la situation au Portugal :

De plus en plus de travailleurs profitent de la digitalisation pour s'expatrier et travailler à distance, notamment au Portugal qui veut profiter du phénomène. [AFP - Bruno De Hogues]AFP - Bruno De Hogues
Le Portugal, nouvel Eldorardo pour les nomades digitaux? / La Matinale / 2 min. / le 24 octobre 2022

Situation paradoxale

Toutefois, ce phénomène a pris une telle ampleur qu'il peut créer une situation paradoxale, les jeunes de ces pays pouvant se sentir abandonnés par leur gouvernement.

Au Portugal, par exemple, trois jeunes sur quatre gagnent moins de 1000 francs par mois et ont du mal à se loger. Et depuis que leur pays est devenu à la mode, les prix des loyers ne cessent de grimper. A Lisbonne, un logement coûte 50% plus cher qu'il y a cinq ans. Les jeunes Portugais et Portugaises ne quittent par conséquent leur domicile familial qu'à l'âge de 33 ans en moyenne, un record au sein de l'Union europeenne.

Ces gens ont un pouvoir d'achat supérieur à ceux des locaux et sont prêts à dépenser davantage pour se loger, se nourrir, etc.

Maxime Brousse, journaliste et auteur du livre Les Nouveaux Nomades

Mais le gouvernement persiste et signe. D'un point de vue économique, le Portugal gagne beaucoup avec l'arrivée de ces jeunes étrangers, comme l'explique dans La Matinale Maxime Brousse, journaliste et auteur du livre Les Nouveaux Nomades.

"Cela fait venir des gens qui ont certaines compétences et qui interagissent souvent avec des locaux. Dans quelques cas, ils peuvent aller jusqu'à en former certains, cela crée une dynamique positive. Et ces gens ont un pouvoir d'achat supérieur à ceux des locaux et sont prêts à dépenser davantage pour se loger, se nourrir, etc.", détaille-t-il, non sans s'interroger: "Est-ce que c'est bon pour le développement du pays à long terme? Cela, j'en suis moins sûr."

Pour Leftetis Galanos, les nomades digitaux peuvent aussi apporter de nouvelles connaissances. "Que ce soit dans le domaine de l’informatique ou autres, leurs connaissances seront profitables aux communautés locales, les gens apprendrons d’eux. Et puis beaucoup des nomades digitaux aiment s’impliquer dans les sociétés qu’ils choisissent. S’ils vont à la mer, ils vont par exemple avoir l’initiative de nettoyer la plage. De telles personnes ont un impact sur la société. Quand nous voyons des gens ramasser des saletés sur la plage, et que ce sont des étrangers, on va peut-être se dire qu’il serait pas mal d'en faire autant", espère-t-il.

>> Ecouter le sujet de La Matinale sur la situation en Grèce :

La Grèce aussi entend profiter des nomades digitaux. [Keystone - EPA/GEORGE VITSARAS]Keystone - EPA/GEORGE VITSARAS
La Grèce, nouvelle destination des nomades numériques / La Matinale / 2 min. / le 24 octobre 2022

Style de vie plus tranquille qu'en Suisse

Lassé par la routine de son job de Community Manager pour une entreprise valaisanne, Vincent, 34 ans, a choisi d'opter pour la vie de nomade digital. Son voyage en moto entrepris avec sa femme il y a un peu plus d'un an l'a mené au Portugal, en France, en Espagne et même au Maroc.

Le nomade digital vise souvent un style de vie plus tranquille. Car avec les revenus de mandats effectués à distance pour des clients suisses, il est possible de vivre plus facilement dans des pays au niveau de vie plus bas, comme l'explique le trentenaire genevois joint par téléphone.

"On a mis nos statistiques sur Excel après cette fin de première année de voyage. A deux, en voyageant à moto et en restant pas mal en Europe et au Maroc, on est arrivé à 12'000 euros, tout inclus. En gros, cette vie d'aventures où on profite beaucoup nous coûte au final moins cher que de vivre en Suisse."

Vincent fait principalement du montage vidéo et du marketing digital. Mais son épouse et lui font aussi des petits boulots en échange d'un logement et de repas, afin de baisser encore le budget. Leur prochain objectif est l'Asie, une destination très prisée par cette communauté.

"C'est un peu cliché, mais Bali est un endroit qu'on a beaucoup aimé visiter, et qui a un faible coût de vie. Cela nous permettrait de ne pas trop se soucier de l'argent. On pourrait gagner juste le minimum pour pouvoir y vivre tranquillement sans devoir courir après l'argent."

>> L'interview complète de Julien dans La Matinale :

Un homme est en télétravail sur une plage. [Depositphotos - Rawpixel]Depositphotos - Rawpixel
C'est une bonne situation ça, "nomade digital"? / La Matinale / 2 min. / le 24 octobre 2022

Sujets radio: Olivier Bonamici, Angélique Kourounis et Loïc Delacour

Adaptation web: Fabien Grenon

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