La crise du Covid a porté un coup à la mondialisation, pour le meilleur ou pour le pire. A Vionnaz (VS), le patron de l'entreprise Steiger, qui fabrique des machines à tricoter, a dû apprendre à résoudre des casse-têtes logistiques pour poursuivre son activité: "Les prix ont pris l'ascenseur et on n'est pas sûr de recevoir les marchandises qui partent de Chine pour la production de nos machines en Suisse", décrit Pierre-Yves Bonvin.
Alors que de nombreux secteurs ont retrouvé leur niveau d'avant-Covid, dénicher une place sur un bateau de marchandises reste aujourd'hui encore un véritable défi: "Cette pièce-là, par exemple, est arrivée avec trois semaines de retard. Et son prix a augmenté de 15% en raison du transport", détaille-t-il, en montrant un élément nécessaire à la fabrication de sa machine.
80% des marchandises par bateau
Aujourd'hui, 80% du transport de biens et marchandises se fait par la mer. Le transport maritime reste incontournable pour la majorité des entreprises suisses, dans une économie mondiale dépendante de la Chine.
Mais depuis deux ans, les containers manquent. En cause, des ports bloqués, la politique zéro Covid de la Chine, ou encore l'explosion de la demande depuis la reprise économique en Europe.
Selon Jacob Armstrong, responsable du transport maritime durable au sein de la Fédération européenne pour le transport et l'environnement, "les compagnies de transport maritime ont beaucoup gagné de cette situation. Ce manque de containers leur a permis de faire beaucoup de profits. Ils ont augmenté les prix, parfois jusqu'à 10 ou 13 fois plus qu'avant le Covid".
De 2000 à 14'000 francs le container
Pierre-Yves Bonvin confirme. Pour lui, le prix de la location d'un container est passé de 2000 francs avant le Covid à 14'000 francs. Les délais de livraison, quant à eux, se sont allongés de 6 à 10 semaines.
Le patron de Steiger a donc cherché des alternatives: "Le train, les routes de la soie, c'était très romantique comme solution. On l'a testé, mais ça n'a vraiment pas fonctionné. C'était aussi cher qu'un bateau. On nous a promis une livraison en trois semaines, et nous avons reçu nos containers après 8 semaines", déplore-t-il.
Finalement, c'est au niveau local qu'il trouvera de meilleures solutions: "On s'est rendu compte que pour certains composants, la Suisse redevient compétitive. Nous allons donc rapatrier certains produits ici".
Le suisse MSC leader mondial
Mais se passer totalement du transport maritime semble aujourd'hui utopique. La part des marchandises qui transitent par la mer n'a cessé d'augmenter ces dernières décennies.
Un nombre énorme de containers et de bateaux font tourner cette lourde machine globalisée. Or, seule une dizaine de compagnies se partagent ce marché très lucratif. Parmi elles, MSC, qui vient de rafler au danois Maersk sa place de leader mondial. Basé à Genève, MSC a effectué une croissance rapide ces dernières années, en rachetant plus d'une centaine de bateaux depuis 2020.
A lui seul, Maersk possède 718 navires. Ces molosses, d'une longueur équivalent à plus de deux terrains de foot, peuvent transporter jusqu'à 24'000 containers.
Contrôler toute la logistique
Pour ces géants, même l'océan n'est plus un terrain de jeu suffisamment grand. Leur appétit gagne désormais la terre ferme et les airs. On se souvient, par exemple, de l'intérêt de MSC pour la compagnie aérienne ITA Airways (ex-Alitalia).
Selon Jacob Armstrong, leur but est de contrôler toute la chaîne logistique, de A à Z: "Ils parviennent à subventionner les activités de logistique grâce à leurs activités maritimes. Car ils ne paient pas beaucoup d'impôts sur les activités en mer".
Les activités maritimes ne sont en effet pas taxées en fonction de leur bénéfice, mais selon le volume transporté. Ainsi, selon certaines ONG, les impôts représenteraient moins de 1% de leur profits. Un système fiscal avantageux couplé à une explosion des prix qui leur permet d'afficher cette année des résultats records.
Delphine Gianora, Feriel Mestiri
Environ 3% des émissions mondiales de CO2
Le transport maritime mondial est responsable d'environ 3% des émissions de CO2 dans le monde. Si cette industrie était un pays, il serait serait le 6e plus gros émetteur de gaz a effet de serre au monde.
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