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Laurent Fignon est décédé à l'âge de 50 ans

Laurent Fignon, dernier vainqueur français de la Grande Boucle.
Laurent Fignon, un puncheur à l'aise sur tous les terrains.
Laurent Fignon est décédé mardi à l'âge de 50 ans. Le cycliste français, qui souffrait d'un cancer, avait notamment remporté le Tour de France en 1983 et 1984 et le Tour d'Italie en 1989.

Laurent Fignon, double vainqueur du Tour de France  en 1983 et 1984, a succombé mardi des suites d'un cancer à l'âge de 50 ans, a-t-on appris auprès de France 2, dont il était l'un des consultants sur la Grande Boucle.

Rarement champion aura connu plus de coups durs que Laurent Fignon, décédé mardi, après avoir côtoyé les sommets en gagnant à deux reprises le Tour de France à moins de 24 ans. Le Parisien, dernier grand coureur natif de la capitale, en est resté à deux victoires finales. Pour 8 secondes, il a raté un troisième succès dans une édition qui fut l'une des plus belles de l'histoire du Tour (1989), à coup sûr l'une des plus pathétiques à cause d'un suspens insoutenable dans le contre-la-montre final entre Versailles et les Champs-Elysées.

"On ne fait jamais son deuil d'un événement aussi violent; au mieux parvient-on à en domestiquer les conséquences psychologiques", a raconté ce champion authentique dans son autobiographie ("Nous étions jeunes et insouciants") parue en juin 2009, en évoquant aussi l'avantage technologique dont bénéficiait alors son rival américain Greg LeMond. Durant toute sa carrière, le Francilien, qui était né à Paris le 12 août 1960 et avait grandi en Seine-et-Marne, a profondément marqué son époque.

Hinault en faire-valoir

Laurent Fignon avait été battu pour 8 secondes par Lemond  en 1989.
Laurent Fignon avait été battu pour 8 secondes par Lemond en 1989.

Ses débuts victorieux en 1983 furent certes facilités par la blessure sur chute puis l'abandon du maillot jaune, le grimpeur champenois Pascal Simon. Mais sa domination totale dans l'édition suivante, agrémentée de cinq succès d'étape, montra l'étendue de sa classe. Bernard Hinault, tout juste rétabli d'une opération à un genou, ne servit cette année-là que de faire-valoir, impuissant à remettre en cause la supériorité du Parisien aux lunettes d'étudiant.

"Il m'a fait rigoler", s'était exclamé en substance Fignon avec sa franchise coutumière, une sincérité qui lui fut longtemps reprochée. Puncheur de grande dimension, offensif et réaliste, Fignon s'illustra sur tous les terrains, dans les classiques et dans les courses par étapes. A la fois battant et tacticien, il toucha au chef d'oeuvre en gagnant deux années de suite la "classicissima" Milan-Sanremo, en 1988 et 1989.

En Italie, l'autre théâtre de ses exploits, il finit par obtenir justice dans le Giro 1989, cinq ans après avoir été privé injustement de la victoire face au "local" Francesco Moser. Quelques semaines plus tard, il émouvait la France en s'effondrant sur le pavé des Champs-Elysées en conclusion d'un Tour mémorable.

Fort caractère

Laurent Fignon avait enlevé deux fois le Tour de France.
Laurent Fignon avait enlevé deux fois le Tour de France.

"Si j'étais fait pour devenir un champion, je n'étais absolument pas fait pour devenir un homme public", estimait-il. Mais, en 2009, il avait pris son monde à contre-pied en choisissant la transparence maximale après la révélation de son cancer des voies digestives, en évoquant lui-même le lien hypothétique entre sa maladie et le dopage. "Je ne vais pas dire que cela n'a pas joué. Je n'en sais absolument rien. C'est impossible de dire oui ou non. D'après les médecins, apparemment non", avait-il expliqué en reconnaissant avoir eu recours à des produits interdits dans un contexte très différent de l'époque récente.

 "Ce n'était pas la même mentalité, rappelait-il, même si, petit ou grand, le dopage sert à tricher". Parti courir en Italie en 1992, après une séparation tendue avec son mentor et associé Cyrille Guimard, cet homme de fort caractère, ombrageux et provocateur, sincère et attachant, avait raccroché le vélo en août 1993.

 Dans sa reconversion, il avait organisé un temps Paris-Nice qu'il avait dû vendre ensuite en 2002 à ASO, l'organisateur du Tour de France, avant de racheter un hôtel dans les Pyrénées centrales servant de centre pour stages cyclistes. Consultant dans les médias télévisuels (Eurosport puis France Télévisions), il avait tenu à être présent sur le Tour de France 2010 malgré les soins engagés contre le cancer qui a fini par avoir raison de lui.


Réactions

Christian Prudhomme, directeur du Tour de France: "C'était une grande figure du cyclisme français. Je mêlerai autant le palmarès que l'homme. Il a marqué par sa carrière, ses succès et sa défaite historique en 1989 qui est réductrice par rapport à son palmarès... C'était aussi un caractère, avec un franc-parler qui ne s'est pas démenti pendant trente ans, quand il était coureur et ensuite en tant qu'organisateur ou consultant. Il n'hésitait pas à dire les choses. Il a incarné un cyclisme offensif, fait d'attaques variées et incessantes avec un côté chevaleresque. Dès qu'il est passé pro, on l'a remarqué avec ses cheveux blonds, ses lunettes rondes, sa réputation d'intellectuel... C'est quelqu'un qui avait du charisme."

Richard Virenque: " Il a totalement marqué son époque par rapport aux performances qu'il a pu faire dans sa carrière, dans le Tour de France et dans d'autres courses. Il a marqué l'histoire du vélo grâce au charisme qu'il pouvait avoir, sa queue de cheval, sa façon de faire, sa façon de s'exprimer... C'était un coureur atypique. Il avait "une gueule". En plus des résultats, de son style, sa façon de s'exprimer, Fignon était une personnalité dans le monde du cyclisme. C'est quelqu'un qu'on ne pouvait que respecter par rapport à ce qu'il a fait dans le cyclisme et ce qu'il a apporté au cyclisme français."

Laurent Jalabert: "Quand on sait qu'une personne est atteinte d'une maladie qui n'est pas facile à soigner, on craint toujours qu'elle ne s'en sorte pas. Mais, là, ça m'a choqué, ça m'a bouleversé parce que, honnêtement, je pensais après le Tour qu'il était sur la bonne voie. Je l'ai cotoyé comme coureur et j'ai pu me rendre compte que c'était un immense champion. Après j'ai eu la chance de cotoyer Laurent ces quatre dernières années à France Télévisions et d'apprécier ses qualités humaines".

Greg LeMond (vainqueur du TdF 1989... 8 secondes devant Fignon): "Pour moi, il était vraiment un homme unique. C'est un mec qui ne parle pas beaucoup, c'est un homme privé, mais aussi un homme qui a une forte tête. J'aime bien, il est honnête avec lui-même. Pour moi, il était un des meilleurs coureurs des 35, 40 dernières années. En 1989, moi sur le podium, je me sentais mal pour lui".

Pedro Delgado (vainqueur du TdF en 1988): "C'était un grand coureur, rebelle, fier, qui était peut-être détesté en Espagne pour avoir craché sur une caméra de TVE. C'était un homme anticonformiste. Lors de l'étape de Mende je l'ai croisé pendant un bouchon et nous en avons profité pour parler un peu. Il lui restait peu de voix mais physiquement il m'a fait une très bonne impression. C'était pire l'année dernière. Je garde de lui un souvenir positif".

Jean-Marie Leblanc (ancien directeur du Tour de France): "La mort d'un homme de 50 ans est toujours triste. Il a été un porte-drapeau du cyclisme français, un grand champion avec un palmarès rare dans l'après-Guerre. Il avait marqué dès son premier Tour de France, virevoltant, pimpant. Il était sans complexe avec un grand potentiel physique et une grande intelligence. Il avait apporté un coup de jeunesse. Et puis il y a eu la cassure de 1989 (sa 2e place pour huit secondes). Par la suite, il n'a plus été aussi rayonnant, moralement notamment. C'est la vie d'un champion. C'était un coureur avisé avec du caractère, parfois un mauvais caractère. C'était un franc-tireur avec un franc-parler et la certitude, parfois agaçante, d'avoir toujours raison. Il a également fait preuve d'un très grand courage physique et mental face à la maladie. C'était Fignon."

Nicolas Sarkozy: "Lors du dernier Tour de France, qu'il a commenté avec une passion intacte et une énergie surhumaine, Laurent Fignon a montré qu'il était un homme qui savait faire face à son plus difficile combat. Il a donné alors, au monde entier, une leçon magistrale de dignité, de courage et d'humanité."

Lance Armstrong (qui avait soigné un cancer, avant de remporter à sept reprises le Tour de France entre 1999 et 2005): "Je viens juste d'apprendre la disparition de Laurent Fignon. Il était un ami cher et un cycliste de légende. Tu vas nous manquer, Laurent" .

agences/ag

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Portrait de Laurent Fignon

Date de naissance: 12 août 1960
Lieu de naissance: Paris
Nationalité: française

Principales victoire
s

Courses d'un
jour
- Championnat de France 1984
- Milan-Sanremo 1988 et 1989
- Flèche Wallonne 1986
- GP de Plumelec 1983,
- Paris-Camembert 1988
- GP des Nations (contre-la-montre) 1989
- Trophée Baracchi
- GP de Baden-Baden (contre-la-montre avec Thierry Marie) 1989

Courses
par étapes
- Critérium international 1982 et 1990,
- Semaine Sicilienne 1985,
- Tour de la Communauté européenne 1988,
- Tour des Pays-Bas 1989,
- Ruta Mexico 1993

Grands tours
- Tour de France 1983 et 1984. 2e en 1989. (9 victoires d'étape)
- Giro: en 1989. 2e en 1984. (2 étapes)
- Vuelta: 3e en 1987. (2 étapes)

Equipes
Renault (1982-1985) puis Système U (1986-1989) et Castorama (1990-1991), Gatorade (1992 et 1993)

Laurent Fignon en 10 dates

12 août 1960: naissance à Paris
28 mars 1982: il se révèle en enlevant le Critérium international, quelques semaines après ses débuts professionnels sous la coupe de Cyrille Guimard
18 juillet 1983: il endosse à l'Alpe d'Huez le premier de ses 22 maillots jaunes. Six jours plus tard, il devient l'un des plus jeunes vainqueurs du Tour de France de l'histoire
10 juin 1984: il perd le Giro contre l'Italien Francesco Moser. Il estimera que la course lui a été volée. Six semaines plus tard, il domine le Tour de France devant son ancien leader, Bernard Hinault, qui l'a attaqué en vain
19 mars 1988: il remporte pour la première fois Milan-Sanremo, performance qu'il renouvellera l'année suivante
23 juillet 1989: il perd pour 8 secondes le maillot jaune à l'arrivée de l'ultime contre-la-montre sur les Champs-Elysées et laisse la victoire finale sur le Tour de France à son grand rival américain Greg LeMond
1er juillet 1991: il annonce son "divorce" de Cyrille Guimard, avec lequel il s'était associé à la tête de la structure Maxi-Sports et part quelques mois plus tard terminer sa carrière en Italie
24 août 1993: il dispute sa dernière course, le GP Ouest-France à Plouay, et enchaîne avec une carrière de consultant télé
31 janvier 2002: il cède à la société ASO la course Paris-Nice qu'il avait reprise trois ans plus tôt
11 juin 2009: il annonce souffrir d'un cancer des voies digestives. Malgré le traitement, il continue à travailler sur le Tour de France en tant que consultant pour France Télévisions