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Le chef Raoni dénonce Bolsonaro pour "crimes contre l'humanité"

A 90 ans, le chef Raoni lance un appel aux dons pour venir en aide aux populations indigènes d'Amazonie face au coronavirus. [Guillaume Horcajuelo]
Le leader indien Raoni dépose plainte pour crimes contre l'humanité contre Jair Bolsonaro / Tout un monde / 4 min. / le 27 janvier 2021
A plus de 90 ans, le cacique indien Raoni Matuktire a déposé une plainte devant la Cour pénale internationale contre le président brésilien Jair Bolsonaro, pour crimes contre l'humanité. Il l'accuse d'avoir mis en place la destruction systématique de la forêt amazonienne.

Cette démarche se veut aussi embarrassante pour les pays étrangers, puisqu'il sera difficile d'ignorer ce qui se passe en Amazonie, maintenant que le dossier est à La Haye.

"J'ai espéré que les Brésiliens fassent quelque chose contre Bolsonaro, que la justice brésilienne fasse quelque chose, mais personne n'a rien fait", explique Raoni dans Tout un monde.

"Piller l'Amazonie"

"Depuis son investiture en janvier 2019, la destruction de la forêt amazonienne s'est accélérée sans commune mesure: augmentation de la déforestation de 34,5% en un an, taux d'assassinat de leaders autochtones le plus élevé de ces onze dernières années, effondrement et menaces des agences environnementales...", résume la plainte du chef du peuple Kayapo et du cacique Almi Surui, dévoilée samedi par Le Monde.

"Cette situation, la plus dramatique sur ces dix dernières années, résulte directement de la politique d'Etat développée par le gouvernement de Jair Bolsonaro", qui vise à "lever tous les obstacles pour piller les richesses de l'Amazonie", poursuit la plainte qui cible aussi plusieurs ministres.

Cette communication à la CPI d'une cinquantaine de pages, rédigées par l'avocat français William Bourdon, rassemble les accusations portées par des dizaines d'ONG locales et internationales, des institutions internationales et par des scientifiques spécialistes du climat: suspension du démarquage des territoires autochtones, projet de loi pour ouvrir les zones protégées à l'exploitation minière et agricole, budget restreint des agences environnementales reprises en main par les militaires, meurtres impunis de sept chefs autochtones en 2019, ...

Danger pour l'humanité

"Une destruction de la forêt amazonienne", indispensable à la régulation du climat et frappée par des incendies record en 2020, "constituerait un danger direct non seulement pour les Brésiliens mais également pour toute l'humanité", souligne la plainte.

Les plaignants estiment que cette politique d'Etat mène à des "meurtres", des "transferts forcés de population" et des "persécutions", constitutifs de "crimes contre l'humanité" tels que définis par le Statut de Rome de la CPI.

Enrichir les Indiens d'Amazonie

La violence contre les peuples endémiques a singulièrement augmenté au cours des deux années de présidence de Jair Bolsonaro. Mais ce qui les inquiète le plus est une nouvelle loi pour ouvrir leur territoire à l'exploitation minière ou énergétique contre des compensations financières.

Selon le président brésilien, l'objectif est d'enrichir les Indiens d'Amazonie. "Nous ne voulons pas de cette richesse. Bolsonaro dit que nous sommes misérables, mais nous ne le sommes pas. Notre richesse, c'est notre nourriture, les poissons dans le fleuve, les animaux dans la forêt. Nous demandons de l'aide à la justice internationale pour qu'il nous respecte comme peuple indigène", explique Megaron, le neveu de Raoni.

Sujet radio: Anne Vigna
jfe avec agences

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Bolsonaro aussi visé par les soignants

En juillet 2020, des membres du personnel de santé au Brésil ont aussi demandé une enquête à la CPI pour "crime contre l'humanité" contre Jair Bolsonaro, cette fois pour sa gestion de la pandémie de Covid-19. Un mois plus tôt, dans un entretien à l'AFP, le chef Raoni avait accusé le président d'extrême-droite brésilien de vouloir "profiter" de la pandémie pour éliminer son peuple.

La CPI, créée en 2002 pour juger les pires atrocités commises dans le monde et qui siège à La Haye (Pays-Bas), n'est pas contrainte de donner suite aux milliers de requêtes déposées auprès de sa procureure, qui décide indépendamment des affaires à soumettre aux juges.