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Des tensions juridiques entre Varsovie et Bruxelles font craindre un "Polexit"

En Pologne, une décision de la Cour constitutionnelle remet en cause l'un des fondements du droit européen.
En Pologne, une décision de la Cour constitutionnelle remet en cause l'un des fondements du droit européen. / 19h30 / 1 min. / le 8 octobre 2021
La plus haute juridiction polonaise s'est prononcée jeudi contre la primauté du droit communautaire européen. Alors que le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a assuré vendredi que son pays souhaitait rester dans l'Union européenne, cette décision historique pourrait menacer le financement par l'UE de la Pologne.

Le Tribunal constitutionnel de Pologne a déclaré que certains articles du traité de l'UE étaient "incompatibles" avec la Constitution nationale et a enjoint aux institutions européennes de ne pas "agir au-delà du champ de leurs compétences" en interférant avec le système judiciaire polonais, qui constitue une pomme de discorde majeure avec Bruxelles.

La Commission européenne est "préoccupée" par la décision du tribunal polonais, a réagi le commissaire Didier Reynders, déclarant que l'UE "utilisera tous les outils" à sa disposition pour protéger la primauté du droit européen qui se trouve "au coeur de l'Union".

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a toutefois assuré vendredi que son pays souhaitait rester dans l'Union européenne.

>> Les explications d'Isabelle Ory, correspondante à Bruxelles :

En Pologne, une décision de la Cour constitutionnelle remet en cause l'un des fondements du droit européen. Le décryptage de la journaliste Isablle Ory.
Tensions entre la Pologne et Bruxelles: le décryptage de la journaliste Isablle Ory / 19h30 / 1 min. / le 8 octobre 2021

Bras de fer

Varsovie et Bruxelles sont de longue date en conflit à propos de la réforme du système judiciaire polonais. Le parti conservateur au pouvoir Droit et Justice (PiS) la décrit comme nécessaire pour rendre les tribunaux plus efficaces, mais ses détracteurs y voient un frein à l'indépendance des juges.

A cela se sont ajoutés des différends politiques entre le PiS et Bruxelles sur la liberté de la presse et les droits de la communauté LGBT, sur fond de tentatives de Varsovie pour faire adopter par l'UE son plan de relance économique post-crise sanitaire.

>> Lire : Bruxelles dénonce l'adoption d'une loi sur les médias en Pologne

Manne européenne conditionnée

Mais l'attribution des fonds européens dépend du respect de la règle de droit et des normes démocratiques de l'UE. Le mois dernier, le commissaire européen chargé de l'Economie, Paolo Gentiloni, a prévenu que l'affaire judiciaire polonaise pourrait avoir des "conséquences" sur le versement des fonds de relance à la Pologne. L'Union européenne n'a pas encore approuvé les 23 milliards d'euros de subventions et les 34 milliards d'euros de prêts bon marché prévus pour ce pays. Le gouvernement polonais a qualifié les propos de Paolo Gentiloni de "chantage".

Depuis, des responsables européens ont expliqué que l'argent pourrait être déboursé le mois prochain, mais que des conditions strictes seraient posées en échange en matière du respect de l'État de droit.

Le mois dernier, la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne d'infliger des amendes quotidiennes à la Pologne jusqu'à ce qu'elle suspende les réformes judiciaires.

"La plus haute loi est la Constitution"

La décision du Tribunal constitutionnel fait suite à une saisine par le Premier ministre Mateusz Morawiecki, lequel avait demandé à la juridiction de se prononcer sur la légitimité des institutions de l'UE à empêcher la réforme du système judiciaire polonais.

Le juge Bartlomiej Sochanski a estimé que "dans le système juridique polonais, le traité de l'UE est subordonné à la Constitution et, comme toute partie du système juridique polonais, il doit respecter la Constitution".

>> L'interview de Valérie Hayer, députée française de La République en Marche et membre de la Commission des Budgets au Parlement Européen :

Bras de fer juridique entre la Pologne et l’Union européenne: interview de Valérie Hayer (vidéo)
Bras de fer juridique entre la Pologne et l’Union européenne: interview de Valérie Hayer (vidéo) / Forum / 4 min. / le 8 octobre 2021

agences/ami

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Possible "Polexit"?

La décision de la justice polonaise de considérer comme anticonstitutionnels certains articles de traités de l'Union européen contraires est "gravissime" et constitue une "attaque contre l'Union européenne", a estimé vendredi le secrétaire d'Etat français chargé des Affaires européennes, Clément Beaune.

Cette décision soulève le risque d'une "sortie de facto" de la Pologne de l'Union européenne (UE), a souligné Clément Beaune sur BFMTV en prévenant qu'elle pourrait avoir des conséquences en matière de soutien budgétaire de l'UE à la Pologne.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a de son côté appelé vendredi la Pologne à respecter "pleinement" les règles communes de l'UE, au lendemain d'une décision historique de la Cour constitutionnelle polonaise défiant la primauté du droit européen.

"Quand un pays décide politiquement de faire partie de l'UE, il doit également veiller à ce que les règles convenues soient pleinement appliquées", a assuré le chef de la diplomatie dans le groupe de journaux Funke.

Paris et Berlin rappellent la Pologne à ses obligations européennes

Les ministres français et allemand des Affaires étrangères ont rappelé vendredi la Pologne à ses obligation "morale" et "juridique" après la décision du Tribunal constitutionnel polonais jugeant que certains articles de traités de l'Union européenne sont contraires à la Constitution du pays.

"L'appartenance à l'Union européenne va de pair avec une adhésion entière et inconditionnelle à des valeurs et à des règles communes", déclarent Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas dans un communiqué conjoint sur la Pologne.

"Ce n'est pas seulement un engagement moral. C'est aussi un engagement juridique", ajoutent les deux ministres en assurant de leur soutien la Commission européenne, qui a réaffirmé vendredi sa volonté de défendre la prééminence du droit communautaire sur les lois nationales.