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Les attractions de montagne, un "ameublement" des paysages alpins?

L'invité de Coralie Claude (vidéo) - Rafael Matos Wasem, professeur de géographie à la HES-SO Valais
L'invité de Coralie Claude (vidéo) - Rafael Matos Wasem, professeur de géographie à la HES-SO Valais / La Matinale / 10 min. / le 27 juillet 2018
Les Alpes suisses comptent 193 parcs d'attraction. Des infrastructures aux impacts "très dissemblables sur l'environnement", selon le chercheur Rafael Matos-Wasem, alors que l'Association internationale de sauvegarde de la montagne dénonce un "ameublement" des paysages.

"L'impact de ces parcs sur l'environnement et le paysage est très dissemblable", estime Rafael Matos-Wasem, géographe, professeur et chercheur à la Haute école de gestion et de tourisme de la HES-SO Valais, invité vendredi de La Matinale de la RTS. Cela est dû, selon lui, au fait que ces attractions -dont 130 ont été créées depuis l'an 2000- sont de différente nature: place de jeux, piste de luge, tyrolienne, parcours de VTT...

"Tout dépend du point de vue que l'on adopte. Du point de vue économique, à court terme, cela peut rapporter relativement gros. Mais pas en termes d'impact sur l'environnement et d'émissions de CO2, d'autant plus que 80% des gens qui se rendent en montagne le font en voiture", ajoute-t-il.

Il évoque aussi un "impact paysager". "L'ennui avec ces parcs, c'est que c'est extrêmement diffus dans le paysage. Ils ne se concentrent pas sur des points précis à proximité des villages, mais vous en voyez un peu partout", estime-t-il.

"De plus en plus haut"

Rafael Matos-Wasem pointe aussi le fait que l'association internationale de sauvegarde de la montagne (Mountain Wilderness Suisse) "arrive à la conclusion que les attractions se démultiplient, mais aussi qu'elles sont construites de plus en plus haut".

L'importance de développer l'offre estivale pour faire face au changement climatique est souvent mise en avant. Mais le chercheur regrette "la concurrence des pays voisins, la surenchère...". Et de donner plusieurs exemples: "On veut la piste de luge la plus longue, la plus haute du monde. Tout le monde doit avoir un spa, même les hôtels de montagne. Les cabanes se transforment en hôtels assez luxueux..."

"Tout le monde a le droit d'aller au sommet"

En clair, l'ascension et la contemplation ne suffisent plus au tourisme alpin. "C'était l'un des arguments des promoteurs de la remontée mécanique au Cervin en 1905 (voir encadré) et c'est toujours l'argument aujourd'hui: tout le monde a le droit d'aller au sommet", insiste-t-il.

Faut-il dès lors instaurer des quotas? "C'est délicat d'un point de vue social. La justice sociale en termes d'accès aux lieux touristiques est un point important, mais on dépasse ce qu'on appelle la capacité de charge (...) sur le plan environnemental ou carrément matériel".

Propos recueillis par Coralie Claude

Adaptation web: Jessica Vial

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Sauvegarder le paysage, un combat de longue date

La mise en garde de l'association Mountain Wilderness contre "l'ameublement des Alpes" n'est pas la première de ce type. "Déjà à la fin du 19e siècle, avec la construction des hôtels, puis au début du 20e et les premières remontées mécaniques, des organisations et des intellectuels avaient mis en garde contre la dénaturation des Alpes et la destruction des paysages", rappelle Rafael Matos-Wasem.

Certains projets avaient d'ailleurs été retirés après ces manifestations, par exemple la remontée mécanique prévue jusqu'en haut du Cervin, en 1905. A la différence près qu'à l'époque, "le tourisme était assez élitiste, à une échelle relativement modeste", avant de se démocratiser dans les années 50 à 70.