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"On voit les gauches européennes abandonner les thèmes sociaux"

L'invité de Romain Clivaz (vidéo) - Christian Levrat, président du Parti socialiste suisse
L'invité de Romain Clivaz (vidéo) - Christian Levrat, président du Parti socialiste suisse / La Matinale / 10 min. / le 15 mars 2018
Les partis de gauche européens sont à la peine, notamment en France. Pour son président Christian Levrat, le PS suisse se porte bien car il "n'a pas abandonné les sujets sociaux et économiques" au profit de thèmes de société.

"C'est la différence entre le Parti socialiste suisse et bon nombre de nos voisins européens: nous n'avons jamais cessé de mettre les sujets sociaux et économiques au coeur de notre engagement. Nous sommes concentrés sur les thèmes concrets qui concernent la population: les salaires, les primes d'assurances, les retraites ou le pouvoir d'achat", estime Christian Levrat, invité jeudi de La Matinale de la RTS.

"On a vu chez nos voisins un abandon progressif de ces thèmes sociaux au profit des thèmes de société. Le mariage pour tous est important, c'est un combat légitime de la gauche, mais il ne peut pas se substituer à notre engagement pour les bas salaires", souligne celui qui dirige le Parti socialiste suisse depuis dix ans.

"Discours de gauche et pratique centriste"

Il donne notamment l'exemple du PS français, qui n'a récolté que 7% des suffrages lors des législatives en 2017. Il "lutte pour sa survie" et lance aujourd'hui la campagne interne pour se trouver un nouveau secrétaire général.

"Y a-t-il la place en France pour une gauche à vocation gouvernementale?", s'interroge le Fribourgeois. "Les Français sortent d'une législature compliquée, qui a mis une distance entre un discours de gauche et une pratique plutôt centriste", ajoute-t-il.

Il évoque aussi Martin Schulz, que l'on imaginait prendre la place d'Angela Merkel en Allemagne. "Je ne suis pas surpris qu'il ait été confronté aux difficultés ordinaires des sociaux-démocrates. Il a un peu sous-estimé le mécontentement lié à l'abandon des questions sociales et économiques allemandes".

"Exception européenne"

Pour lui, le PS Suisse a "une position qui constitue l'exception en Europe", notamment grâce au refus des politiques de libéralisation et de privatisation au début des années 2000 en Suisse.

"Au cours des années 90, les libéraux ont pris l'ascendant et ils ont réussi à imposer leur vision dans l'UE. Aujourd'hui, celle-ci ne marche que sur un pied", estime-t-il, insistant sur l'importance de "recentrer le combat socialiste".

Propos recueillis par Romain Clivaz

Adaptation web: Jessica Vial

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La base électorale ouvrière, "un défi sérieux"

Christian Levrat reconnaît que la perte de la base électorale ouvrière du PS est "un défi sérieux". "Elle est encore composée à un tiers d'ouvriers "classiques" et à deux-tiers issus de la classe moyenne... c'est un rapport qui s'est inversé depuis les années 70", souligne-t-il.

"Il faut regarder la réalité. Une grande partie des ouvriers d'aujourd'hui n'ont pas le droit de vote, la plupart sont des migrants. La moitié des membres d'Unia n'ont pas le droit de vote", explique-t-il.

Il ajoute que "le conflit entre les questions migratoires et les questions sociales est très fort au sein de ces classes. Mais ce n'est pas d'aujourd'hui, c'était le cas déjà au début du XXe siècle".

Pas candidat à la présidence de l'USS

La présidence de l'Union syndicale suisse (USS) sera vacante dès fin novembre 2018. Son titulaire depuis vingt ans, le conseiller aux Etats socialiste saint-gallois Paul Rechsteiner, a annoncé sa décision de la quitter.

Le poste parfait pour Christian Levrat? "Les syndicats ne sont pas une annexe du PS, ce sont les syndicats qui vont décider", répond-il. Mais il n'a pas prévu une candidature. "Je vais mener le Parti socialiste dans les élections fédérales 2019", dit-il simplement.