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"L'initiative apporte une solution à la transition énergétique"

Laurent Seydoux, président des Vert'libéraux genevois. [Martial Trezzini]
Laurent Seydoux, vice-président des Vert'libéraux Suisse. - [Martial Trezzini]
Pour Laurent Seydoux, vice-président des Vert'libéraux Suisse, remplacer la TVA par une taxe sur les énergies fossiles offre un outil concret pour passer aux énergies renouvelables.

RTSinfo: Supprimer la TVA, c’est trouver le moyen de remplacer la manne de 22 milliards qu’elle rapporte chaque année à la Confédération. Comment une taxe sur l’énergie peut-elle y parvenir?

Laurent Seydoux : Le problème est inverse. On veut instaurer une taxe sur l’énergie, il faut dès lors qu’elle soit suffisamment importante. On a donc proposé de supprimer la TVA pour rendre possible cette nouvelle taxe. Or, nos opposants brandissent déjà la menace d’une essence à 5 francs le litre. Ce ne sera pas le cas avant 2050, quand l’objectif d’une diminution de 40% des énergies fossiles sera atteint. A ce moment-là, la taxe aura augmenté, mais les gens dépenseront moins pour leur consommation en énergie fossile.

Justement, quand les objectifs seront atteints, comment compenser le manque à gagner dans les caisses de l’Etat ?

La taxe sera augmentée progressivement pour maintenir la pression sur les consommateurs, inciter les constructeurs, assainir les bâtiments, etc. On aura une courbe qui se croise entre la consommation qui diminue et la taxe qui augmente. L’énergie fossile - c’est-à-dire dérivée du pétrole ou du charbon - est la moins « élastique ». Utilisée principalement pour le chauffage et les déplacements, elle sera aussi la moins facile à remplacer, cela prendra du temps.

Comment être sûr que nos institutions de prévoyance (AVS, AI) ne seront pas lésées?


On a gardé exactement les mêmes proportions et la répartition compliquée de la TVA. Ce qui est intéressant avec une taxe sur l’énergie, c’est que l’on connaît la taxation au jour le jour lors de l’importation des énergies fossiles, ce qui n’est pas le cas avec la TVA. Et comme les importations sont déjà contrôlées et soumises à une taxe, il n’y aura pas de travail supplémentaire pour appliquer la nouvelle taxe.

Vos détracteurs jugent la taxe sur l’énergie anti-sociale, avec un impact disproportionné sur les ménages modestes.


Ces critiques viennent surtout du PS, qui a pourtant toujours dit que la TVA était antisociale. La taxe sur l’énergie ne sera pas plus antisociale que la TVA. Avec cette dernière, les ménages à faible revenu n’ont pas le choix d’être moins taxés. Or, on sait que la consommation énergétique est proportionnelle au revenu – à revenu important, plus grand logement, véhicule plus gourmand, etc. La taxe sur l’énergie laisse certes une marge de manœuvre plus limitées aux revenus modestes, mais un choix et des efforts sont possibles, ce que ne permet pas la TVA.

En cas d’abolition de la TVA,  quid du tourisme à la pompe le jour où, selon les projections du Conseil fédéral, le litre d’essence en Suisse renchérirait de 3 francs ?


Encore une fois, ce prix évoqué par le Conseil fédéral serait celui appliqué en 2050. Pour l’instant, le prix de l’essence serait fixé autour de 2,60 francs le litre. Alors oui, notre essence sera plus chère que celle de nos voisins. Mais une fois la TVA abolie, tous nos achats seront également moins chers de 8% également! On profitera en retour du tourisme d’achat de nos voisins, dont le volume financier est bien supérieur et plus intéressant. Et soit dit en passant:  notre essence à 2,60 francs sera toujours moins « chère » compte tenu du pouvoir d’achat que celle de nos voisins français à 1,50 euros…

Qu'en est-il des entreprises, dont une partie subit déjà les nouvelles conséquences du franc fort?

Les entreprises sont actuellement les grands pigeons. Le coût de perception de la TVA - à leur charge - est énorme, 2 milliards par année. Environ 90% des entreprises ont un coût de perception de la TVA supérieur à ce que serait la taxe sur l’énergie. En leur enlevant la TVA, elles deviennent plus compétitives de 8% dans leur facturation aux clients. Prenez la restauration, par exemple. Elle économiserait beaucoup plus avec une diminution de ses coûts d’achats sur la nourriture que sur l'énergie. C’est valable également pour tout le tourisme et les services.

Et pour les entreprises qui consomment beaucoup d’énergie ?

Elles ne représente que 1% environ du total des entreprises, ce sont notamment les producteurs d'alu, les cimentiers, les data centers. Pour elles, on propose des exceptions, mais elles ont de toute façon intérêt aussi à diminuer leur consommation. Ces changements sont des opportunités pour se préparer au long terme.

Le résultat du premier sondage SSR n’est guère optimiste pour votre initiative, 58% des sondés se déclarant contre. Quelle est votre réaction?

Le sondage a été effectué dans une période anxiogène, avec les attentats de Paris, le franc fort, etc. Le premier réflexe, c’est la peur. Les arguments qu’on nous oppose sont fallacieux. On a beaucoup parlé en 2014 de transition énergétique, sans outil concret pour y arriver. Nous, nous avons apporté une solution, mais nous ne sommes pas compris pour l’instant, à part par les Verts. La période est peu propice aux changements de paradigme, alors même que notre société vit une évolution extrêmement rapide et doit s’adapter. Les propositions progressistes Vert’libérales vont pourtant dans ce sens.

Les Vert’Libéraux ont été présentés comme «sans illusion», alors que votre président Martin Bäumle a déclaré rechercher un «succès d’estime» à 30% de oui. Pourquoi se lancer dans une quête perdue ?

Cette déclaration était avant tout maladroite, et a été montée en épingle. Notre ambition est de gagner la votation, même si le temps va peut-être nous manquer, car les vrais enjeux énergétiques sont encore peu médiatisés.

Voir aussi l'interview de Frédéric Borloz (PLR/VD): Une taxe sur l'énergie serait "un poids insupportable pour l'économie"

Propos recueillis par Katharina Kubicek

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