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Incertitudes sur le nouveau financement hospitalier

L'implémentation du nouveau financement hospitalier est source de nombreux doutes.
L'implémentation du nouveau financement hospitalier est source de nombreux doutes.
Le nouveau financement hospitalier entre en vigueur le 1er janvier. Il promet plus de transparence et plus de concurrence. Les débuts s'annoncent cependant chaotiques. A terme, la population suisse risque bien d'assister à une rationalisation de l'offre hospitalière.

Dès le 1er janvier, les hôpitaux doivent facturer leurs prestations selon le nouveau système de forfait par cas ou DRG (Diagnosis Related Group). L'introduction du DRG se base sur une modification de la LAMal adoptée en 2007. Parallèlement, la loi révisée a introduit un changement radical dans la planification. (Lire encadré)

Chaque canton établit sa liste d'hôpitaux publics mais aussi privés qui bénéficieront eux aussi dès 2012 d'un financement de l'Etat. Les cantons prendront à leur charge 55% de la facture hospitalière, les assureurs 45%. Un patient aura la liberté de choisir son hôpital, pour autant qu'il figure sur la liste, y compris hors de son canton. Jusqu'à présent seule la nécessité médicale l'y autorisait sans assurance complémentaire.

Des cantons en retard

Mais l'application est loin de la théorie. L'état de planification et les tarifs ne sont pas sous toit dans nombre de cantons. Si certains sont prêts comme Zurich, d'autres accusent du retard. Vaud n'a ainsi trouvé un accord de principe que début décembre avec deux cliniques privées du groupe Hirslanden (BoisCerf, Cecil). Les tarifs ne sont pas non plus fixés partout.

Les assureurs et les hôpitaux ont jusqu'au 31 décembre pour se mettre d'accord mais ils ont souvent tardé pour finalement échouer, explique Michael Jordi, secrétaire central de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé. "Les cantons sont maintenant appelés à jouer les pompiers pour déterminer des tarifs provisoires dont on ne sait pas s'ils couvriront les coûts effectifs", ajoute-t-il.

L'hôpital Pourtalès, à Neuchâtel, où les malades de la grippe A/H1N1 sont reçus.
L'hôpital Pourtalès, à Neuchâtel, où les malades de la grippe A/H1N1 sont reçus.

Ces incertitudes sont ennuyeuses pour les cliniques privées. Car la facture peut être très différente selon qu'elles figurent ou non sur la liste. "Les cliniques privées n'ont aucun intérêt à rester en dehors car elles risquent d'être condamnées à terme", relève Luc Schenker, économiste de la santé. Si un hôpital privé n'est pas sur la liste, il ne reçoit aucune subvention étatique. Moyennant que l'assurance ait une convention avec lui, la facture sera désormais prise en charge à hauteur d'environ 30% pour l'assurance de base, et 70% pour la complémentaire.

Beaucoup de caisses ne veulent pas supporter une telle part. "Certains assurés qui pourraient aller en clinique hésiteront car ils ne sont pas sûrs d'être remboursés, à moins d'avoir une assurance complémentaire sans limite", estime Luc Schenker. A noter en outre que certains hôpitaux privés figureront sur la liste, mais seulement pour quelques prestations et pas d'autres. Pour Michael Jordi, ce sont des maladies de jeunesse et les choses seront réglées dans le courant du premier trimestre.

Pour les hôpitaux publics, la pression viendra plutôt du DRG. Dès 2012, les tarifs seront fixés par comparaison avec les hôpitaux les meilleur marché. Se posera alors la question des dépassements. Si le forfait prévoit 10'000 francs et que le coût réel moyen par séjour se monte à 13'000, l'assureur se contentera de payer 45% de 10'000. Qui payera le surcoût?

Centralisation?

"Les hôpitaux publics seront probablement soutenus par le canton", pronostique Luc Schenker. Mais pour l'expert, les contributeurs ne pourront pas éviter de baisser les budgets. Les hôpitaux multisites comme Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds qui coûtent environ 15% plus chers ou les établissements périphériques ne sont pas à l'abri d'un redimensionnement, voire d'une fermeture.

Pour Luc Schenker, un hôpital doté de médecins spécialistes assurant une permanence 24h/24 nécessite un bassin de population de 250'000 à 300'000 habitants, à l'instar du projet Chablais Riviera.

Simon Hölzer, directeur de SwissDRG, nuance. "Le but n'est pas de fermer des hôpitaux", explique-t-il. Il s'agit d'introduire un instrument de comparaison de manière à voir où la productivité est bonne et à comprendre les différences.

Pour Pierre-François Cuénoud, responsable du domaine SwissDRG à la Fédération des médecins suisses (FMH), il restera toujours "la bonne volonté des cantons qui ont la mission d'assurer le service sanitaire pour toute leur population; l'Etat ne va pas pouvoir laisser couler trop d'hôpitaux", souligne-t-il. Selon, Luc Schenker, il faudra attendre au moins cinq ans pour prendre la mesure du nouveau financement.

ats/mre

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DRG, mode d'emploi

Le DRG est un système de classification des patients en fonction du diagnostic, des actes médicaux dispensés (anesthésie, opération...), du degré de complication et de l'âge du patient. Une femme venant d'accoucher sera identifiée dans le groupe valant 0,8 point. Une greffe d'organe peut valoir jusqu'à 35 points.

Cette classification est établie par SwissDRG SA. Il y a 1000 cas SwissDRG en 2012. La facture pour un séjour à l'hôpital correspond au produit du coût relatif DRG par un tarif de base (baserate) propre à chaque hôpital ou groupe d'hôpitaux et négocié entre les assureurs et les hôpitaux. Par exemple, pour une appendicite, on multiplie le tarif de base de 10'000 francs par le DRG 0,65, ce qui équivaut à 6500 francs.

Depuis 2002, une centaine d'hôpitaux utilisaient sur une base volontaire les APDRG inspirés du système utilisé aux Etats-Unis. Les SwissDRG, obligatoires dès 2012, sont une adaptation des DRG allemands. Le nouveau système, plus sophistiqué a pour ambition de comparer les prix de tous les hôpitaux entre eux afin de faire baisser les coûts à charge des assurances maladie.

Craintes de sorties prématurées de patients

Avec le nouveau financement hospitalier, au 1er janvier, les organisations de patients craignent que sous la pression économique, les malades soient poussés prématurément hors de l'hôpital. Pour d'autres, ce risque est contrôlé.

Le "bloody exit" est le principal risque lié au système de forfait par cas (DRG) qui a été identifié aux Etats-Unis, selon Luc Schenker, consultant en économie de la santé. En Suisse, on a prévu des outils pour surveiller les sorties précoces. Un établissement, qui affiche un taux trop élevé de "réhospitalisation potentiellement évitable" s'exposera à des sanctions.

Pour Anne-Marie Bollier, porte-parole de l'Organisation suisse des patients, le problème ne s'arrête pas là. Elle s'inquiète de la prise en charge après l'hôpital. "Tous les cantons ont-ils les structures nécessaires pour accueillir des patients qui auraient besoin d'une assistance accrue les premiers jours de leur retour à la maison", se demande la responsable.

Pour Pierre-François Cuénoud, de la Fédération des médecins suisses (FMH), ce problème n'est pas nouveau. La plupart des cantons ont déjà pris des mesures notamment par une offre élargie de soins à domicile. Le vrai risque à son avis réside plutôt dans la prise en charge de patients âgés qui ne peuvent plus rentrer chez eux à leur sortie d'hôpital. Les listes d'attente pour les EMS sont souvent très longues, rappelle-t-il.

Selon une étude de l'Observatoire de la santé (Obsan), les forfaits DRG déjà pratiqués dans certains hôpitaux suisses n'ont pas eu d'influence sur la durée d'hospitalisation. La moyenne est passée de 8,7 jours en 2001 à 7,4 en 2008, soit une baisse de 15%, sans qu'apparaisse de différence entre les hôpitaux qui facturent en DRG et les autres.