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Le Conseil fédéral veut pouvoir exporter des armes vers certains pays en guerre

Le Conseil fédéral veut plus de souplesse pour exporter du matériel de guerre (image d'illustration). [Keystone - Alessandro della Valle]
Le Conseil fédéral veut plus de souplesse pour exporter du matériel de guerre / Le 12h30 / 1 min. / le 15 mai 2024
Le Conseil fédéral a souhaité mercredi pouvoir autoriser des exportations d'armes, y compris à un pays en guerre, lorsque "les intérêts essentiels" de la Suisse sont en jeu, nouvelle preuve de l'impact de la guerre en Ukraine sur la réflexion stratégique du pays neutre.

En demandant une dérogation à la loi fédérale sur le matériel de guerre, le Conseil fédéral veut s'octroyer "une marge de manoeuvre qui lui permettrait d'adapter en cas de nécessité la politique en matière d'exportation de matériel de guerre".

"L'objectif est de rendre possible la sauvegarde d'intérêts essentiels de politique extérieure et de sécurité dans des circonstances exceptionnelles et de garantir ainsi le maintien en Suisse d'une capacité industrielle adaptée aux besoins de sa défense", explique le gouvernement dans un communiqué.

Aujourd'hui, la Suisse interdit totalement l'exportation d'armes dans de nombreux pays en guerre, qu'ils soient impliqués dans un conflit international ou interne. Cela concerne également des pays qui violent gravement les droits humains, qui risquent d'utiliser les armes contre les civils, ou qui risquent de transmettre le matériel à d'autres.

Respect du droit de la neutralité

Sur demande du Parlement, le Conseil fédéral a ouvert mercredi une consultation pour introduire une "compétence dérogatoire", afin de pouvoir déroger à ces critères, temporairement, dans des circonstances exceptionnelles. Le Conseil fédéral précise qu'"il sera tenu de respecter les obligations internationales de la Suisse, notamment le droit de la neutralité". "Les exportations vers des pays qui violent gravement et systématiquement les droits humains ne seront pas permises", souligne le communiqué.

Le Parlement pourra exercer sa surveillance sur le Conseil fédéral. Il sera impliqué en cas d'application de la compétence dérogatoire. La dérogation pourrait par exemple s'avérer nécessaire pour pouvoir maintenir certaines exportations de pièces détachées et d'éléments d'assemblage dans le cadre de collaborations industrielles entre sous-traitants suisses et des entreprises d'armement d'Etats partenaires soudainement impliqués dans un conflit armé, explique le gouvernement.

Une meilleure sécurité juridique

"La Suisse sera ainsi en mesure de mieux assurer la sécurité juridique des affaires compensatoires liées à des acquisitions de biens d'équipement militaires destinés à sa défense nationale", explique t-il.

Le projet fait suite à une demande émanant initialement de la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats, la chambre haute du Parlement.

Sujet radio: Etienne Kocher

ats/mayju

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Partis politiques partagés

Lors des débats, le centre-droit avait estimé que le changement devait permettre à la Suisse d'être considérée comme un partenaire fiable à l'échelle internationale. Il avait aussi insisté sur une situation géopolitique mondiale qui a changé, avec un risque réel d'escalade.

De leur côté, la gauche et le parti Vert'libéral avaient jugé "inadmissible" que le Parlement rouvre la discussion sur une dérogation.

La Suisse avait été critiquée très rapidement après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 pour refuser par exemple de fournir des munitions aux blindés anti-aériens allemands Gepard, que Berlin avait livrés à Kiev.

Cette attitude de Berne et l'invocation de la neutralité et le respect de la loi avaient fait naître des questions sur l'intérêt de s'équiper avec des matériels de défense suisses.