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Conséquence du changement climatique, la Suisse se lance dans la culture d'amandes

Quelques producteurs pionniers ont commencé à cultiver des amandes en Suisse. [Keystone - Alaa Badarneh - EPA]
L’agroscope de la Confédération étudie la possibilité de cultiver des amandiers en Suisse / La Matinale / 4 min. / le 10 avril 2024
Quelques producteurs pionniers ont commencé à cultiver des amandes en Suisse. Ces arbres se trouvent généralement autour du bassin méditerranéen et en Californie, mais à la faveur des hivers plus doux, ce fruit à coque pourrait s'acclimater chez nous.

Depuis quatre ans, l'Agroscope, le centre de compétences de la Confédération dans le domaine de la recherche agronomique et agroalimentaire, étudie 27 variétés d'amandiers dans son verger expérimental de Wintersingen dans le canton de Bâle. Ils cherchent à savoir s'il existe un réel potentiel pour l'amande douce suisse.

L'un des problèmes rencontrés par l'Agroscope est la période de floraison des amandiers. Ceux-ci fleurissent en effet très tôt, dès le mois de mars, alors que des épisodes de gel printanier sont encore possibles. L'amandier est également très sensible aux monilioses, des champignons qui infectent les fleurs lorsqu'il pleut beaucoup.

Adaptation au climat

Le printemps se fait cependant de plus en plus précoce et les hivers de plus en plus doux, encourageant certains à croire que la culture d'amande est bien possible en Suisse. C'est le cas du viticulteur vaudois Pierre Gillard, qui a planté 200 amandiers dans son verger de Préverenges, à côté de ses vignes. "Je suis un peu curieux, j'aime bien essayer des choses. Et puis avec le réchauffement de la planète, ce sera peut-être une culture intéressante", témoigne-t-il dans La Matinale de la RTS.

C'est justement le changement climatique qui a inspiré Pierre Gillard à chercher de nouveaux types de cultures. "On le voit déjà dans les choix de la vigne. Dans les cépages, il y a des choses qui vont disparaître et on va changer sur d'autres cépages plus du Sud", explique-t-il. "On va être obligé de s'adapter sur des cultures, d'où le but des amandiers".

En 2021, Pierre Gillard a planté une parcelle d'amandier dans son verger. [Domaine du Monteiron]
En 2021, Pierre Gillard a planté une parcelle d'amandier dans son verger. [Domaine du Monteiron]

Lorsqu'il a décidé de se lancer, le viticulteur a fait face à plusieurs défis, à commencer par trouver des arbres. "On a importé les arbres. C'est très compliqué. C'est la même chose pour la vigne, on doit tout le temps demander une autorisation", indique-t-il. "Parce qu'autrement il faut prendre les arbres en Suisse. Mais voilà, il faut les trouver en Suisse. Il n'y a personne qui fait ça".

Les amandiers étant peu répandus en Suisse, les ressources disponibles pour apprendre à cultiver les amandes sont rares. "On apprend sur le tas parce qu'on découvre comment tailler. Il n'y a pas beaucoup de références", explique Pierre Gillard.

Diversification des cultures

L'un des autres défis principaux de la culture d'amandes concerne leur rentabilité. Pierre Gillard voit des débouchés, mais n'imagine pas être rentable avant plusieurs années. "Les premiers débouchés, ça serait les chocolatiers-confiseurs. Ils en achètent beaucoup en Californie, donc pourquoi pas acheter les nôtres?", soulève-t-il. "On a eu une première petite récolte l'année passée de 35 kilos. En un mois, c'était vendu en vente directe".

En 2023, Pierre Gillard a récolté 35 kilos d'amandes. [Domaine du Monteiron]
En 2023, Pierre Gillard a récolté 35 kilos d'amandes. [Domaine du Monteiron]

Pierre Gillard ne mise pas uniquement sur les amandes dans le futur. Le fait de combiner les cultures pourrait d'ailleurs représenter une solution pour rendre cette filière profitable. Le viticulteur observe d'ailleurs que comme la récolte des amandes se fait juste au début des vendanges, il a déjà la main d'œuvre à disposition.

"Ça peut être intéressant pour les gens qui font déjà des fruits à coque, comme la noisette ou la noix", estime Maxime Perret, collaborateur scientifique pour l'Union fruitière lémanique. Ils possèdent en effet déjà des machines pour la cueillette et pour le concassage, ainsi que "toute la chaîne de production pour laver, trier, etc." "Mais ça restera très certainement un petit marché peu concurrentiel face au tonnage massif du bassin méditerranéen", prévient-il.

Pour faire face aux incertitudes climatiques, l'Agroscope prône en tout cas une diversification des cultures, l'amandier étant plus résistant à la canicule et moins gourmand en eau. L'Agroscope cherche à présent à savoir quel est l'impact sur la biodiversité de l'importation d'essences non-indigène.

Sujet radio: Katia Bitsch

Adaptation web: Emilie Délétroz

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