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La Suisse veut sauver le climat, mais se détourne des Verts

Avec cinq sièges perdus au Conseil national, le parti Les Vert-e-s s’engage dans une réflexion de fond sur son identité
Avec cinq sièges perdus au Conseil national, le parti Les Vert-e-s s’engage dans une réflexion de fond sur son identité / 19h30 / 2 min. / le 23 octobre 2023
Quatre ans après leur score historique, Les Verts ont lourdement chuté dimanche lors des élections fédérales. Aux yeux de la population, le changement climatique reste pourtant l’un des défis principaux auxquels la Suisse fait face. Analyse d’un paradoxe électoral.

Dimanche, la vague verte s’est violemment brisée contre les urnes. Le ressac est presque aussi brutal que le raz-de-marée de 2019. Le Parti écologiste suisse égare près de quatre points de part électorale au niveau national. Il échoue sous la barre des 10% et laisse échapper cinq de ses 28 sièges au Conseil national.

Il y a quatre ans, le débat sur le changement climatique – thème de prédilection des écologistes – avait permis aux Verts de conquérir de nouveaux territoires, y compris hors des grandes agglomérations. Depuis lors, le climat est resté une préoccupation majeure de la population, comme en témoignent toutes les enquêtes d’opinion.

Un problème sérieux auquel il faut répondre

Réalisé au printemps dernier par l’institut gfs.bern auprès de plus de 50'000 personnes en Suisse, le grand sondage SSR "Comment va la Suisse?" montrait par exemple que plus de deux tiers des habitants du pays estiment que le changement climatique "est un problème sérieux (face auquel) il faut intervenir au plus vite".

Dans le même ordre d'idée, plus de sept personnes sondées sur dix jugeaient que la Suisse devrait prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique, et ce "même si les pays aux plus fortes émissions de CO2 ne participent pas à l’effort collectif". De quoi, à première vue, doper les ambitions des Verts.

D’autres préoccupations qui montent

Alors, comment expliquer le naufrage électoral du week-end dernier? La résignation face à la crise du climat a probablement joué un rôle. En effet, pour plus de 70% des personnes sondées, la politique suisse "n’arrivera pas à faire suffisamment" pour contrer le changement climatique. Un fatalisme qui pourrait avoir pesé sur la mobilisation de l’électorat écologiste.

Parallèlement, les autres partis ont eux aussi décidé d'empoigner la question du climat, ne laissant plus le champ libre aux seuls écologistes. Par ailleurs, le changement climatique n’est plus, selon les derniers baromètres électoraux de la SSR, la préoccupation principale de la population. Dans un contexte de hausse des prix généralisée, il a été dépassé cet été par les primes d’assurance maladie, le combat préféré du PS. Depuis une année, le thème de l’immigration, cher à l’UDC, prend également de plus en plus d'importance.

Immigration, coûts de la santé et inflation ont largement dominé l’agenda politique ces derniers mois, reléguant au second plan le débat sur l'urgence climatique. Socialistes et UDC ont ainsi profité de ces courants favorables pour voguer vers le succès électoral, tandis que Les Verts, eux, affrontaient des vents contraires.

Un désamour diffus aux causes multiples

Au-delà du défaut de mobilisation de la base et de la difficulté à imposer le thème du climat, quelles sont les raisons profondes du désamour de l'électorat pour les écologistes? Pour démêler le vrai du faux, l’institut Sotomo a posé la question aux premiers concernés, les personnes qui avaient voté pour Les Verts il y a quatre ans et qui s’en sont aujourd'hui détournées.

En termes d’orientation politique, les sources d'insatisfaction citées le plus souvent sont les primes d’assurance maladie, le changement climatique et le dossier européen. Elles reviennent chez à peu près un électeur mécontent sur cinq. La même proportion ne cite aucun thème en particulier. De fait, il n’existe pas une raison majeure expliquant l’éloignement des Verts.

En ce qui concerne les éléments déclencheurs d’une décision de changer de parti, les actions des "activistes qui se collent à la rue" ("Klimakleber" en allemand, 27%) ainsi que le débat sur le genre et le wokisme (26%) sont fréquemment cités, tout comme la polarisation des débats politiques (25%). Mais ce qui revient le plus souvent, c’est que la décision n’est pas liée à un événement d'actualité (30%).

Didier Kottelat

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