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Oppositions étonnantes et alliances gagnantes, le très discret Conseil des Etats sous la loupe

Les résultats de l’enquête data de la RTS mettent en évidence les jeux de pouvoir au Conseil des Etats
Les résultats de l’enquête data de la RTS mettent en évidence les jeux de pouvoir au Conseil des Etats / Forum / 2 min. / le 13 juin 2023
Des données collectées par la RTS lèvent le voile sur le Conseil des Etats. On y découvre comment les sénateurs et sénatrices votent mais aussi les alliances qui règnent sur la Chambre des cantons.

Un sénateur vote "oui", son collègue "non". Les deux voix s'annulent et leur canton ne pèse finalement pas dans la décision. D'après notre enquête, ce scénario se révèle très fréquent pour les conseillers aux Etats du Tessin, de Berne et Neuchâtel, qui peinent à s'entendre.

Ces oppositions peuvent surprendre. Le Conseil des Etats, c'est la "Chambre des cantons". Les 46 sénateurs y défendent notamment les intérêts de leur région. En théorie, ils suivent moins la ligne du parti qu'au Conseil national.

Il n'est toutefois pas facile de savoir exactement ce qu'il s'y passe. Jusque récemment, les députés votaient encore à main levée. Après plusieurs erreurs de comptage, ils ont fini par introduire le vote électronique en 2014. En conservant une partie des votes secrets et sans rendre les données accessibles.

Malgré cela, la cellule data de la RTS a pu récupérer les 1363 votes nominatifs de la législature en cours (lire encadré). Ceux-ci représentent 60% des décisions et permettent d'analyser les alliances entre partis. Et, comme indiqué en début d'article, les oppositions entre les élus d'un même canton sont monnaie courante.

Les Neuchâtelois Philippe Bauer (PLR) et Céline Vara (Vert-e-s) se sont opposés, et leurs voix se sont donc annulées, dans plus de la moitié des votes disputés (les votes unanimes ne sont pas pris en compte). Ils n'ont voté de manière unie que dans 38% des cas.

A l'inverse, la plus grande unité se trouve à Genève. Lisa Mazzone (Vert-e-s) et Carlo Sommaruga (PS) ne se sont opposés que lors de 4% des votes. Il s'agit du taux le plus faible du pays, comme le montre le graphique ci-dessous.

"Avec Philippe Bauer, nous avons des sensibilités différentes"

Evidemment, il est plus simple de s'entendre entre élus d'un même bord politique, comme c'est le cas à Genève. Pourtant dans une configuration similaire qu'à Neuchâtel (Verte/PLR), les conseillers aux Etats du canton de Vaud Adèle Thorens et Olivier Français semblent mieux s'accorder que leurs collègues neuchâtelois, avec 46% de votes identiques.

"Avec Philippe Bauer, nous avons des sensibilités différentes, il faut le respecter. J'ai l'impression que la majorité de nos concitoyens et concitoyennes sont bien représentés", répond la Verte Céline Vara.

La Neuchâteloise assure sortir des clivages partisans pour soutenir son canton: "Nous l'avons fait à de multiples reprises. Aussi sur des sujets qui ne touchent pas spécifiquement le canton, comme la redéfinition du viol. Nous devons le faire, pour les intérêts du canton, c'est primordial."

Pourtant, les données sont claires: les conseillers aux Etats s'associent beaucoup plus souvent aux membres de leur parti politique qu'à l'autre représentant de leur canton. En fait, comme au National, les députés votent neuf fois sur dix comme leur parti.

Cette unité est particulièrement marquée à gauche, où les Vert-e-s et les socialistes se positionnent presque toujours en bloc compact. La majorité de leurs groupes est suivie en moyenne par plus de 95% de leurs membres.

L'alliance bourgeoise domine

Dans ce contexte, les alliances entre groupes s'avèrent décisives lors de nombreux votes. Trois coalitions remportent souvent la mise.

Il y a d'abord l'union des partis bourgeois (Centre, PLR, UDC), puis l'entente de l'ensemble des groupes sans l'UDC et, finalement, l'association du Centre et de la gauche.

Le Centre, faiseur de rois

A ce jeu-là, le Centre l'emporte très souvent au Conseil des Etats. Sur les 683 votes disputés, la majorité du groupe s'est retrouvée plus de 9 fois sur 10 dans le camp des vainqueurs. Le groupe devance le PLR (83%). Ce sont aussi les deux partis les mieux représentés, avec 14 et 12 élus.

Le PS, les Vert-e-s et l'UDC rencontrent moins de succès, comme le souligne le graphique ci-dessous.

A l'échelle des sénateurs, la championne des votes gagnés s'appelle Brigitte Häberli-Koller. La centriste thurgovienne, qui a récemment pris la présidence de la Chambre, a choisi le bon camp dans 94% de cas.

La PLR fribourgeoise Johanna Gapany, première Romande, arrive en 9e position. Les élus les moins suivis se trouvent à l'UDC.

Valentin Tombez avec Julien Bangerter

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Qui vote comme qui?

Lorsqu'ils appuient sur le bouton rouge ou vert, la couleur est quasiment toujours identique pour plusieurs politiciens et politiciennes. Le Genevois Carlo Sommaruga et la Tessinoise Marina Carobbio Guscetti, tous deux socialistes, comptent ainsi plus de 98% de votes identiques.

A l'inverse, les deux élus les plus opposés du Conseil des Etats sont l'UDC bernois Werner Salzmann et la Verte neuchâteloise Céline Vara.

Comment nous avons récupéré les votes du Conseil des Etats

Contrairement au Conseil national, les services du Parlement ne mettent pas à disposition de base de données contenant les votes au Conseil des Etats. Les résultats de certains votes (votes finaux, en cas de demande de plusieurs élus, etc.) sont publiés de manière nominative sur le site du Parlement uniquement au sein du bulletin officiel, qui relate les débats.

Nous avons compilé ces votes, publiés au moyen de fichiers PDF, sous la forme de données analysables afin d'obtenir une photographie de la législature en cours.

Selon les services du Parlement, les 1363 votes récupérés (sans la session en cours) représentent environ 60% des décisions du Conseil des Etats. L'autre partie des votes reste, en théorie, secrète, mais il est possible de connaître le résultat de ces votes en visionnant les images des débats de la Chambre.