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En Suisse aussi, les vétérinaires sont particulièrement exposés au risque de suicide

Les vétérinaires suisses sont en souffrance. Une hotline a été ouverte pour leur venir en aide
Les vétérinaires suisses sont en souffrance. Une hotline a été ouverte pour leur venir en aide / 19h30 / 3 min. / le 16 mai 2023
Une étude française a montré que les vétérinaires avaient trois à quatre fois plus de risque de se suicider que la population générale. En Suisse aussi, cette profession est parfois en souffrance. Une ligne d'appel vient d'être ouverte pour leur venir en aide.

Vétérinaire à Echallens, Vanozza Gauthier aime profondément son métier mais, il y a quelques années, elle a failli fermer son cabinet. La raison: "J'ai frôlé le burn-out".

Son cas n'est pas une exception. Une étude menée en France par l'Université de Bourgogne Franche-Comté, publiée l'an passé, a montré que les vétérinaires avaient trois à quatre fois plus de risque de se suicider que la population générale, deux fois plus que les soignants en médecine humaine.

>> Voir aussi cette étude de 2018 : Les vétérinaires se suicident quatre fois plus que le reste de la population

Journées interminables, urgences et gardes: les semaines sont longues pour les vétérinaires. Selon une étude menée par le Bureau d'études de politique du travail et de politique sociale (BASS) en 2021, les vétérinaires travaillent en moyenne 50 heures par semaine.

Lors de l'ouverture de son cabinet, Vanozza Gauthier avait un portable sur lequel ses clients pouvaient l'appeler 24h sur 24, 6 jours sur 7 et trois week-ends par mois.

"Certains soirs, je suis tellement fatiguée quand je rentre à la maison que je ne peux même pas faire à manger. Aujourd'hui c'est rare, mais auparavant, ça m'arrivait souvent. On culpabilise beaucoup parce qu'on a l'impression de délaisser sa famille."

Autre poids sur les épaules: "Les étoiles ou les commentaires Google nous atteignent aussi beaucoup", commente-t-elle.

"S'il lui arrive quelque chose, je vous tue"

Autre difficulté: le rapport avec les propriétaires d'animaux s'est tendu. Le statut de l'animal a changé dans la société et les exigences des clients sont aujourd'hui élevées.

Chirurgien vétérinaire à Genève, Luc Borer raconte le cas d'un client qui, à la fin d'une consultation, lui a lancé: "C'est comme mon enfant, s'il lui arrive quelque chose, je vous tue."

Et surtout, tous ne veulent ou ne peuvent pas payer la prise en charge médicale de leur animal. "C'est un déchirement pour nous de ne pas pouvoir aider un animal pour des raisons économiques, alors que c'est notre vocation", reconnaît Luc Borer.

Parce qu'il est aussi président de la Société genevoise des vétérinaires, Luc Borer voit aujourd'hui passer les plaintes des clients. Certains demandent le remboursement de factures des mois - voire des années - après un traitement car ils le jugent a posteriori trop coûteux.

L'euthanasie est également un geste qui, bien que courant, pèse parfois sur les vétérinaires. Dans le canton de Vaud, Laudine Lequet en pratique beaucoup: "Le fait d'être confronté à la souffrance, humaine ou animale… On ne peut pas être insensible à ça", résume-t-elle. "Et on voit de tout, vraiment."

Matériel létal à portée

Car si la Suisse ne tient pas de statistiques sur le suicide chez les vétérinaires, le mal-être qui touche la profession est bien connu. "Je connais directement deux personnes qui se sont suicidées. Et quand on discute avec des collègues, beaucoup en connaissent", raconte Luc Borer.

C'est aussi le cas de Vanozza Gauthier, dont un collègue a mis fin à ses jours avec le matériel de sa propre pharmacie. Car le fait de posséder les moyens nécessaires est aussi un facteur qui facilite le passage à l'acte.

Quant à Laudine Lequet, elle a connu un collègue et ami qui s'est donné la mort deux ans à peine après la fin de ses études, à 26 ans. Pour mieux reconnaître les symptômes du burn-out, elle a adhéré à l'association française Véto-Entraide.

Apprendre à gérer

Consciente également du problème, l'association des Vétérinaires Suisses a ouvert une ligne gratuite en février de cette année pour permettre aux vétérinaires, aux aides-vétérinaires et à leur entourage de trouver de l'aide. "Nous voulons aller plus loin et établir des mesures plus efficaces d'accompagnement des étudiants", explique son président Olivier Glardon.

"Parce qu'on s'aperçoit qu'eux aussi sont fragilisés, ce qui est peut-être nouveau. Nous voudrions également apporter davantage de soutien lors de la formation post-grade, qui peut être un choc comme en médecine humaine, ainsi que pendant le travail en cabinet pour détecter les soucis plus rapidement."

"Si on sait prendre soin de soi et poser des limites, autant aux propriétaire d'animaux qu'à nous-mêmes, c'est un métier merveilleux", conclut néanmoins Vanozza Gauthier. "Mais il faut apprendre à gérer tout ça."

Julie Conti

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Où trouver de l'aide?

Sur internet:

Par téléphone:

  • 147: Pro Juventute – Ecoute et conseils pour les jeunes (147.ch)

  • 143: La Main Tendue – Ecoute et conseils pour les adultes (143.ch)

  • 144: Ambulances – Urgences