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En Suisse, l'essentiel des adoptions concerne les familles recomposées et les couples homosexuels

En Suisse, le nombre d’adoptions d’enfants venant de l’étranger dégringole. En cause, une procédure compliquée et onéreuse
En Suisse, le nombre d’adoptions d’enfants venant de l’étranger dégringole. Ce sont désormais les familles recomposées qui recourent le plus à l'adoption. / 19h30 / 4 min. / le 7 mai 2023
Le recul des adoptions internationales se poursuit en Suisse, au point qu’elles concernaient moins d'un enfant adopté sur huit en 2021. Ce sont désormais les familles recomposées et les couples homosexuels qui recourent le plus à l'adoption.

Lia Freymond, 13 ans, n'a jamais connu son père. Elle a toujours été élevée par sa mère, jusqu'à ce que cette dernière rencontre Florian, il y a cinq ans. La famille s'installe alors à Poliez-Pittet, dans le Gros-de-Vaud.

Peu à peu Lia s'attache à son beau-père, au point qu'un beau jour, en fin de repas, elle lui demande de l'adopter. "Je ne sais pas ce que ça fait de ressentir d'avoir un vrai père et du coup, je lui ai demandé d'être mon vrai papa", témoigne-t-elle dans le 19h30.

Son beau-père, forcément, est ému. "Sur le moment, ça m'a totalement surpris parce que je ne m'y attendais pas", se souvient Florian Bourban. "En même temps, ça m'a donné une sorte de fierté et l'envie de pouvoir réaliser un de ses rêves."

Sous le même toit depuis plus de trois ans et donc éligibles à l'adoption, la famille s'apprête à envoyer sa demande à l'Etat civil vaudois. Avoir un vrai papa, un gage de sécurité pour Lia, notamment sur le plan financier, même si l'essentiel est ailleurs. "Je ne l'appellerai plus par son prénom, mais 'papa'", se réjouit-elle.

Si tout se passe bien, la procédure prendra une année environ.

Adoptions intrafamiliales en hausse

Ce type d'adoptions dites intrafamiliales concerne essentiellement les familles recomposées, comme celle de Lia, mais aussi les couples de même sexe. Depuis 2018, ces derniers sont en effet autorisés à adopter l'enfant du conjoint ou de la conjointe, qu'il soit né d'un don de sperme ou d'une gestation pour autrui à l'étranger.

"On a même eu des adoptions d'enfants qui avaient 15 ou 16 ans, donc on voit qu'en fait il y a eu un phénomène de rattrapage à ce moment-là", précise Manon Schick, directrice générale de l'Enfance et de la jeunesse dans le canton de Vaud.

Depuis cette modification du Code civil, le nombre d'adoptions intrafamiliales a ainsi connu une forte hausse, atteignant 224 cas en 2021, soit 80% du nombre total d'adoptions d'enfants en Suisse.

Adoptions internationales en chute libre

Si les adoptions intrafamiliales connaissent une forte progression, les adoptions internationales sont, elles, en chute libre.

Etablis dans le Chablais vaudois, Stéphanie et Mathias Courouble ont lancé des démarches pour adopter un enfant de Thaïlande il y a quatre ans et demi. Aujourd'hui, ils sont toujours dans l'attente. "On n'a aucune nouvelle. On sait que ça peut être demain, ça peut être après-demain, ça peut être jamais…", témoigne Mathias Courouble, qui ne cache pas son inquiétude.

Désormais quadragénaires, les Courouble ont déjà déboursé plusieurs milliers de francs dans la procédure et se sont soumis à plusieurs tests psychologiques visant à prouver leur aptitude à devenir parents.

"Au début, je l'ai vécu comme une injustice", reconnaît Stéphanie Courouble. "On vient nous questionner […], on doit avoir des témoignages d'amis qui prouvent qu'on est aptes à s'occuper d'un enfant. Alors que d'autres personnes qui sont peut-être dans d'autres difficultés, on ne va rien leur demander", déplore-t-elle.

Un enfant doit rester en priorité dans son environnement

Le parcours du combattant vécu par ce couple reflète à quel point le contexte a aujourd'hui changé. Dans les années 1970 et 1980, des centaines d'enfants abandonnés arrivaient par avion du monde entier. Depuis, les pays se sont développés et la Convention de La Haye, ratifiée par la Suisse en 2003, stipule que les enfants doivent rester en priorité dans leur environnement.

"On s'est rendus compte que c'était important qu'un enfant ne soit pas déraciné de son pays d'origine et qu'il valait mieux qu'il soit accueilli directement par une famille dans son pays", souligne Manon Schick.

Avec moins de quarante cas d'adoptions internationales en 2021, le modèle est-il voué à disparaître? Manon Schick nuance: "Il restera toujours des adoptions internationales, notamment pour des enfants qui ont des besoins particuliers, qui ont des handicaps et qui ne peuvent pas être accueillis correctement par une famille dans leur pays d'origine".

Yoan Rithner

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