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L'UDC serre les rangs contre la réexportation d'armes suisses vers l'Ukraine

L’analyse de Pierre Nebel sur le refus catégorique de l’UDC de soutenir toute réexportation d’armes suisses vers l’Ukraine
L’analyse de Pierre Nebel sur le refus catégorique de l’UDC de soutenir toute réexportation d’armes suisses vers l’Ukraine / 19h30 / 2 min. / le 17 février 2023
Réuni vendredi à Döttingen (AG), le groupe parlementaire UDC a définitivement tranché sa position sur la question de la réexportation des armes suisses vers l'Ukraine. Les élus du parti ont décidé à l'unanimité de rejeter toutes les propositions parlementaires visant à permettre cette possibilité.

Le sujet de la réexportation d'armes suisses par d'autres pays, comme l'Allemagne ou plus récemment l'Espagne, déchire la classe politique helvétique. Depuis début février, une commission parlementaire se penche sur la question et plusieurs élus UDC - dont Werner Salzmann et Hannes Gehrmann - s'étaient déclarés favorables à de telles exportations.

>> Lire aussi : La réexportation d'armes vers l'Ukraine doit être autorisée, selon une commission

De quoi inquiéter le patriarche du parti, Christoph Blocher, qui avait rappelé ses troupes à l'ordre le 4 février dernier dans l'émission Forum. "La loi est comme ça. Ce n’est pas lié à la neutralité mais à la légalité", avait-il déclaré sur la RTS.

"Ce n'est pas crédible", avait encore lancé le Zurichois quant au positionnement de certains membres de l'UDC, prêts à faire une exception pour l'Ukraine. "Ils disent [à l'Allemagne]: 'vous ne pouvez pas réexporter les armes, mais on fait une exception, vous pouvez les livrer à l'Ukraine'. Or c'est un pays en guerre et c'est contraire à la neutralité [suisse]".

>> Lire aussi : Pas d'exception sur les réexportations d'armement, martèle Christoph Blocher

Un non, mais tout reste ouvert

Regroupés vendredi sur le site de la centrale nucléaire de Beznau, à Döttlingen (AG), le groupe parlementaire UDC a donc décidé de rejeter "les livraisons d'armes directes et indirectes à l'Ukraine". Le parti entend s'opposer à toutes les propositions d'assouplissement des conditions de réexportation des armes vers l'Ukraine.

Dès lors, avec ce "non" des élus UDC à Berne, est-ce que les différentes propositions visant à autoriser la réexportation du matériel de guerre ont encore une chance de s'imposer sous la Coupole fédérale?

"C'est très ouvert", a estimé dans le 19h30 le correspondant de la RTS au Palais fédéral Pierre Nebel. Selon lui, seuls l'UDC et les Verts devraient rejeter ces propositions. Mais "s'ils étaient rejoints par quelques voix de la frange la plus pacifiste du PS, alors les idées seraient enterrées", analyse-t-il.

Néanmoins, des réunions des groupes parlementaires des différents partis doivent encore avoir lieu ces prochains jours. Il pourrait donc y avoir encore quelques rebondissements.

Réexportations possibles

Actuellement, la réexportation d'armements suisses n'est possible qu'avec l'autorisation du Conseil fédéral. L'année dernière, le gouvernement avait rejeté de telles demandes en se référant au droit de la neutralité. L'Allemagne voulait notamment livrer à l'Ukraine des munitions pour le char antiaérien Guepard.

>> Lire aussi : Le Conseil fédéral interdit aussi à l'Espagne de réexporter en Ukraine des armes suisses

Jérémie Favre

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Une longue tradition de fabrication et d'exportation d'armes

La Suisse produit et exporte des armes depuis l'après-Première Guerre mondiale et le traité de Versailles qui avait imposé à l'Allemagne un désarmement complet. Dans la foulée, la Suisse avait rapatrié un certain nombre de technologies allemandes de guerre. "C'est à partir de ce moment-là qu'il y a eu un développement d'entreprises exportatrices d'armes", explique l'historien Christophe Vuilleumier dans Forum.

L'industrie suisse exportatrice d'armes a été un secteur assez prolifique jusque dans les années 1930, où une première polémique a éclaté sur la question de la nature de ce commerce. "En 1938, le Parlement fédéral a décidé de placer l'industrie de l'armement sous le contrôle de l'Etat", précise Christophe Vuilleumier.

Durant la deuxième moitié des années 1940, la Confédération a même interdit l'exportation d'armes "pour des motifs politiques". Mais avec l'éclatement de la Guerre froide, quelques années plus tard, le secteur a repris de plus belle.

Dans le débat actuel, Christophe Vuilleumier rappelle que le cadre légal est "extrêmement clair". "Mais sous l'angle éthique, sous l'angle politique, tout cela est sujet à interprétation", conclut-il.

>> Ecouter l'interview de l'historien Christophe Vuilleumier :

Pourquoi la Suisse a-t-elle une industrie d’armement? Interview de Christophe Vuilleumier
Pourquoi la Suisse a-t-elle une industrie d’armement? Interview de Christophe Vuilleumier / Forum / 4 min. / le 17 février 2023