Publié

Jacqueline de Quattro: "Sans réforme de notre système de prévoyance, les générations futures trinqueront"

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Jacqueline De Quattro, membre du Conseil national.
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Jacqueline De Quattro, membre du Conseil national. / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / le 21 décembre 2022
Une Jacqueline de Quattro remontée était mercredi l'invitée de La Matinale. Alors que la réforme de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) fait la navette entre les Chambres, la conseillère nationale vaudoise appelle les élus à respecter les promesses faites lors de la votation sur la hausse de l'âge de la retraite des femmes (AVS21).

Lors du référendum sur AVS21, le camp du "oui" à l'augmentation de l'âge de la retraite pour les femmes avait mis en avant le fait que les inégalités seraient réglées lors d'un second chantier, celui de la réforme de la LPP.

Pour Jacqueline de Quattro, les femmes se sont montrées "extrêmement solidaires" lors de la dernière votation, car elles savaient que le système des trois piliers devait être assaini. Elles ont glissé un "oui" dans les urnes à condition que la réforme ne se fasse pas "uniquement sur le dos des femmes."

Or, pour l'élue PLR, ces mesures pour les femmes "n'arrivent pas, ou alors pas de manière satisfaisante".

>> Revoir le reportage du 19h30 qui revenait sur le projet du Conseil fédéral pour la réforme de la LPP :

Après la réforme de l’AVS, le Parlement se penche déjà sur la réforme du 2ème pilier en faveur des femmes
Après la réforme de l’AVS, le Parlement se penche déjà sur la réforme du 2ème pilier en faveur des femmes / 19h30 / 2 min. / le 26 septembre 2022

>> Relire également : Après le oui à AVS 21, quelle réforme pour le deuxième pilier?

Baisser le seuil d'entrée pour cotiser à la LPP

Interrogée pour savoir si la balle n'était pas, au fond, dans le camp bourgeois, le Parlement étant à majorité de droite, Jacqueline de Quattro estime que "les promesses doivent être tenues ensemble". La Vaudoise appelle toutefois les élus de droite, notamment PLR, qui ne semblent pas vouloir compenser l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes de manière suffisante, à "aller au bout de leurs promesses".

"Lors de la votation sur l'AVS, il a été dit qu'on penserait aux femmes, qu'on penserait aux bas revenus. Maintenant, il faut passer des paroles aux actes, et j'attends quelque chose de conséquent", explique-t-elle.

Divergence entre les chambres

Dans le détail, Jacqueline de Quattro souhaite surtout abaisser le seuil d'entrée de cotisation. "L'une des mesures relativement simples, c'est d'augmenter le nombre d'assurés en permettant aux bas revenus - et c'est très souvent des femmes - de cotiser. Pour le moment, le seuil d'entrée pour pouvoir toucher plus tard un deuxième pilier est fixé à plus de 20'000 francs (ndlr: 21'510 francs jusqu'en 2022 et 22'050 francs dès 2023)", propose l'élue.

"On aimerait baisser ça de manière conséquente, pour que davantage de personnes qui travaillent à temps partiel, notamment des femmes qui doivent s'arrêter pendant la maternité ou réduire leur temps de travail, mais aussi, de plus en plus, des hommes et surtout des jeunes qui voient l'intérêt d'avoir un taux de travail plus flexible, puissent cotiser (...). Cela leur permettra plus tard de toucher une somme plus conséquente du deuxième pilier", détaille-t-elle.

"Il y a encore des divergences entre le Conseil des Etats et le Conseil national, mais si on ne trouve pas une majorité, j'ai bien peur qu'on repasse devant la population qui, cette fois-ci, risque d'être moins solidaire que lors de la révision sur l'AVS", ajoute Jacqueline de Quattro.

La recherche d'un équilibre

Avec l'espérance de vie qui augmente et les mauvaises prévisions du rendement du capital de la caisse de pension sur les marchés des capitaux, une nouvelle baisse du taux de conversion de la LPP semble par ailleurs inévitable. Il pourrait passer de 6,8% à 6%. En clair, cela signifie qu'une personne ayant constitué un capital de 100'000 francs au cours de son activité professionnelle obtiendra une rente annuelle de 6000 francs au lieu de 6800 francs actuellement.

Pour compenser cette baisse, le Conseil fédéral a proposé de verser un supplément à tous les futurs bénéficiaires de rentes LPP. Durant une période transitoire de quinze ans, le montant de cette prime serait inscrit dans la loi: 200 francs par mois pour les assurés qui atteindront l'âge de la retraite dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la réforme, puis respectivement 150 francs et 100 francs par mois pour les autres tranches de cinq ans. Par la suite, le montant du supplément serait fixé chaque année par le Conseil fédéral, en fonction des ressources disponibles.

Pour Jacqueline de Quattro, cette proposition n'est pas équilibrée. "Le Conseil fédéral veut compenser 100% des nouveaux rentiers mais ne veut pas baisser le seuil d'entrée à la cotisation. Le paquet proposé coûte près de 30 milliards. Celui proposé par le Conseil des Etats est moins cher et celui du National encore moins cher. Il faut vraiment trouver un équilibre, entre le problème démographique, qui voit de plus en plus de rentiers pour de moins en moins d'actifs et qui doivent financer les rentes et le soutien économique", estime-t-elle.

Le danger d'une classe moyenne qui s'érode

Le soutien économique est bien sûr tributaire d'un financement. Or, où peut-on le trouver? Ne faudrait-il pas que les hauts revenus participent davantage?

La conseillère nationale juge que les plus riches participent déjà de manière conséquente au financement. "Je pense que les hauts revenus mettent déjà beaucoup la main à la poche, quand on voit le nombre de personnes qui ne paient pas ou paient peu très peu d'impôts", remarque-t-elle. Pour l'élue, le risque est surtout de toucher trop fortement la classe moyenne. "Je pense que dans la situation économique dans laquelle on va, avec l'inflation, il faut faire attention à ne pas l'éroder."

Jacqueline de Quattro rappelle également l'importance d'une certaine rigueur budgétaire. "Il faut qu'on reste vigilants. On peut vider les caisses pendant un certain nombre d'années, on l'a fait pendant deux ans au niveau des mesures Covid, qui étaient indispensables, mais maintenant on doit faire attention. J'ai bien sûr envie de donner un maximum à nos rentiers, aux femmes, mais je dois aussi veiller à ne pas vider les caisses des générations futures. On ne peut pas faire abstraction de l'équilibre budgétaire", conclut-elle.

Propos recueillis par David Berger
Adaptation web. Tristan Hertig

Publié