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Adolf Ogi: "Il faut vouloir gouverner au Conseil fédéral, pas administrer"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Adolf Ogi, ancien conseiller fédéral UDC
L'invité de La Matinale (vidéo) - Adolf Ogi, ancien conseiller fédéral UDC / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / le 9 décembre 2022
Avec Albert Rösti, la petite commune bernoise de Kandersteg fête son deuxième conseiller fédéral. Elu il y a tout juste 35 ans, Adolf Ogi l'invite avant tout à avoir l'esprit d'équipe et à gouverner plutôt qu'administrer.

Fraîchement élu au Conseil fédéral, le Bernois Albert Rösti a été choisi jeudi pour reprendre la tête du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).

>> Lire : Albert Rösti reprend le DETEC, Karin Keller-Sutter passe aux Finances

Le représentant de l'UDC suit ainsi les traces de l'autre conseiller fédéral originaire de la même commune de Kandersteg, dans l'Oberland bernois: Adolf Ogi, élu il y a tout juste 35 ans au gouvernement (lire encadré) et qui était passé lui aussi par le DETEC.

Invité vendredi de La Matinale de la RTS, l'ancien politicien UDC, âgé aujourd'hui de 80 ans, a suivi l'élection devant son poste de télévision à Fraubrunnen. "J'étais très, très nerveux", confie-t-il. "C'est quand même inhabituel qu'un petit village de 1350 habitants ait un deuxième conseiller fédéral en peu de temps."

J'ai voulu lui rappeler d'où il vient (…), qu'il est un parmi sept.

Adolf Ogi

Les deux hommes se connaissent bien, évidemment, et se téléphonent régulièrement. Adolf Ogi a même écrit une petite lettre à Albert Rösti après son élection. "J'ai voulu lui rappeler d'où il vient (…) et je voulais aussi lui rappeler qu'il est un parmi sept. Il faut gouverner ensemble, il faut avoir l'esprit d'équipe, il faut être comme un hôtelier."

Le journaliste Peter Rothenbühler a écrit dans le Blick qu'Albert Rösti est le premier conseiller fédéral venant du "camp d’entraînement d’Adolf Ogi". C'est un signe, sans doute, qu'un UDC n'a plus besoin de l'approbation de Christoph Blocher pour entrer au Conseil fédéral.

L'influence de M. Blocher n'est plus la même qu'il y a dix ou vingt ans.

Adolf Ogi

"L'influence de Monsieur Blocher n'est certainement plus la même qu'il y a dix ou vingt ans", confirme le Bernois. A ses yeux, un candidat soutenu par Christoph Blocher aurait beaucoup de peine à passer la rampe du Parlement aujourd'hui. "Il ne veut pas que Christoph Blocher dirige tout seul l'UDC suisse. Et si Rösti avait été le candidat de Blocher, je suis persuadé qu'il ne serait pas passé", dit-il.

Albert Rösti, homme des lobbies?

Le portefeuille du DETEC en mains du nouvel élu UDC fâche la gauche, qui désigne Albert Rösti comme l'homme des lobbies. "C'est faux de parler toujours de l'homme des lobbies", réagit son camarade de parti. "Il faut quand même qu'il vive", ajoute-t-il. "Il était président de sa commune, mais il a quand même dû accepter quelques mandats."

Et Adolf Ogi botte rapidement en touche. "Vendredi prochain, la 'honey moon' [lune de miel] est terminée", enchaîne-t-il. "Il faut maintenant passer aux actes, il faut gouverner, communiquer. Et il devra montrer qu'il est capable. On ne peut pas encore dire que ce sera formidaaable", lance-t-il comme clin d'oeil à une expression qui a fait sa célébrité à l'époque. "Il a un département difficile où on peut faire le bien pour le pays. Il faut vouloir gouverner et pas administrer notre pays."

C'est formidable pour le canton du Jura mais il y a toujours un mais...

Adolf Ogi

La composition du nouveau Conseil fédéral a suscité des interrogations sur les équilibres en Suisse, qui seraient menacés selon certains. Comment ce Bernois francophile a-t-il donc accueilli l'élection d'Elisabeth Baume-Schneider? "Je dirais que c'est formidable pour le canton du Jura. C'est formidable et je la félicite (…) C'est formidable pour un jeune canton", lance-t-il. Mais il y a toujours un "mais", enchaîne Adolf Ogi.

"Il faut bien se rendre compte que les grandes villes comme Zurich, Genève ou Bâle ne sont plus représentées au Conseil fédéral", souligne-t-il. "Et il faut aussi se rendre compte qu'il y a maintenant trois Romands et un Tessinois au Conseil fédéral."

Essayer de rétablir l'équilibre la prochaine fois

L'ancien président de la Confédération (en 1993 et 2000) est cependant persuadé que les Chambres fédérales reviendront à plus d'équilibre à la prochaine occasion. "Quatre cultures, quatre langues, 26 cantons, 2148 communes vivent en paix depuis 1848 parce qu'on n'a jamais oublié les minorités", rappelle-t-il. "C'est la raison pour laquelle il faut essayer de rétablir cet équilibre."

Mais pour le moment, "il ne faut pas avoir peur", ajoute Adolf Ogi. "Je suis sûr que les deux nouveaux vont fonctionner avec les cinq autres dans l'intérêt de la Suisse."

Propos recueillis par Frédéric Mamaïs/oang

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Adolf Ogi élu au Conseil fédéral le 9 décembre 1987

Il y a tout juste 35 ans, le 9 avril 1987, l'UDC Adolf Ogi était élu au Conseil fédéral. "J'étais quand même allé faire un petit jogging" ce matin-là, se souvient-il, "Je me suis préparé dans la forêt, je savais ce qui m'attendait et je voulais accepter ce défi hors du commun."

Certains membres du camp bourgeois avaient cependant refusé de lui donner leur voix au premier tour. Ils lui reprochaient d'avoir soutenu quatre ans plus tôt la socialiste Lilian Uchtenhagen, première candidate féminine de l’histoire au Conseil fédéral.

"Madame Uchtenhagen était la candidate officielle du Parti socialiste, je n'étais donc pas d'accord de ne pas la soutenir", explique-t-il. "Il fallait accepter la proposition des socialistes. A la fin, elle n'a pas été élue, j'étais un peu déçu et il faut quand même ajouter qu'Otto Stich [élu à la place de Lilian Uchtenhagen] n'a jamais oublié", confie Adolf Ogi.

>> Voir cette archive RTS de 2013, qui rappelle la popularité d'Adolf Ogi :

Formidable ! Adolf Ogi, grand invité
Formidable ! Adolf Ogi, grand invité / Infrarouge / 61 min. / le 28 mai 2013