Publié

La contraception masculine, le dernier tabou?

Les hommes sont de moins en moins réticents à utiliser un contraceptif masculin
Les hommes sont de moins en moins réticents à utiliser un contraceptif masculin / 19h30 / 3 min. / le 27 février 2022
En Suisse, les hommes sont de plus en plus nombreux à vouloir utiliser des contraceptifs masculins. Portées par les mouvements féministes et écologistes, les mentalités évoluent en matière de contraception, mais peu de solutions existent réellement sur le marché.

Anneau thermique, slip chauffant ou vasectomie… En Suisse, la demande concernant la contraception masculine a augmenté ces dernières années. Malgré le tabou entourant ce sujet, de plus en plus de jeunes hommes décident de prendre leurs responsabilités face à une parentalité non voulue.

C’est le cas d’Antoine, étudiant romand de 27 ans. Il y a six mois, il a opté pour un contraceptif thermique: l’androswitch. Cet anneau en silicone permet la remontée des testicules vers la racine du pénis, augmentant ainsi la température du sperme d’un à deux degrés. Après quelques mois d’utilisation, le sperme ne contient plus suffisamment de spermatozoïdes pour permettre une fécondation.

Un choix qui lui est venu naturellement lorsqu’il a rencontré sa compagne. "Ma copine ne voulait plus utiliser de contraceptifs hormonaux, qui ont un effet sur le corps et sur l’environnement assez important. Je trouvais plus intéressant de privilégier une méthode naturelle et moins invasive", explique le jeune homme.

Tendance à la hausse

En Suisse, les hommes seraient près de 1500 à utiliser cette méthode. Pour qu’elle soit pleinement contraceptive, l’anneau doit être porté pendant trois mois, environ 15h par jour. Une consultation médicale attestant la fertilité du patient doit être effectuée au préalable, ainsi que des spermogrammes réguliers de contrôle pendant toute la durée du processus.

Face à l’augmentation de la demande, les laboratoires Fertas ont mis au point depuis un an un spermogramme moins cher, dédié à la contraception thermique. Une tendance confirmée par son directeur, Fabien Murisier: "Il y a une croissance continue de patients qui viennent nous voir pour faire un suivi de fertilité. Ce sont des patients qui continuent et qui n’abandonnent pas cette contraception pour une autre méthode".

>> Lire aussi : Face au conservatisme, les droits des femmes régressent

Manque de données

Malgré l’augmentation de la demande, les choix de contraceptifs masculins demeurent limités. Le préservatif reste la méthode le plus utilisée en Suisse. Vient ensuite la vasectomie, opération qui consiste à bloquer les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes à partir des testicules. D’autres moyens comme les injections hormonales sont en cours d’étude et par conséquent indisponibles sur le marché.

Reste alors la méthode thermique. Mais là aussi, le manque de données cliniques se fait ressentir. Il y a deux mois, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a suspendu la vente de l’androswitch en France. En cause: l'efficacité et la sécurité de ce dispositif médical, qui restent encore à démontrer.

Écouter aussi le podcast du Point J >> Podcast - On en est où avec la contraception masculine?

"À long terme, nous ne savons pas s’il y a un impact durable sur la fertilité, voire la stérilité. Nous ne savons pas non plus si l’augmentation de la température pourrait favoriser le cancer des testicules chez certains patients", détaille Gregory Wirth, médecin au centre d’urologie Générale-Beaulieu.

Encore taboue

Face au manque d’études scientifiques, difficile d’encourager cette méthode contraceptive dans les centres de santé sexuelle. D’autant plus qu’il reste difficile de faire changer les mentalités sur la question. "Si on remonte aux années 60-70, les femmes, à juste titre, avaient une volonté de se réapproprier leur corps, notamment en revendiquant l’accès à la pilule. En réaction, les partenaires ont respecté cela, et cela perdure encore maintenant", analyse Alain Pfammatter, conseiller en santé sexuelle chez PROFA.

Difficile donc de déconstruire les stéréotypes de genre sur la question. Mais pour Antoine, ce temps-là est bien révolu. "Vu que c’est la femme qui porte l’enfant, certains pensent que c’est à elle de se charger de la contraception. Il est important que l’homme se responsabilise, c’est une charge qui incombe aux couples, et non pas à une seule personne".

La contraception masculine reste minoritaire. Selon une étude publiée dans la revue PLOS One en mai 2018, en France "seuls 10% des nouveaux pères connaissent la contraception masculine hormonale et 3% seulement la méthode thermique".

Néanmoins, le sujet semble faire son entrée dans le débat public. En témoigne le succès des ouvrages portant sur la question, comme le roman graphique "Les Contraceptés", publié en octobre dernier aux éditions Steinkis.

Sujet TV : Clémence Volhanten
Adaptation web : Sarah Jelassi

Publié