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Entre protection du climat et hausse de loyer, un dilemme zurichois

Chauffage: Tschüss gaz et mazout?
Chauffage: Tschüss gaz et mazout? / L'actu en vidéo / 2 min. / le 30 octobre 2021
Différentes lois sur l’énergie fleurissent un peu partout en Suisse. Mais se débarrasser des énergies fossiles ne va pas sans quelques réticences. Le reportage de 15 Minutes à Zurich et Bâle.

Adieu le mazout ou le gaz, bonjour les pompes à chaleur! Les initiatives cantonales se multiplient pour assainir le parc immobilier. Selon les derniers calculs de la Confédération, le secteur des bâtiments est responsable d’environ un quart des émissions totales de CO2.

Mais changer son chauffage coûte cher. Si bien que dans certains cantons, ces lois ont été refusées par le peuple. À Zurich, la population doit voter dans un mois sur une interdiction à terme des chauffages à énergies fossiles.

En pleine campagne de votation, les autorités zurichoises organisent des visites des infrastructures énergétiques pour informer et sensibiliser la population au renouvelable. Ce soir-là, une dizaine de personnes ont répondu à l'appel. "On devrait avoir plus d’énergie verte en ville! C’est vraiment la bonne direction à prendre", estime une participante.

Pourtant, le chauffage au mazout ou au gaz est encore bien présent en ville. "Environ 70% des bâtiments utilisent des énergies fossiles. Et lorsqu'il faut changer l'installation, plus de la moitié des propriétaires réinvestissent dans ces énergies", explique René Estermann, directeur de l'environnement et de la protection de la santé en ville de Zurich.

Des exceptions

Si la loi passe, tous les chauffages à énergie fossile devront être remplacés par du renouvelable, une fois leur durée de vie atteinte. Le texte prévoit aussi des exceptions: lorsque c'est techniquement impossible ou si l’alternative verte coûte 5% plus cher sur toute sa durée de vie. Une partie des travaux pourront également être subventionnés.

L'association des propriétaires s’oppose à cette loi. Elle a lancé un référendum, soutenue par l’UDC. "Je perdrais mon libre choix", estime l'ancien conseiller national UDC Hans Egloff, aujourd'hui président de l'Association suisse et zurichoise des propriétaires fonciers.

>> Ecoutez l'émission 15 minutes sur la thématique :

Des maisons dans un quartier d'habitation en limite de zone agricole à Ardon. [Keystone - Laurent Gillieron]Keystone - Laurent Gillieron
15 minutes - Rénovations climatiques, des inquiétudes financières / 15 minutes / 15 min. / le 30 octobre 2021

"J’ai 60 ans, je pourrais entre guillemets me le permettre. Mais je peux imaginer que pour un locataire qui a 70 ans ou plus, la loi n’est juste pas supportable socialement. Les propriétaires âgés pourraient se retrouver en difficulté."

Il estime également qu'il y aura des augmentations des loyers. "Imaginez si le propriétaire doit tout rénover. Ce sont de gros investissements qui vont se répercuter sur le loyer. On doit donc envisager une augmentation des charges voire, dans le pire des cas, des résiliations de bail. Parce qu'il faut changer tout le système."

Les locataires partent, les prix montent

Mais cette loi sur l’énergie peut-elle à ce point menacer propriétaires et locataires? Il faut se rendre à Bâle-Ville pour se faire une idée plus précise. Le canton est un pionnier en Suisse avec sa législation lancée en 2017. Désormais, 90% des nouvelles infrastructures utilisent de l'énergie renouvelable.

"On profite des rénovations énergétiques pour augmenter les loyers", estime Beat Leuthardt, directeur de l’association bâloise des locataires (Asloca). Il détaille le procédé. "Les locataires quittent les appartements à cause du bruit causé par ces longs travaux. Les propriétaires vont ensuite louer ces biens avec des augmentations de loyer exagérées."

Pour Andreas Zappalà, à la tête de la faîtière bâloise des propriétaires, ce procédé n'existe pas. "Nous pensons qu'on ne peut pas séparer les rénovations énergétiques des autres rénovations. Nous avons appris à vivre avec cette loi. Tous les propriétaires ne sont pas satisfaits, mais c'est pour notre futur."

Dans son immeuble totalement remis à neuf, Verena Wolf, retraitée, n'en peut plus de ces travaux qui s'éternisent. Depuis le mois de mai, elle vit au son du marteau piqueur. Elle cherche à partir. Sans succès pour l'instant. A la fin des travaux en novembre, elle s'attend à recevoir une augmentation de loyer d'au moins 200 francs par mois.

"J’aurais aimé être traitée comme une locataire, une cliente, comme un être humain. De temps en temps, je regarde par la fenêtre et je me dis que chaque brique a plus de valeur qu'une locataire. Et c’est ça qui me déprime le plus."

Joelle Cachin, Guillaume Rey

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