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Les frais réclamés pour radier une poursuite sont discutables

Les frais de radiation d'une poursuite peuvent parfois être plus élevés que le montant initial de la facture. [Depositphotos - videoflow]
Poursuites: le prix d'une radiation / On en parle / 9 min. / le 9 octobre 2020
Radier des poursuites de son dossier, c'est les rendre invisibles sur son extrait de l'Office des poursuites. Or, les frais réclamés par les créanciers pour effectuer cette opération sont discutables: parfois même excessifs et plus élevés que le montant initial de la facture.

Un auditeur de l'émission On en parle avait été mis aux poursuites pour des factures impayées, qu'il a finalement réglées fin 2018. Il veut aujourd'hui radier ces poursuites de son dossier, afin de les rendre invisibles sur son extrait de l'Office des poursuites.

Pour ce faire le Groupe Mutuel lui demande trente francs par poursuite à radier, soit un total de 270 francs pour ses neuf dossiers. Et Paycoach, la société de recouvrement qui l'a mis aux poursuites pour deux autres factures impayées, lui demande 120 francs par poursuite à radier, donc 240 francs en tout.

Cet auditeur devrait donc débourser pas moins de 510 francs pour avoir un extrait de poursuite vierge.

La société de recouvrement Paycoach justifie ces frais par le coût des avances faites aux tribunaux et des "préparations de dossier". Quant au Groupe Mutuel, il invoque des "frais administratifs" et explique ces frais par le fait qu'une majeure partie des Offices de poursuites demanderaient entre 18 et 26 francs au créancier par poursuite à radier.

Le pouvoir du créancier

Toutefois, les enquêtrices d'On en parle ont vérifié l'information et n'arrivent pas aux mêmes conclusions: les quelques offices contactés en Suisse romande, dont celui de l'auditeur, ne facturent rien aux créanciers pour la radiation d'une poursuite. Un seul a indiqué parfois facturer un émolument de cinq francs "selon l'état du dossier", mais ce n'est pas systématique. Et c'est cinq francs, pas trente!

De surcroît, on pourrait imaginer que ces trente francs soient payés par le débiteur seulement si l'Office des poursuites concerné demande de l'argent au créancier: mais ce n'est pas le cas.

Les frais de radiation peuvent être très variés et aussi très élevés, mais ce n'est pas illégal d'en demander: "Même si, éthiquement, ce n'est pas correct, la loi ne l'interdit pas", précise Me Valérie Malagoli-Pache, avocate spécialisée en droit pénal à Genève, au micro de l'émission: "En Suisse, l'existence ou non de ces frais de radiation dépend uniquement du créancier, parce que nous avons un système, actuellement, dans lequel seul le créancier peut donner un contre-ordre à l'Office des poursuites pour procéder à une radiation de la poursuite. En plus, le créancier n'est pas obligé d'y procéder et peut donc refuser de le faire".

Il n'y a pas de maximum pour les frais de radiation, car rien n'est prévu dans la loi: "Cela étant, on peut quand même faire entrer dans le jeu le principe de la proportionnalité", souligne l'avocate: "D'un point de vue du montant, on peut considérer qu'au-delà de cinquante francs, ça me paraît largement exagéré".

Des solutions peu satisfaisantes

Malheureusement, si l'on estime que les frais demandés ne sont pas appropriés, il n'existe que trois options, "et aucune d'elles n'est vraiment satisfaisante", ajoute Valérie Malagoli-Pache.

"La première serait de négocier avec le créancier – à préciser que ce sera difficile de négocier si ces frais sont mentionnés dans les conditions contractuelles ou générales, ce qui est souvent le cas, notamment avec les assurances maladie qui prévoient déjà de facturer des frais de radiation. Souvent, le montant n'est pas mentionné, donc il y a peut-être une marge de négociation, mais sur le principe-même, c'est difficile. Il existe souvent des clauses du type: 'Nous facturons une taxe de suppression par poursuite', donc une négociation dépendra du bon vouloir du créancier", affirme l'avocate.

La deuxième option est d'attendre l'échéance du délai de cinq ans de prescription: "Au bout de cinq ans, la poursuite payée est automatiquement radiée du registre", note Me Malagoli-Pache, "mais c'est un délai qui est long et cette attente peut faire obstacle à la réalisation de certains projets, comme par exemple la location d'un nouveau logement".

Quant à la troisième option, c'est la voie judiciaire: "Il s'agit de saisir les tribunaux compétents d'une action en annulation de la poursuite mais, là encore, cette voie est longue et coûteuse et n'est pas forcément la solution la plus adaptée", conclut Valérie Malagoli-Pache.

Sujet radio: Donna Gallagher, Lauria Sager et Delphine Sage

Adaptation web: Stéphanie Jaquet

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