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Jeunes et alcool: l'étude qui fait "hips"

Le "binge drinking" inquiète les spécialistes du CHUV.
Le "binge drinking" inquiète les spécialistes du CHUV.
Plus des trois quarts des jeunes Romands ont une consommation d'alcool à risque, au moins une fois par mois. Ce que l'on pensait être l'exception est en fait la règle, comme le montre une étude réalisée par des médecins du CHUV.

Les données pour cette étude, publiée dans le dernier numéro de
la revue britannique «Alcohol & Alcoholism», ont été
recueillies en 2007 auprès de 3536 jeunes hommes astreints au
recrutement à Lausanne.

Echantillon représentatif

«Il ne s'agit pas d'un collectif sélectionné ni d'un échantillon
de population, mais d'un véritable recensement. C'est intéressant
sur le plan épidémiologique», indique d'emblée Jean-Bernard
Daeppen, médecin-chef au Centre de traitement en alcoologie du
CHUV. Ce sont pratiquement tous les jeunes Romands de 19 ans qui
sont ainsi pris en compte.



En matière d'alcool, les spécialistes distinguent les pays
nordiques - Grande Bretagne, Scandinavie -, adeptes d'une
consommation irrégulière mais immodérée, et les pays du sud de
l'Europe, où l'on boit plus fréquemment mais de manière moins
explosive. Jusqu'ici, la Suisse était classée plutôt dans la
seconde catégorie.



Or il ressort de l'étude que 75,5 % des sondés boivent au moins
une fois par mois plus de six boissons alcoolisées, soit 60 grammes
d'alcool pur, ce qui correspond à une alcoolémie d'un pour mille
environ. C'est le seuil d'intoxication généralement admis pour
parler d'épisode à risque, de «risky single occasion drinking»
(RSOD) pour les spécialistes, ou plus communément de «binge
drinking», qu'on peut traduire par «biture express».

"Binge drinking"

Il ne s'agit pas
d'un collectif sélectionné ni d'un échantillon de population, mais
d'un véritable recensement. C'est intéressant sur le plan
épidémiologique

Dr Jean-Bernard
Daeppen

Pire, les chercheurs ont calculé que
69,3% de l'alcool consommé par les jeunes Romands l'étaient en de
telles occasions. De surcroît, les jeunes s'adonnant au RSOD
ingurgitent 96,2% du volume total d'alcool consommé. Les 3,8 %
restants sont le fait de ceux qui ne connaissent pas, ou moins
d'une fois par mois, de tels épisodes.



Si l'on fixe la barre à dix boissons alcoolisées et plus en une
occasion, près des deux tiers des sondés (63,3%) disent l'avoir
fait au moins une fois au cours de l'année écoulée. Et dix à
quatorze boissons étaient le chiffre le plus fréquemment cité
(24,9%). Ils étaient même 13,5% à revendiquer 15 à 19 boissons,
16,7% entre 20 et 29 boissons et 8,3% au-delà de 30.



La présente étude montre que le RSOD est plus la norme que
l'exception chez les jeunes suisses francophones de sexe masculin,
écrivent les chercheurs. Le stéréotype d'une consommation régulière
et modérée ne tient pas, selon eux. En outre, au vu des résultats
de précédentes études, il est probable que ces conclusions sont
valables pour l'ensemble de la Suisse.



ats/ps

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Revoir la prévention

Forts de cette étude, les auteurs pointent du doigt «les échecs des efforts actuels de prévention».

Selon eux, les stratégies ne devraient pas viser seulement les groupes à haut risque mais gagneraient à être complétées par des mesures structurelles visant l'ensemble des adolescents et des jeunes adultes.

«L'industrie des alcools considère qu'elle vit sur des consommations raisonnables. Notre étude démontre que ce n'est pas vrai», commente le Dr Daeppen: «On n'a pas affaire à un petit groupe de gens qui dérapent, mais aux trois quarts des jeunes».

Pour le chercheur, il s'agit en premier lieu d'appliquer les lois en vigueur, et de faire respecter les limites d'âge pour l'achat d'alcool, soit 16 ans pour la bière, le vin et le cidre, et 18 ans pour les spiritueux et les alcopops.

Parmi les autres mesures envisageables, «les plus efficaces sont les moins populaires», soit agir sur les prix, ainsi que sur les heures d'ouverture des bars et des magasins, conclut le Dr Daeppen.

Car les conséquences du «binge drinking» sont bien connues et répertoriées par la littérature scientifique: accidents de la route, violences, relations sexuelles non protégées, comas éthyliques, échec scolaire, voire tentatives de suicide.