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Podcast - La mentalisation: se voir de l'extérieur et voir les autres de l'intérieur

Podcast - La mentalisation, se voir de l'extérieur et voir les autres de l'intérieur.
La mentalisation: se voir de l’extérieur et voir les autres de l’intérieur / Dingue / 32 min. / le 29 avril 2024
La mentalisation et la thérapie basée sur la mentalisation (TBM) sont des concepts relativement récents dans le domaine de la psychothérapie. Cette approche suscite un intérêt grandissant, elle est aujourd'hui considérée comme l'une des approches les plus efficaces pour certains troubles, notamment les troubles de la personnalité. Par certains aspects, c'est une approche profondément humaniste.

Dans le podcast de la RTS "Dingue", Sophie (prénom d'emprunt), âgée de 53 ans, raconte comment, derrière la façade de la cadre bancaire hyper efficace, sa souffrance psychologique était intense. Ses rechutes dépressives étaient fréquentes, presque - tristement - habituelles.

Et puis, à l'été 2022, son état l'inquiète: "J'ai commencé à avoir des pensées suicidaires persistantes, et cela, malgré le fait que d'un point de vue professionnel tout s'arrangeait, que mes enfants étaient en bonne santé et que je venais de rencontrer quelqu'un dont j'étais amoureuse. Rien ne justifiait ces images extrêmement violentes qui surgissaient tout au long de la journée."

Diagnostic double

Certains nouveaux comportements de Sophie, tels que des crises de boulimie, une dépendance sexuelle et une prise de risques inconsidérés au volant, l'incitent, en accord avec sa thérapeute, à passer un diagnostic approfondi pour évaluer le trouble de la personnalité borderline. Ce diagnostic est confirmé.

Puis, à la suite des examens complémentaires, elle découvre qu'elle vit également avec un trouble de stress post-traumatique complexe, un trouble qui survient en réponse à des expositions habituellement prolongées ou répétées à une série d'événements traumatisants que Sophie a vécus dans sa petite enfance.

Accompagnement par la thérapie basée sur la mentalisation

Sophie suit alors une thérapie groupale et individuelle à l'unité du trouble de la régulation émotionnelle des HUG. Elle découvre les principes de base de la mentalisation. Elle apprend à développer une curiosité pour les états mentaux (émotions, intentions, croyances, motivations…) qu'elle vit et pour ceux des personnes qui l'entourent.

Rien que d'observer dans quel état émotionnel on est, ça nous permet de prendre de la distance par rapport à ce que l'on est en train de vivre

Sophie

Evidemment, on ne peut jamais avoir de certitude sur les états mentaux de notre entourage, mais on peut y porter attention et émettre des hypothèses; c'est cette double attention à soi et aux autres que l'on appelle la mentalisation.

Sophie se familiarise aussi avec le concept de fenêtre de tolérance de la mentalisation: "Rien que d'observer dans quel état émotionnel on est, ça nous permet de prendre de la distance par rapport à ce que l'on est en train de vivre. Donc, rien que de se situer dans cette fenêtre de tolérance, ça nous aide en fait à ne plus être tellement emporté par notre émotion."

Une curiosité thérapeutique

Une personne en détresse psychologique a souvent le sentiment que ses interactions avec son entourage sont dénuées de sens, comme une succession d'échanges superficiels et creux en boucle qui accentuent son isolement.

Quand on mentalise, cela enrichit beaucoup les perspectives, le vécu, ce qui peut favoriser un sentiment de confiance

Martin Debbané, psychologue et professeur à l'Université de Genève

Pour Martin Debbané, psychologue et professeur à l'Université de Genève, ainsi qu'à l'University College de Londres, cette attitude de curiosité a - en elle-même - une valeur thérapeutique: "Quand on 'mentalise', cela enrichit beaucoup les perspectives, le vécu, ce qui peut favoriser un sentiment de confiance. Cette confiance qu'en réalité, l'interaction avec autrui est plus riche que de simples répétitions. Et dans l'interaction avec moi-même, je ne vais pas tout le temps être confronté à la pire version de moi-même."

La plupart d'entre nous "mentalisent" au quotidien sans en avoir conscience. D'ailleurs, la capacité de mentalisation d'une personne à l'autre est assez variable, mais Sophie a une manière très directe de décrire cette compétence chez les personnes qui, comme elle, vivent avec un trouble de la personnalité borderline: "Nous, notre problème, c'est que notre capacité de mentalisation est cassée. Donc, il faut essayer de comprendre à quel niveau elle est cassée pour pouvoir gentiment revenir à une mentalisation automatique."

Et pour ce faire, la thérapie basée sur la mentalisation a développé différents outils que Sophie apprend désormais à utiliser.

Un apaisement mental profond

Aujourd'hui, presque au terme de sa thérapie, Sophie considère qu'elle a profondément changé. Elle estime que cette approche a été comme "la pièce manquante du puzzle" par rapport aux autres thérapies qu'elle avait suivies par le passé, qui ne lui apparaissent donc pas comme inutiles.

"J'ai posé la question aux gens autour de moi. Est-ce que vous remarquez une différence par rapport à mon comportement? La réponse a été non, explique-t-elle. Ce qui a changé, c'est ce que je vis à l'intérieur. Je ne suis plus tourmentée comme avant. Aujourd'hui, je prends une décision en toute simplicité, je pèse le pour et le contre et j'ai arrêté de me demander ce que les autres vont en penser. Donc, je ne suis plus hyper angoissée, mais je sais comment organiser les choses pour que tout file comme ça doit aller."

Adrien Zerbini

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