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Jean-Bernard Daeppen: "L'addiction n'est pas une maladie honteuse"

L'invité-e de La Matinale (vidéo) - Jean-Bernard Daeppen, chef de service de médecine des addictions au CHUV
L'invité-e de La Matinale (vidéo) - Jean-Bernard Daeppen, chef de service de médecine des addictions au CHUV / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 9 min. / le 6 mai 2022
Ils s'appellent Vassilis, Irène, François: l'un est jovial, l'autre se laisse gentiment sombrer, ils rient, s'énervent et fendent l'armure. Ce qui les réunit, c'est une addiction destructrice, mais aussi le livre de Jean-Bernard Daeppen, chef du Service de médecine des addictions du CHUV.

Dans son ouvrage "La maladie du désir", sorti aux éditions JC Lattès, le spécialiste a voulu rendre hommage à ses patients. Il raconte leur histoire en dressant leur portrait. Objectifs: comprendre leur trajectoire et expliquer les mécanismes complexes qui mènent à une addiction.

A travers ces portraits, Jean-Bernard Daeppen essaie d'aider les personnes touchées par une dépendance, mais aussi leur entourage qui cherche des outils pour les accompagner.

"Ces patients m'ont beaucoup touché, m'ont beaucoup appris et m'ont beaucoup fait réfléchir. Ce que j'ai surtout vu chez eux, c'est la honte et la culpabilité. Depuis des années, je m'évertue à essayer de dire que ce n'est pas une maladie honteuse. L'addiction est presque une chose universelle, qui touche tout le monde, proches compris", explique-t-il vendredi au micro de La Matinale.

Selon Jean-Bernard Daeppen, ce qui rend l'addiction difficile à combattre, c'est le dilemme épuisant de vouloir, ou ne pas vouloir, changer. "On a mis du temps à comprendre que finalement ce qui se passe dans le cerveau d'une personne qui a une dépendance, c'est un conflit entre différentes instances du Moi, du système de récompense. On voit souvent arriver des patients en consultation qui sont épuisés par ce conflit", détaille le médecin.

Les proches sont déterminants

Pour paraphraser Jean-Paul Sartre, l'enfer, c'est aussi les autres. Le professeur parle de "connivence résignée et agressive" de la part de l'entourage: "C'est un peu le paradoxe que je constate. C'est une des raisons de ce livre. Les proches peuvent aider très efficacement, mais ils peuvent aussi renforcer le symptôme et la maladie. Au début, c'est une bienveillance, on cherche à aider, qui devient tout d'un coup agacée, parce que ça prend du temps et que la personne ne change pas de comportement."

Et Jean-Bernard Daeppen de préciser: "On prend en charge les personnes dépendantes, mais aussi leurs proches, parce qu'on sait que lorsqu'ils s'y prennent bien, quand ils comprennent ce que vit la personne, l'ambivalence de ce conflit, ils deviennent un précieux soutien. C'est l'amour et la relation à l'autre qui soignent et sont la solution le plus souvent."

Propos recueillis par Frédéric Mamaïs/jfe

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