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Mortalité "catastrophique" des poussins de manchots empereurs en Antarctique

Les poussins de manchots empereurs, premières victimes de la fonte de la banquise en Antarctique. [Keystone - AP Photo/Warner Independent Pictures]
Les poussins de manchots empereurs, premières victimes de la fonte de la banquise en Antarctique / Le Journal horaire / 35 sec. / le 24 août 2023
Les manchots empereurs de plusieurs colonies de l'Antarctique ont connu des échecs de reproduction "catastrophiques" fin 2022, alerte jeudi une étude scientifique. La totalité des poussins sont morts noyés ou de froid en raison de la fonte précoce de la banquise liée au changement climatique.

Sur cinq colonies surveillées dans la région de la mer de Bellingshausen, à l'ouest de l'Antarctique, toutes sauf une ont subi une perte "catastrophique" de 100% de poussins, qui se sont noyés ou sont morts de froid lorsque la glace a cédé sous leurs minuscules pattes. Ils n'étaient pas assez matures pour affronter de telles conditions, rapportent les chercheurs dans Communications: Earth & Environment, une revue du groupe Springer Nature.

"Il s'agit du premier échec majeur de la reproduction des manchots empereurs dans plusieurs colonies en même temps en raison de la fonte des glaces de mer, et c'est probablement un signe de ce qui nous attend à l'avenir", a déclaré l'auteur principal Peter Fretwell, chercheur au British Antarctic Survey.

Fonte record

Lors du printemps de l'hémisphère sud de l'année dernière - de la mi-septembre à la mi-décembre - la banquise antarctique, qui se forme par congélation de l'eau salée de l'océan, avait atteint des vitesses de fonte record, avant de chuter en février à son plus bas niveau depuis le début des mesures satellitaires, il y a 45 ans.

>> Relire : La glace de l'Antarctique n'a jamais autant fondu qu'en février

Or cette fonte précoce est intervenue au beau milieu de la période de reproduction des manchots empereurs, déjà complexe et fragile.

Ces oiseaux marins se reproduisent en plein hiver austral, lorsque les températures sont les plus rudes, un processus qui s'étale sur de longs mois, entre l'accouplement, le couvage et le moment où les poussins sont autonomes, grâce notamment à la formation de plumes imperméables, en général vers janvier-février.

Site de reproduction en danger

Chaque année, dès le mois de mars, les adultes se lancent dans un périple pouvant atteindre plus d'une centaine de kilomètres pour rejoindre leurs sites de reproduction sur la banquise, toujours les mêmes.

Les femelles pondent un seul oeuf et le laissent aux bons soins du mâle le temps d'aller chercher de la nourriture, parfois à plusieurs centaines de kilomètres.

Les empereurs mâles gardent les oeufs nouvellement pondus au chaud, les protégeant des éléments en les gardant en équilibre sur leurs pattes et en les recouvrant d'un pli de peau formant une poche incubatrice, le tout sans bouger ni manger, en attendant le retour des mères nourricières.

Ce rituel immuable, raconté dans le film "La Marche de l'Empereur", grand succès public et critique dans le monde en 2005, subit désormais les effets du changement climatique, qui semblait jusqu'à récemment épargner la banquise antarctique.

Les manchots empereurs sont certes capables de trouver des sites alternatifs, mais les records de fonte depuis 2016 menacent de dépasser leurs capacités d'adaptation, estiment les scientifiques.

agences/lan

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Disparu d'ici la fin du siècle?

Les manchots empereurs comptent environ 250'000 couples reproducteurs, tous en Antarctique, selon une étude de 2020.

Les colonies de la mer de Bellingshausen représentent moins de 5% de ce total. Mais dans l'ensemble, environ 30% de toutes les colonies ont été affectées par la fonte l'année dernière, il y aura donc beaucoup plus de poussins qui n'auront pas survécu, selon l'étude.

Le manchot empereur a récemment été classé comme espèce menacée par l'autorité américaine de protection de la faune.

Outre la mise en péril de ses lieux de reproduction, il est également fragilisé par l'acidification des océans, autre effet du réchauffement climatique, qui menace certains crustacés dont il se nourrit.

Le British Antarctic Survey estime qu'au rythme actuel du réchauffement climatique, la quasi totalité des manchots empereurs pourraient avoir disparu d'ici la fin du siècle.