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Une guêpe pour combattre la cochenille s'attaquant aux fruits

Une guêpe parasitoïde d'à peine un millimètre émerge d’une cochenille farineuse. [Centre international pour l'agriculture et les sciences biologiques (CABI) - Lukas Seehausen]
Lutter contre la cochenille farineuse avec des guêpes / CQFD / 10 min. / le 23 février 2022
La vorace cochenille farineuse, originaire de l'est de l'Asie, est arrivée en Europe via les activités humaines. La lutte s'organise en Suisse contre cette ravageuse grâce à un petit insecte, une guêpe parasitoïde, son antagoniste naturelle.

Dans les mois à venir, elle va à nouveau faire parler d'elle, la cochenille farineuse. Originaire d'Asie, cette prédatrice, nommée scientifiquement Pseudococcus comstocki, est arrivée en Italie en 2004, puis en Valais en 2015. Très vorace, elle s'attaque notamment aux vergers, dévorant abricots, poires, pommes et autres fruits. Aucun insecticide n'en vient à bout.

Des cochenilles farineuses femelles. [depositphotos - weerapat]
Des cochenilles farineuses femelles. [depositphotos - weerapat]

Pour la combattre les entomologistes ont fait appel à une guêpe parasitoïde qui va jouer le rôle de prédatrice. Un lâcher de ces petits insectes a été réalisé l'an passé dans certains vergers, sur la rive gauche du Rhône, entre Saxon et Chamoson. L'essai sera renouvelé cet été.

Pour savoir à quel moment il est le plus judicieux de lâcher les guêpes parasitoïdes, il faut au préalable comprendre le cycle de vie de la cochenille: il est étudié à l'Agroscope de Conthey par Danilo Christen et son équipe.

Le responsable du groupe Production fruitière en région alpine sort d'un incubateur une boîte en plexiglas avec, à l'intérieur, des milliers de cochenilles: "La femelle est ovale et mesure entre deux et cinq millimètres. Elle ne possède pas d'ailes pour se déplacer, contrairement au mâle. Lui ne vit pas longtemps: il ne mange même pas pendant sa courte période de vie. Il cherche juste une femelle, se reproduit et meurt", remarque-t-il au micro de CQFD.

Trois stades de développement

C'est une autre histoire pour la femelle, morphologiquement très différente. Une fois fécondée, la cochenille farineuse va pondre jusqu'à 500 œufs.

Les différents stades de développement de la cochenille farineuse. [acdc-landwirtschaft.ch]
Les différents stades de développement de la cochenille farineuse. [acdc-landwirtschaft.ch]

Elle connaît trois stades de développement nymphaux: "Les nymphes peuvent commencer à se déplacer: sur les arbres ou descendre aussi dans les herbes. Puis elles se développent en adulte. La première génération dure environ 70 jours entre l'éclosion des œufs et la femelle adulte".

Quant à la deuxième génération, elle dure un peu moins longtemps en Valais, "parce qu'il fait un peu plus chaud en été. Elle peut se développer plus rapidement. Puis il y a une demi-troisième génération parce que, en sortie d'automne, il fait un peu trop froid. Donc elle n'arrive pas à finir son cycle", précise le chercheur.

Nuisible et envahissant, cet insecte ravageur peut se propager très rapidement. Observé sur une seule parcelle de Riddes en 2015, il est désormais présent "pratiquement dans tout le Valais" selon Danilo Christen: "C'est une zone de lutte obligatoire, donc on est obligé de lutter contre ce ravageur qui peut faire de nombreux dégâts".

Comme la cochenille farineuse aime se dissimuler, il est pratiquement impossible de l'atteindre avec des insecticides: "Elle va essayer de se cacher dans les fruits, au moment de leur développement. Elle va se mettre vers la mouche, voire entrer à l'intérieur des pommes et des poires par la mouche. Là, elle peut continuer à se développer, bien à l'abri. Elle aime bien aussi se cacher sous les écorces".

A la recherche du bon ennemi

Une chrysope verte, Chrysoperla carnea, ennemi naturel de certains ravageurs en horticulture et arboriculture. [CC 4.0 - Teemu Rintala, Timo Lehto]
Une chrysope verte, Chrysoperla carnea, ennemi naturel de certains ravageurs en horticulture et arboriculture. [CC 4.0 - Teemu Rintala, Timo Lehto]

Au départ, les scientifiques ont naturellement cherché des prédateurs à cette cochenille: "On a essayé avec la chrysope, un superbe insecte vert d'un centimètre de long, avec d'énormes ailes vert-fluo. Et aussi avec la coccinelle cryptolaemus. Là, ça ne marche pas parce qu'ils ne sont pas assez spécifiques: comme ils mangent tout, la prédation ne fonctionne pas". Ces prédateurs ont été lâchés, mais sont allés chercher de la nourriture ailleurs.

C'est pourquoi Danilo Christen et son équipe se sont ensuite tournés vers le parasitisme: "C'est un fonctionnement qui est très bien connu. Il y a énormément de petites guêpes, de mini-guêpes, qui sont parasitoïdes; elles pondent leurs œufs à l'intérieur d'un autre insecte et le font mourir. Elles utilisent l'autre insecte comme nid, si on veut, pour leurs propres œufs". Et les guêpes Acerophagus malinus pondent les leurs dans les cochenilles adultes.

A peine lâchées, les guêpes parasitoïdes s'attaquent aux cochenilles farineuses. [CABI/ACDC - Lukas Seehausen]
A peine lâchées, les guêpes parasitoïdes s'attaquent aux cochenilles farineuses. [CABI/ACDC - Lukas Seehausen]

Dans le verger valaisan, deux guêpes parasitoïdes étaient présentes, mais en faible quantité: "Le but que nous avons, ici, avec nos essais, c'est de faire l'élevage de ces guêpes parasitoïdes et puis de pouvoir faire du biocontrôle augmenté". Il s'agit d'accroître les populations présentes dans les vergers afin d'attaquer le ravageur et diminuer sa population. L'idée est d'arriver à un certain équilibre.

Des Acerophagus malinus ont été libérées dans les vergers valaisans début juillet 2021, avec l'autorisation de l'Office fédéral de l'environnement. Une analyse de risque a été faite, avec un certain recul sur cette méthodologie.

"Ces lâchers de masse de guêpes parasitoïdes ont été testés aux États-Unis, en ex-Union soviétique et dans le sud de la France. Il n'y a pas eu de problèmes particuliers. Au niveau du risque, il est limité. Et au niveau de l'impact positif que ça peut avoir, ça va être énorme", s'enthousiasme Danilo Christen.

Sujet radio: Sarah Dirren
Adaptation web: Stéphanie Jaquet

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