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A la place des pesticides, des insectes pour lutter contre les ravageurs

Pour lutter contre les pesticides, certains cultivateurs utilisent des insectes spéciaux, ennemis naturels des parasites.
Pour lutter contre les pesticides, certains cultivateurs utilisent des insectes spéciaux, ennemis naturels des parasites. / 19h30 / 4 min. / le 7 octobre 2018
Chaque année, de nouveaux ravageurs - à l'image de la mouche suzukii - arrivent en Suisse avec les importations de fruits, de légumes et de plantes exotiques. Or une guêpe asiatique permet de lutter de manière naturelle contre ce fléau.

Cauchemar des cultivateurs, la mouche suzukii est arrivée en Suisse vers 2010. Cette minuscule drosophile asiatique présente la particularité de pouvoir percer la peau du fruit pour y pondre ses oeufs. Les larves se nourrissent ensuite de la pulpe, ce qui vide et fait pourrir le fruit. Jusqu'à engendrer d'énormes pertes, comme dans les vignobles en 2014.

"On s'endort et on se réveille avec la mouche suzukii", raconte au 19h30 Benno Huber, du domaine du Tilley à Ardon (VS). "On sait qu'à partir du mois de juin, elle est présente et on vit avec. Elle pond des oeufs et après quelques jours on a la joie de découvrir de magnifiques larves dans les fruits", ajoute-t-il, amer. "La framboise coule et devient invendable."

Une guêpe ennemie naturelle de la suzukii

Pour trouver de nouveaux moyens de lutter contre ce ravageur exotique, des chercheurs suisses se sont rendus en Chine et au Japon. Ils y ont été présentés à l'ennemie naturelle de la drosophile suzukii: une guêpe parasite.

Ces scientifiques ont ramené l'insecte dans un laboratoire basé dans le Jura, où ils l'élèvent en stricte quarantaine. Dans des cages, des centaines de guêpes asiatiques pondent dans des larves de mouches suzukii, ce qui les empêche d'éclore. Le but est un jour d'introduire cette guêpe en Europe afin de reproduire le même phénomène en milieu naturel.

"La plupart des espèces invasives sont plus dommageables dans leur région d'introduction que dans leur région d'origine", explique Marc Kenis, responsable de l'analyse de risque au Centre international pour l'agriculture et les sciences biologiques (CABI) de Delémont. "Tout simplement parce que dans leur région d'origine, elles sont attaquées par plusieurs ennemis naturels (…). On veut recréer au moins une partie de ce complexe naturel dans la région d'introduction."

La lutte biologique par introduction

Cette technique de lutte contre les nuisibles se nomme la lutte biologique par introduction. Si elle fonctionne correctement, elle remplace l'utilisation de pesticides ou de filets.

"D'un point de vue économique, c'est très intéressant", indique Marc Kenis. "Parce qu'une fois que l'ennemi naturel s'est établi dans la région d'introduction, il n'y a normalement plus d'action qui s'avère nécessaire."

L'équipe du chercheur espère pouvoir relâcher sa guêpe asiatique d'ici un ou deux ans. Car les procédures sont longues pour éviter qu'une introduction ne nuise à l'équilibre naturel, comme l'avait fait la coccinelle asiatique vendue en Europe il y a quelques années. L'animal s'était alors mis à attaquer certaines espèces indigènes. Si bien qu'aujourd'hui, une grande partie des coccinelles des jardins suisses sont exotiques.

Une cinquantaine d'espèces déjà introduites

Depuis cet épisode, la législation a évolué. La Suisse se montre ainsi plus restrictive que ses voisins. L'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) reçoit chaque année trois à quatre demandes d'introduction à approuver.

"Un des éléments critiques peut être le fait qu'il s'agisse d'insectes polyphages qui s'attaquent à différentes espèces", explique Olivier Felix, responsable du service de protection durable des végétaux à l'OFAG. "Un autre élément, c'est de savoir si l'insecte va pouvoir s'établir en Suisse."

La pratique est méconnue du grand public. Pourtant, une cinquantaine d'espèces ont déjà été introduites dans le pays.

Céline Brichet/tmun

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