Publié

Face aux pesticides toxiques, des collectivités passent au vert

Meurtres dans un jardin suisse
Meurtres dans un jardin suisse / Mise au point / 15 min. / le 1 mai 2016
Herbicides au glyphosate et insecticides aux néonicotinoïdes: si les pouvoirs politiques tardent à reconnaître la nocivité de ces substances, de nombreuses collectivités ont d'ores et déjà abandonné leur usage. Mise au point a mené l'enquête.

L'Union européenne doit se décider le 19 mai prochain d'interdire ou de prolonger pour 10 ans l'usage comme désherbant du glyphosate - récemment jugé cancérogène probable par l'OMS et principe actif du Round Up de Monsanto. De son côté, la Suisse attend la décision de Bruxelles. Or, des collectivités et enseignes romandes ont pris les devant, en renonçant aux pesticides, a constaté Mise au point dans son enquête diffusée dimanche.

L'ONG Greenpeace a d'ailleurs commencé à répertorier les communes vaudoises et genevoises qui continuent d'utiliser du glyphosate.

L’ONG Greenpeace a mené l’enquête pour les cantons de Genève, Vaud et Fribourg (ma-commune-zero-pesticide.ch). En complément, RTSinfo a contacté les communes neuchâteloises, jurassiennes, valaisannes et du Jura bernois. Peu d’entre elles avaient répondu au 29 avril.

Morges, commune modèle

Ainsi, la communes de Morges, citée en exemple par Greenpeace, a renoncé progressivement il y a dix ans à l'utilisation de tout pesticide. Quelques habitudes ont été modifiées dans la foulée: "Pour faire face aux pucerons, nous avons pris l'option de faire des lâchers de coccinelles, au lieu de traiter aux sulfates", illustre Stanley Mathey, responsable de l'Office des espaces publics à Morges.

De nombreuses autres communes de l'Arc lémanique continuent toutefois d'utiliser les glyphosates, à l'instar de Noville (VD). "Cela fait 40 ans que nous l'utilisons et il est toujours homologué par l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG)", explique Pierre-Alain Favrod, député UDC et municipal en charge des terrains communaux. "Le jour où l'OFAG le retirera du circuit, on travaillera avec d'autres produits."

Le jour où l'OFAG retire le glyphosate du circuit, on travaillera avec d'autres produits

Pierre-Alain Favrod, député UDC et municipal à Noville (VD)

L'Office fédéral de l'agriculture a en effet opté pour le statu quo, en attendant la décision européenne, choisissant de s'en référer à des études indiquant que les produits phytosanitaires (pesticides, insecticides et herbicides) ne sont pas cancérigènes pour l'homme.

"Pour être actives contre les ravageurs, aucune substance phytosanitaire n'est anodine, et peut donc avoir des effets secondaires sur d'autres organismes", explique Olivier Félix, responsable du secteur Protection durable des végétaux à l'OFAG. "C'est pour cela qu'il est vraiment important de suivre les recommandations sur les emballages pour minimiser le risque et le rendre acceptable."

"Effet désastreux pour les sols"

L'OFAG endosse une position similaire sur les néonicotinoïdes, produits insecticides à très forte toxicité, dont le Parlement français vient de voter l'interdiction totale pour 2018. "Nous avons des données qui nous disent que les risques sont acceptables, il n'y a pas de raison de prendre des mesures supplémentaires", affirme Olivier Félix.

Le prof. Edward A. D. Mitchell, enseignant à l'Institut de biologie de l'Université de Neuchâtel, est loin de partager le même constat. "Les néonicotinoïdes ont un impact sur tous les invertébrés. Cela peut avoir un effet désastreux sur leur capacité à maintenir leur fonction, notamment d'assurer la fertilité à long terme des sols agricoles."

On risque à terme de perdre l'ensemble de la faune invertébrée, qui représente 99,9% de la faune suisse

Yves Gonseth, directeur du Centre de cartographie de la faune

Même constat alarmiste du côté du Centre de cartographie de la faune: "L'effet des microdoses à long terme sur ces organismes a montré une modification du comportement des espèces, pouvant aller jusqu'à empêcher leur reproduction", explique le directeur Yves Gonseth. "On risque à terme de perdre l'ensemble de la faune invertébrée, qui représente 99,9% de la faune suisse!"

Le bio seulement dans l'assiette

A l'instar des communes, des commerces ont dès lors pris eux aussi l'initiative de ne plus mettre en vente des pesticides traditionnels. Migros, Coop, Jumbo et Obi ont retiré le glyphosate de leur assortiment. Mais aucune des enseignes ne peut actuellement garantir un approvisionnement de plantes 100% sans pesticides.

"Contrairement aux plantes aromatiques, les plantes ornemantales sont tributaires du marché international, davantage basé sur une production classique", explique Tristan Cerf, porte-parole de Migros, qui précise que le label Bio est pour l'heure associé presque exclusivement à l'alimentation.

Pesticides donnés à recycler

Tant que les néonicotinoïdes restent légaux dans les pesticides, les garden centers suisses disent ne pas pouvoir empêcher leur présence dans les plantes ornementales. Ce qui n'a pas empêché la chaîne française de Garden Center Botanic de retirer tous les pesticides traditionnels de leur assortiment et de proposer à leurs clients de ramener et recycler leurs vieux pesticides.

Philippe Mach et Katharina Kubicek

Publié