Lorsque des scientifiques sont tombés pour la première fois sur des fossiles d'Alienacanthus malkowskii dans les années 1950, dans les montagnes du centre de l'actuelle Pologne et au Maroc, il a été difficile de classer les deux os longs et minces trouvés, comme l'a expliqué le directeur de l'étude Christian Klug, de l'Université de Zurich. Ils ont d'abord été pris pour des épines de nageoire.
Ce n'est qu'avec des découvertes récentes d'autres fossiles d'Alienacanthus que l'équipe zurichoise a pu montrer qu'il s'agit en fait de la mâchoire inférieure du poisson. Au début, les fossiles trouvés n'étaient que fragmentaires et il était difficile de se représenter à quoi pouvait bien ressembler l'étrange poisson.
Une mâchoire en guise de trappe
"Cela montre à quel point les êtres vivants se sont spécialisés très tôt dans différents aliments", note Christian Klug, car la longue mâchoire inférieure donne également des indications sur la manière dont le poisson se nourrissait. Selon l'étude, elle servait probablement à capturer des proies vivantes. Cette longue mâchoire servait peut-être aussi au poisson préhistorique à tamiser les sédiments ou à assomer ou blesser ses proies.
La paléontologue Melina Jobbins de l'Université de Zurich, l'une des autrices de l'étude, pense que la mâchoire allongée, munie de dents recourbées qui s'étendaient bien au-delà de l'extrémité de la mâchoire supérieure, servait très probablement de piège: "En gros, elle invitait les proies à entrer et elles ne pouvaient plus sortir parce qu'il n'y avait qu'un seul chemin à emprunter", remarque-t-elle dans un article du New York Times. La mâchoire supérieure plus courte de l'Alienacanthus pouvait se déplacer indépendamment de la mâchoire inférieure et se refermer d'un coup sec lorsqu'un poisson ou un calmar se trouvait trop profondément enfoncé.
A. malkowskii vivait il y a 365 millions d'années, pendant la période du Dévonien, également appelée l'Âge des poissons par les paléontologues. Différents groupes de poissons dominaient alors les océans: les requins, les poissons osseux, les poissons sans mâchoire et les poissons à carapace, appelés placodermes, dont cet Alienacanthus fait partie.
Ces animaux présentaient un large éventail de formes de corps, de tête et de mâchoires. "Alienacanthus malkowskii les pousse à un sommet avec son apparence unique", conclut Christian Klug. De nos jours, cette caractéristique n'est observée que chez un groupe de petits poissons appelés demi-becs.
Stéphanie Jaquet et l'ats