Modifié

Un océan caché à l'origine du CO2 sur Europe, l'une des lunes de Jupiter

Europe est l'une des 67 lunes de Jupiter. Cette image a été capturée par la sonde Galileo de la NASA vers la fin des années 1990. [EPA/NASA - JPL-Caltech/Seti institute]
Un océan caché à l'origine du CO2 sur Europe, une lune de Jupiter / Le Journal horaire / 22 sec. / le 22 septembre 2023
Le dioxyde de carbone détecté sur Europe, l'une des lunes de Jupiter, provient d'un océan situé sous son épaisse couche de glace, selon des données du télescope spatial James Webb. Ces observations confortent les espoirs que cette eau cachée puisse abriter la vie.

Les scientifiques sont convaincus qu'un vaste océan d'eau salée se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres sous l'épaisse (de 10 à 30 kilomètres) surface glacée d'Europe, faisant de cette lune une candidate idéale pour abriter une vie extraterrestre dans notre système solaire. D'une profondeur estimée à un kilomètre, cet océan contiendrait plus d'eau que tous les océans terrestres combinés.

Il est toutefois difficile de déterminer si cet océan caché contient les éléments chimiques nécessaires à l'apparition de la vie. Pour mémoire, le dioxyde de carbone (CO2) est un gaz composé d'un atome de carbone et de deux d'oxygène: il est la molécule la plus commune et la plus importante dans l'Univers. Avec l'eau liquide, il est l'une des briques fondamentales du processus de la formation de la vie, essentiel notamment pour la photosynthèse, la respiration et le métabolisme.

Le dioxyde de carbone avait déjà été détecté à la surface d'Europe, sans que l'on arrive à en déterminer l'origine. Peut-être qu'Europe a, au cours de son existence, abrité de la vie dans ses eaux profondes, remarque une vidéo de la NASA, qui qualifie cette terre de "l'un des endroits les plus intrigant de notre système solaire".

Pour le savoir, deux équipes américaines de recherche ont utilisé des données du télescope spatial James Webb (JWST), récoltées grâce à NIRCam, son instrument d'observation dans l'infrarouge. Les astronomes ont ainsi pu cartographier la surface d'Europe, selon deux études parues jeudi dans la revue Science. Les observations ont été conduites par le JWST pendant dix heures, le 9 janvier dernier, au moment où Europe se trouvait dans sa position la plus proche de la Terre.

Sel de table

La plus grande quantité de CO2 a été trouvée dans une zone de 1800 kilomètres de large, appelée Tara Regio, près de l'équateur d'Europe. Cette zone est recouverte d'un "terrain chaotique", constitué de crêtes, de dômes, de dépressions, d'impacts et de fissures, selon l'une des études.

On ne sait pas exactement ce qui crée ce terrain déchiqueté, mais il se pourrait que de l'eau relativement chaude de l'océan sous-jacent remonte pour faire fondre la glace de surface, qui regèle au fil du temps et forme de nouvelles bosses, puis se recraquèle.

Les scientifiques se questionnent à propos des connections existant entre cet océan interne et la surface de la planète: peut-être qu'il sera possible d'en apprendre plus avant même de devoir creuser la croûte glacée de surface, car des éléments sont vraisemblablement rejetés à la surface par des geysers de vapeur ou de glace.

>> La surface d'Europe vue par le JWST : L'image de gauche est une carte de la surface d'Europe vue avec l'instrument NIRCam du télescope spatial James Webb. Les trois autres sont prises avec le NIRSpec/IFU: les pixels blancs correspondent au dioxyde de carbone dans la grande région de chaos perturbée connue sous le nom de Tara Regio (au centre et à droite), avec des concentrations supplémentaires dans certaines parties de la région de chaos Powys Regio (à gauche). Les 2e et 3e images montrent des traces de dioxyde de carbone cristallin; la 4e indique une forme complexe et amorphe de dioxyde de carbone. [NASA, ESA, CSA - Science: G. Villanueva (NASA/GSFC), S. Trumbo (Cornell Univ.)/ Image Processing: G. Villanueva (NASA/GSFC), A. Pagan (STScI)]
L'image de gauche est une carte de la surface d'Europe vue avec l'instrument NIRCam du télescope spatial James Webb. Les trois autres sont prises avec le NIRSpec-IFU: les pixels blancs correspondent au dioxyde de carbone dans la grande région de chaos perturbée connue sous le nom de Tara Regio (au centre et à droite), avec des concentrations supplémentaires dans certaines parties de la région de chaos Powys Regio (à gauche). Les 2e et 3e images montrent des traces de dioxyde de carbone cristallin; la 4e indique une forme complexe et amorphe de dioxyde de carbone. [NASA, ESA, CSA - Science: G. Villanueva (NASA/GSFC), S. Trumbo (Cornell Univ.)/ Image Processing: G. Villanueva (NASA/GSFC), A. Pagan (STScI)]

La première étude a utilisé les informations du télescope James Webb pour déterminer si le CO2 pouvait provenir d'ailleurs, par exemple d'une météorite. Sa conclusion est que le carbone "provient finalement de l'intérieur, probablement de l'océan interne de la lune", explique à l'AFP Samantha Trumbo, planétologue à l'Université américaine de Cornell et autrice principale de l'étude.

Sur la zone géologiquement jeune de Taga Regio, les scientifiques ont aussi détecté l'équivalent du sel de table, ce qui rend cet endroit plus jaune que le reste des plaines blanches de la lune de Jupiter. Un élément qui pourrait, lui aussi, avoir surgi de l'océan: "Désormais nous avons du CO2, du sel: on commence à en savoir un peu plus sur la chimie interne" d'Europe, souligne la planétologue.

L'importance du carbone

A partir des mêmes données du James Webb, la seconde étude conclut également que "le carbone provient de l'intérieur d'Europe" et il a été déposé là à une époque géologique récente: une déduction renforcée par sa concentration sur un terrain jeune.

"Sur Terre, la vie aime la diversité chimique – plus il y a de diversité, mieux c'est. Nous sommes des êtres vivants à base de carbone. Comprendre la chimie de l'océan d'Europe nous aidera à déterminer s'il est hostile à la vie telle que nous la connaissons ou s'il pourrait être un endroit propice à la vie", explique dans un communiqué de la NASA Geronimo Villanueva, du Goddard Space Flight Center, auteur principal de l'un des deux articles indépendants décrivant les résultats de l'étude.

L'agence spatiale américaine va lancer la mission Europa Clipper en octobre de l'an prochain: elle fera des douzaines de survols rapprochés d'Europe pour analyser sa géologie, sa composition et son environnement pour déterminer si elle peut bel et bien offrir des conditions propices à la vie.

>> Lire aussi : La vie existe-t-elle sur les mondes océans de notre Système solaire?

Stéphanie Jaquet et l'ats

Publié Modifié