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Emma Hodcroft, profession traqueuse de virus

Portrait d'une sommité mondiale de la traque aux variants du Covid-19, Emma Hodcroft, rencontrée chez elle à Bâle
Portrait d'une sommité mondiale de la traque aux variants du Covid-19, Emma Hodcroft, rencontrée chez elle à Bâle / 19h30 / 2 min. / le 24 avril 2021
L'apparition du variant indien rappelle l'importance de réussir à déceler les mutations du coronavirus. En Suisse, une équipe de recherche les cartographie à travers le monde pour suivre leur évolution en temps réel. La RTS est allée rencontrer Emma Hodcrof, une chercheuse devenue incontournable.

C'est une traque d'un genre particulier qu'Emma Hodcroft pratique dans son appartement. Depuis plus d'un an, cette épidémiologiste génomique poursuit le coronavirus partout dans le monde, à tout instant. Ses armes? La génétique et le codage informatique.

"En fait, nous sommes un peu des détectives. Nous utilisons l'ADN du virus afin de déterminer où il s'est répandu et comment il a changé. Cela ressemble aux analyses d'échantillons sur les scènes de crimes pour savoir ce qu'il s'est passé. Nous utilisons le matériel génétique du virus pour trouver comment la pandémie évolue en temps réel."

>> Revoir également le reportage du 19h30 qui revient sur le variant indien :

L'Inde est frappée par la vague fulgurante d'un variant du coronavirus
L'Inde est frappée par la vague fulgurante d'un variant du coronavirus / 19h30 / 2 min. / le 24 avril 2021

Plus de 5000 séquences génétiques par jour

Cette Anglo-Américaine de 34 ans a contribué à développer la plateforme qui permet de suivre l'évolution du virus au fil du temps au niveau mondial, ou presque: "Nous travaillons avec des séquences génétiques du virus fournis par des collègues. Mais nous avons des angles morts partout dans le monde, là où il y a peu de séquençage - voire pas du tout", regrette-elle.

Au total, l'équipe dont elle fait partie récolte plus de 5000 séquences de Covid par jour en provenance du monde entier. Parfois, le chiffre peut même atteindre 20'000. Il faut ensuite vérifier, standardiser, analyser et transformer ces séquences en données visuelles.

"J'adorerais voir plus de soutien international et régional pour permettre de séquencer de manière plus homogène et équitable car même en Europe, il y a d'énormes disparités. Certains pays séquencent 20% de leurs cas, d'autres sont à peine à 1%. En Suisse, nous nous en sortons bien, mais nous avons toujours une image assez déséquilibrée selon les cantons", explique-t-elle.

Le risque est de rater des signaux de changement de dynamique de l'épidémie ou l'émergence de nouveaux variants.

Une vie très connectée

Emma Hodcroft est une passionnée. Entre son travail, des conférences en ligne ou encore des interviews, elle communique énormément sur twitter. Elle y donne son avis, commente des études, les explique ou les critique afin qu'un public large puisse avoir accès aux nouvelles connaissances sur ce virus qui a bouleversé nos vies.

"De nouvelles recherches paraissent chaque jour. C'est fantastique du point de vue de la santé publique et de la science. Mais en tant que scientifique, réussir à suivre cela de son côté, c'est un sacré défi. Et une journée sans regarder Twitter donne la sensation de risquer de rater une publication importante". Malgré tout, elle s'octroie parfois quelques moments de détente, à randonner ou lire.

Depuis plus de 15 mois, Emma Hodcroft travaille d'arrache-pied pour contribuer à une meilleure connaissance et surveillance du SARS-Cov-2. Et ce, malgré des conditions d'emploi précaires. La chercheuse vient de décrocher un poste pour un an à Berne mais dans quelques mois déjà, elle devra s'inquiéter à nouveau de la suite de sa carrière scientifique.

Natalie Bougeard
Adaptation web: Tristan Hertig

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