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Les supports numériques passent à la taxe

iTunes, un espion?
Sont concernés les baladeurs MP3 et les iPod.
A l'heure où la demande de la musique en ligne est en plein essor et où le téléchargement se banalise, les sociétés d'auteurs se réveillent et réclament leur part du gâteau.

Dès le 1er mars, la Commission arbitrale fédérale pour la gestion des droits d'auteurs compte taxer les supports mémoire, tels que contenus dans l'iPod ou les magnétoscopes vidéo munis d'un disque dur.

Seulement voilà: l'association suisse des consommateurs ne voit
pas cette nouvelle redevance d'un si bon oeil. Rémunérer les
artistes, c'est une chose, mais cette nouvelle redevance revient à
taxer deux, voire trois fois le consommateur d'un seul et même
morceau de musique.



Imaginez-vous en train d'acheter votre morceau préféré en ligne,
vous payez alors un petit pourcentage à la Suisa. Vous le gravez
pour l'écouter dans la voiture, vous aurez payé votre cd vierge
entre 5 centimes et 1 francs de plus pour la Suisa. Et enfin, vous
le copiez sur votre Ipod d'une capacité de 60 Giga, que vous avez
acheté 28 francs plus qui iront à... devinez qui.

Problème de définition

Selon Matthias Nast, responsable de projet à l'association de
défense des consommateurs, il s'agit d'un problème de définition :
on ne peut mettre sous la même enseigne les supports de copie, tels
que les cassettes, les dvd, ou les cd-rom vierges et les appareils
sans qu'apparaisse le problème de la double taxation. Il s'agit
également d'un problème de définition : Pour la Commission,
l'appareil avec une mémoire entre dans la même catégorie qu'un cd,
qu'une cassette, mais pas le téléphone portable, qui permet
pourtant également d'acheter et de conserver des morceaux de
musique.

Gagner du temps

Swico partage d'ailleurs le même point de vue et a déjà déposé
un recours au Tribunal fédéral à Lausanne. L'association économique
suisse spécialisée dans les technologies de l'information et qui
regroupe près de 400 fournisseurs et producteurs de la branche
cherche à retarder l'entrée en vigueur de la taxation. Selon Jürg
Stutz, président de la Swico, cette demande de recours ne concerne
pas encore le fond. Il attend les conclusions écrite de la
Commission arbitrale, qui devraient être publiées dans quatre mois,
pour décider d'un deuxième recours.

"Les consommateurs pris pour alibi"

Pour la Société suisse pour les droits d'auteur d'oeuvre
musicale (Suisa), le problème est ailleurs. "Apple réalise 59% de
son chiffre d'affaire grâce à la musique, affirme Vincent Salvadé,
chef du service juridique de la Suisa. On accuse les auteurs
d'encaisser deux fois la redevance, alors que l'enjeu économique
n'est pas là. Il incombe au distributeur de payer la redevance, et
c'est lui qui décide de répercuter le prix de la taxe sur
l'acheteur. Dans cette affaire, on prend le consommateur comme
alibi."



"La taxe est un des élements qui entre en ligne de compte pour la
fixation des prix, mais ce n'est pas la seule. Entre également en
jeu la loi de l'offre et de la demande" selon Vincent Salvadé.

Pourquoi pas les téléphones portables?

Sunrise et Orange ont lancé simultanément leur offre d'achat de
morceau de musique sur téléphone portable. Le secteur est
prometteur, et pourtant, les téléphones ne font pas partie du
matériel soumis à redevance. Selon la Suisa, pour l'heure, la
proportion de données protégées par le droit d'auteur est trop
faible en ce qui concerne les portables pour que cela donne lieu à
une taxation.

Une question qui se pose mondialement

Au Canada, une tentative de taxation des baladeurs et autres
lecteurs enregistreurs avait été amorcée en 2004. Impliqués dans
l'affaire, les chaînes de magasins Wal-Mart Canada et Future Shop
avaient gagné un recours et invalidé la redevance de 25$ imposable
sur tout baladeur de type lecteur MP3. En juillet 2005, la cour
suprême tranchait définitivement: il n'y aura pas de redevance sur
les baladeurs.

S'aligner sur l'Europe?

"Le Canada et les Etats-Unis appliquent un système de droit
d'auteur extrêmement différent qu'en Europe, explique M. Dumont
directeur de la SSA (Société suisse des auteurs). Les revenus
redistribués aux auteurs dont bien moins importants". La plupart
des pays voisins de la Suisse connaissent déjà la redevance sur les
appareils. L'Allemagne était précurseur dans cette démarche tandis
qu'en France, on en est à l'étape suivante. On débat au parlement
sur l'idée d'une "Licence globale", une taxation perçue par les
fournisseurs d'internet.



En Suisse, la proposition de taxation intervient tardivement: et,
comme par hasard, c'est ce printemps que le législatif planchera
sur les modifications du droit d'auteur.



En plus des évolutions technologiques, il s'agit de tenir compte
d'une Europe qui se forge un droit d'auteur commun: la Suisse
peut-elle, dans ce contexte, se permettre de faire bande à
part?



Sarah Chevalier

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Les tarifs des taxes

1. pour les cartes mémoires (par ex. baladeurs MP3, iPod mini, etc)

- d'une capacité inférieure à 512 mégaoctets (MO) Fr. 0.0253 par MO

- d'une capacité inférieure à 1 gigaoctet Fr. 0.0178 par MO

- d'une capacité de 1 à moins de 2 gigaoctets Fr. 0.0145 par MO

- d'une capacité de 2 à moins de 4 gigaoctets Fr. 0.0078 par MO

- d'une capacité de 4 gigaoctets et plus Fr. 0.00467 par MO

2. pour les disques durs d'appareils enregistreurs audio (par ex. juke-box MP3, iPod)

Fr. 0.469 par gigaoctet de capacité de mémoire

3. pour les disques durs d'appareils enregistreurs vidéo (par ex. set top-box, PVR, graveur DVD avec disque dur intégré)

Fr. 0.346 par gigaoctet de capacité de mémoire

La "Licence globale"

Le grand débat qui défraie la chronique en ce moment dans l'Hexagone concerne le «Peer-to-Peer»,. Un projet de loi est en ce moment en consultation devant le parlement. L'alternative à l'interdiction pure et simple du «Peer-to-Peer», consiste en une «licence globale».

Le concept est issu de la consultation entre certaines sociétés de droit d'auteur et les consommateurs, regroupés sous le nom d' «Alliance Public-Artistes».

L'idée est de payer une taxe unique à son fournisseur d'accès internet, de l'ordre de moins d'environ 15 francs par mois afin de donner un cadre légal à l'utilisation libre et sans contrainte du «Peer-to-Peer».