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Le canton de Vaud se fâche avec le Valais sur la correction du Rhône

Le canton de Vaud se fâche avec le Valais sur la correction du Rhône
Le canton de Vaud se fâche avec le Valais sur la correction du Rhône / Forum / 2 min. / le 29 avril 2024
Le gouvernement vaudois a écrit une lettre agacée à son homologue valaisan au sujet de la troisième correction du Rhône, révèle lundi le Pôle enquête de la RTS. En cause: une analyse commandée par le Valais et qui proposerait de revoir cet important projet intercantonal de sécurisation des rives du fleuve. Vaud appelle son voisin valaisan à respecter les engagements pris il y a des années. 

Voilà des mois que de nombreux acteurs de la troisième correction du Rhône attendent fébrilement une analyse lancée en novembre 2022 par le Canton du Valais. Confiée à un bureau spécialisé dans le développement immobilier, cette étude doit "déterminer si le projet tel que défini à ce jour est le plus approprié pour répondre aux défis et besoins actuels", indiquait à l’époque le Département valaisan de la mobilité, du territoire et de l'environnement, en main du conseiller d’Etat UDC Franz Ruppen.

Finalement, en février dernier, après moults demandes, les autorités vaudoises ont enfin reçu une version provisoire et confidentielle de ladite étude. Son contenu les a passablement heurtées, si l’on en croit un courrier envoyé le 11 avril dernier au Conseil d’Etat valaisan et que le Pôle enquête de la RTS s’est procuré.

Ce qui frappe ici, c'est la démarche unilatérale du Canton du Valais. Le Canton de Vaud n'a jamais été associé, ni à l'établissement du cahier des charges, ni au choix du mandataire

Vassilis Venizelos, chef du Département vaudois de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité

"Ce rapport remet en cause fondamentalement le projet [de troisième correction du Rhône] par ses conclusions qui d’une part ont des effets directs sur la partie vaudoise et qui, d’autre part, remettent en question le projet développé depuis de nombreuses années entre nos deux cantons", écrit la présidente du Conseil d’Etat vaudois Christelle Luisier. Ces conclusions sont de nature à retarder davantage, voire à remettre en cause, la sécurisation des zones à bâtir sur sol vaudois."

"Ce qui frappe ici, c'est la démarche unilatérale du Canton du Valais. Le Canton de Vaud n'a jamais été associé, ni à l'établissement du cahier des charges, ni au choix du mandataire. Et à travers une étude portée par un bureau spécialisé dans la promotion immobilière, on remet en question des décennies d'études menées par différents spécialistes en environnement, en géologie, voire en aménagement du territoire", a regretté Vassilis Venizelos, chef du Département vaudois de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité, dans l’émission Forum lundi soir.

Le ministre écologiste indique par ailleurs que l'étude valaisanne est en cours d'analyse côté vaudois, confirmant également le courrier adressé à l'Etat valaisan.

>> L'interview dans Forum de Vassilis Venizelos :

Les inquiétudes du canton de Vaud à propos de la correction du Rhône: interview de Vassilis Venizelos
Les inquiétudes du canton de Vaud à propos de la correction du Rhône: interview de Vassilis Venizelos / Forum / 3 min. / le 29 avril 2024

Une révision en profondeur du projet

Mais alors que dit exactement cette analyse? Selon les renseignements de la RTS, l’analyse en l’état proposerait en effet de revoir tout le projet en profondeur. Elle poserait plusieurs constats que certains trouvent très controversés: les objectifs sécuritaires et environnementaux du projet auraient été sur-évalués, certaines alternatives à l’élargissement du fleuve auraient été trop vite écartées. Lesdites alternatives devraient être ré-étudiées pour limiter l’emprise sur les surfaces d’assolement et mieux tenir compte des objectifs socio-économiques du projet. 

Le Département de Franz Ruppen n’a rien souhaité confirmer ou commenter. Tout au plus précise-t-il à la RTS que "différents enjeux ont pris de l’importance comme la gestion des sites pollués ou le souhait de mieux assurer à long terme le maintien des terres agricoles, via les surfaces d’assolement. L’analyse a donc pour but d’examiner si des adaptations du projet sont nécessaires, et si oui, lesquelles". Le Conseil d’Etat valaisan doit encore statuer sur cette analyse.

Mise en garde et ultimatum dans le Chablais

Côté vaudois, on souhaite prendre les devants. Dans son courrier du 11 avril dernier, le Conseil d’Etat promet de "transmettre des propositions de modifications à l’analyse (…) afin que celle-ci soit acceptable pour les deux parties". Il exige aussi de son voisin valaisan de rapidement valider la mise à l’enquête publique des travaux prévus dans le Chablais. Les Vaudois disent être prêts depuis des mois. Mais tout est freiné dans l’attente des décisions politiques suite à l’analyse valaisanne.

A ce niveau, "les retards ont pour conséquence de pénaliser le développement économique de toute une région", a critiqué Vassilis Venizelos dans l’émission Forum lundi soir. "Tant que le projet n’avance pas, les autorisations de construire sont limitées dans les zones de danger d’inondations, notamment la zone industrielle d’Aigle". Et le Conseil d'Etat vaudois d’avertir dans sa lettre l’exécutif valaisan: "si une mise à l’enquête rapide pour la mesure prioritaire du Chablais n’intervient pas d’ici la fin de cette année, le Canton de Vaud n’aurait d’autre choix que de lancer un projet sur son territoire uniquement, dont la conséquence pourrait être sans garantie quant à un éventuel report du risque sur le côté valaisan du Rhône".

Marc Menichini

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Le Grand Conseil vaudois lui aussi inquiet 

Le Grand Conseil vaudois débattra ce mardi d’une résolution soutenue par des élus de droite et de gauche. Ce texte demande au Conseil d’Etat de "mettre tout en œuvre pour faire avancer rapidement le projet de troisième correction du Rhône afin de sécuriser le Chablais contre le risque de crues et, ainsi, de permettre un développement qualitatif de toute une région".

Selon les auteurs de cette résolution, "même si certains travaux ont pu commencer, urgents et concernant uniquement des mesures d’aménagements, les mesures prioritaires du Chablais subissent un retard important. Ce retard semble directement lié à la réévaluation en cours du projet par le canton du Valais. La mise à l’enquête, prévue initialement depuis plusieurs années déjà, est ainsi bloquée. Cette situation retarde fortement les travaux de sécurisation et fait courir un risque à la population et aux infrastructures du Chablais tout en péjorant son développement économique.