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Procès autour de la mort de Mike Ben Peter: la parole aux témoins

Audition des témoins pour le deuxième jour du procès pour la mort de Mike Ben Peter
Audition des témoins pour le deuxième jour du procès pour la mort de Mike Ben Peter / Forum / 2 min. / le 13 juin 2023
Au deuxième jour du procès des six policiers lausannois prévenus d'homicide par négligence dans l'affaire de la mort de Mike Ben Peter en 2018, plusieurs témoins ont été entendus mardi, dont la femme et le frère du Nigérian. Ils ont demandé que "justice parfaite soit faite".

A l'issue d'un procès qui doit durer au moins trois jours, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, délocalisé à Renens, doit juger si ces six policiers ont réagi de façon proportionnée ou non lorsqu'ils ont interpellé Mike Ben Peter, lors d'un contrôle antidrogue en février 2018.

Ce Nigérian de 40 ans était décédé d'un arrêt cardio-respiratoire après une interpellation musclée. Les policiers risquent jusqu'à trois ans de prison. La défense plaidera leur acquittement.

"Maintenu avec vigueur"

Suspendu lundi soir après que les policiers ont été interrogés par toutes les parties et ont dit avoir agi de manière proportionnée, la journée de mardi était consacrée à l'audition de dix témoins.

Ressortissant français, le premier témoin a dit avoir entendu des "cris particuliers, de plus en plus puissants, de l'ordre de l'urgence, des cris de douleur plus que de quelqu'un qui lutte". Il a expliqué avoir vu depuis sa fenêtre de sa chambre Mike maintenu "fermement" et avec "vigueur" au sol: quatre policiers, deux de chaque côté, au niveau du haut du corps, et deux autres au niveau des jambes.

>> Lire aussi : Les policiers impliqués dans la mort de Mike disent avoir agi de manière proportionnée

Ce témoin n'a pas pu préciser exactement comment Mike était tenu ni comment les policiers s'appuyaient ou non sur lui. "Il me semblait maîtrisé. J'ai été frappé par le nombre de policiers", a-t-il dit.

Querelle de mots et de forme

L'audition du deuxième témoin a été plus laborieuse. Sur demande de la défense, le numéro deux de la Police municipale a été entendu pour ses connaissances générales sur la lutte anti-drogue et des pratiques d'arrestation.

La partie civile a d'abord essayé de rejeter ce témoignage, ce qui a été refusé par le tribunal, avant de l'interroger. La défense a alors reproché à Me Simon Ntah de questionner le major de police sur les faits de la soirée du 28 février, auxquels il n'a pas assisté.

Une querelle de forme s'est alors instaurée, du fait que ce témoin policier ne connaissait pas le dossier de l'affaire dans le détail et ne pouvait donc pas être interrogé en tant qu'expert. Le ton est monté du côté de l'avocat de la famille et le président du tribunal Pierre Bruttin a dû calmer les esprits et interrompre la séance.

Les débats ont pu reprendre et il a surtout été question de techniques d'immobilisation au sol, de durée, la plus courte possible, et des risques de décès. "Aujourd'hui, il n'y a aucun moyen de contraintes avec un risque zéro", a souligné le major.

Femme d'un policier entendue

Un troisième témoin, la femme d'un des six policiers, a aussi été auditionné. Elle a parlé d'un mari "consciencieux, bienveillant, respectueux et loyal, un homme posé qui prend son temps pour réfléchir, jamais colérique".

Mais, a-t-elle ajouté, "une partie de lui s'est éteinte après les événements" de 2018. Elle a décrit un mari "accablé par le chagrin, triste, morose et apathique, qui n'avait plus envie de projet de vie et d'enfants". Le mois de février est à chaque fois "le pire moment" de l'année, avec notamment des "terreurs nocturnes", selon elle.

"Complètement dévastée"

Le temps fort et bouleversant de cette deuxième journée a été les témoignages de la femme et du frère de Mike.

Pour la veuve, en pleurs, le décès de son mari a été "un désastre, j'étais complètement dévastée". Cinq ans après les faits, elle déclare "attendre qu'une justice parfaite soit faite".

Elle a décrit Mike, rencontré en 1999, comme "une bonne personne, charmante, empathique, calme et très responsable". "C'était un père aimant, heureux d'être papa, qui faisait beaucoup de choses et jouait beaucoup avec eux, préparait leurs repas", a-t-elle raconté.

Le frère de Mike a aussi pris la parole. Il a expliqué que la famille était composée de neuf frères et soeurs et que depuis la mort de leur papa en 1995, Mike avait pris le rôle de père de famille. "On l'appelait papa. Il voulait aussi assurer une bonne éducation pour ses nièces et neveux", a-t-il raconté.

Depuis le décès de Mike, "toute ma famille est dans la douleur. Ma mère s'est évanouie quand elle a appris la nouvelle. Elle est ensuite décédée d'une crise cardiaque deux mois après les funérailles, à 65 ans", a ajouté le frère. "Toute notre famille se sent très mal. Je vous en supplie, nous avons besoin de justice".

Condoléances de trois policiers

Après l'audition de la veuve et du frère, trois policiers ont tenu à s'exprimer en se tournant face à eux. "Ma sensibilité me fait connaître la douleur de quelqu'un qui perd un proche. C'est incommensurable. Son décès m'a touché très profondément. Je veux vous présenter mes condoléances et j'espère que vous mesurez la sincérité de mes propos", a dit l'un d'eux.

Deux collègues ont fait pareil, exprimant condoléances et sympathies par rapport à "la douleur que vous vivez". "Cela me tenait à coeur", a dit l'un, "Je suis navré pour tout ça", a ajouté l'autre.

Le procès se poursuit mercredi avec l'interrogatoire des policiers par leurs propres avocats. Les plaidoiries ont été déplacées à lundi et le verdict est attendu jeudi 22 juin a priori.

>> Ecouter aussi l'interview dans Forum de Denise Efionay, directrice adjointe du Forum suisse pour l'étude des migrations et de la population à l'Université de Neuchâtel, sur le racisme systémique en Suisse :

Quelle est l’ampleur du racisme systémique en Suisse? Interview de Denise Efionayi
Quelle est l’ampleur du racisme systémique en Suisse? Interview de Denise Efionayi / Forum / 5 min. / le 13 juin 2023

ats/jfe

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