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"Je pense que la religion porte en elle une dimension politique évidente"

La pasteure Line Dépraz
L'invitée de La Matinale - Line Dépraz, pasteure / L'invité-e de La Matinale / 20 min. / le 19 avril 2019
En pleines célébrations pascales, la pasteure Line Dépraz regrette que le christianisme soit si souvent "muet" face à la violence, aux urgences climatiques ou à l’injustice sociale. "Il ne faut pas opposer religion et politique", dit-elle.

Membre du Conseil synodal (exécutif) de l'Eglise réformée vaudoise, Line Dépraz deviendra l'automne prochain pasteure de la cathédrale de Lausanne.

"C'est un lieu phare (...) dont le but est de proposer des offres cultuelles et spirituelles qui sont autres que ce que les paroisses offrent traditionnellement, notamment dans l'idée d'une ouverture à un plus grand nombre de fidèles que ceux qui sont juste habitués à tel ou tel lieu parce que c'est le temple de leur village ou de leur quartier", explique-t-elle vendredi dans La Matinale.

Pour la pasteure, l'idée est de faire de la cathédrale de Lausanne "une sorte de vitrine, de haut-lieu du protestantisme dans la prédication et dans le lien aussi avec les institutions politiques, puisque nous avons dans le canton de Vaud un lien tout particulier entre l'Eglise et l'Etat."

Je crois très sincèrement que les Eglises ont un travail à faire au niveau du langage.

Line Dépraz

Line Dépraz n'en sera pas pour autant, assure-t-elle, le visage de l'Eglise réformée vaudoise. "Je serai un visage parmi beaucoup d'autres. Notre-Dame, à Lausanne, a déjà son visage de Notre-Dame donc je ne serai jamais que l'autre dame..." L'un de ses défis sera de tenter d'inverser la tendance, alors que les églises se vident toujours plus. "D'autant que la cathédrale est très grande", souligne-t-elle avec humour. "Donc, quand on veut la remplir, il y a du job."

Plus sérieusement, la pasteure souligne que l'on vit une époque où "les repères chrétiens parlent de moins en moins, non seulement aux jeunes générations mais aussi à des personnes plus âgées." Et la solution passera peut-être par une lecture plus moderne des textes. "Je crois très sincèrement que dans l'Eglise réformée vaudoise - comme d'autres Eglises instituées aussi - nous avons un travail à faire au niveau du langage. Trop souvent, on parle le langage d'hier - ce qu'on appelle parfois le patois de Canaan - et cela n'est plus compréhensible aujourd'hui." Pour Line Dépraz, il faut "oser prendre les textes, savoir ce qu'ils ont dit hier et ce qu'on peut leur faire dire aujourd'hui."

Les religions instituées portent en elles une attention à la société, un projet de société.

Line Dépraz

Dans une prise de position récente publiée par 24 heures, cette membre du Conseil synodal vaudois déplorait que le christianisme soit si souvent "muet" face à la violence, aux urgences climatiques ou à l’injustice sociale. "Les actes parlent plus fort que les mots", déplorait-elle dans un manifeste presque politique.

"Je pense que la religion porte en elle une dimension politique évidente", explique-t-elle. "On a aujourd'hui beaucoup de discours qui nous disent que la religion, la pratique religieuse, les actes religieux, devraient être de l'ordre du privé. Il ne faut pas que ça s'entende, il ne faut pas que ça se voie, il ne faut pas que ça se sache... Mais les religions instituées portent en elles une attention à la société, un projet de société, donc il y a un impact et un intérêt pour le politique, pour le civil, pour l'écologie dans toute religion. Religion et politique, religion et société, il ne faut pas les opposer."

Propos recueillis par Romaine Morard/oang

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