Julien Debons: "L'essence de l'alpinisme est de savoir se balader dans un environnement non-aseptisé"
Du matériel de progression, de l'équipement d'assurage, des coups de spray pour baliser le terrain: en Valais, les parcours d'alpinisme sont de plus en plus souvent sécurisés. Une pratique qui inquiète les guides de montagne.
"La situation n'est pas catastrophique, mais on aimerait anticiper, car elle pourrait se dégrader", juge Julien Debons dans La Matinale.
Pour ce guide de montagne, un nouveau public est présent dans les Alpes et il véhicule cette notion "de sécurité à tout prix", qui peut ternir l'esprit d'aventure que doit selon lui continuer à véhiculer l'alpinisme.
"Au lieu d'essayer de former des gens, de leur apprendre à se déplacer en montagne dans un environnement qui est non sécurisé, on va plutôt essayer de leur faciliter la tâche", regrette-t-il.
Du matériel "sauvage"
Julien Debons rappelle que la commission n'a pas pour but de s'attaquer aux installations historiques, décidées par les communes ou le canton, mais plutôt au matériel "sauvage".
"On ne va pas refaire l'histoire de l'alpinisme. On ne parle pas d'enlever les cordes fixes du Cervin. Mais on aimerait faire en sorte que les courses qui sont encore vierges d'équipements et qui ont toujours été grimpées de cette façon-là, le restent, pour continuer à proposer de belles aventures aux générations qui viennent", explique-t-il.
Et d'ajouter: "Mais certains s'approprient un peu les terrains. Ils ont le sentiment d'être chez eux et se disent que ce serait bien de rajouter de l'équipement pour faciliter un peu les accès. Mais ça, on n'a pas le droit de le faire. On doit en discuter en amont avec les autres acteurs".
Un travail de sensibilisation à faire
Pour le président de la commission, le risque de cette hypersécurisation est un dénaturement de la pratique. "L'essence même de l'alpinisme est de savoir se balader dans un environnement non-aseptisé", dit-il.
D'après lui, la sécurité ne doit d'ailleurs pas être assurée par des équipements sur les voies de passage, mais bien par la préparation et la compréhension de ses propres limites. "Le plus important pour la sécurité est d'être conscient de ses capacités techniques et psychologiques", juge-t-il.
Pour changer la donne, la commission table sur un travail de sensibilisation auprès des acteurs de la montagne, guides et gardiens de cabanes en tête, qui sont souvent ceux qui mettent en place ce matériel. Une thématique qui dépasse d'ailleurs les frontières valaisannes.
"Il y une volonté d'autres cantons de créer ce genre de commissions. Dès cet automne, l'une va être créée au sein de l'Association romande des guides", conclut Julien Debons.
Propos recueillis par Aleksandra Planinic
Adaptation web: Tristan Hertig