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Cinq petits hôtels bas-valaisans s'unissent pour mieux résister

Un hôtel à Champéry (VS). [Région Dents du Midi]
Un projet-pilote de coopération hôtelière en Valais / La Matinale / 3 min. / le 25 mars 2019
Pour prospérer malgré les difficultés en tous genres, cinq établissements de la Vallée d'Illiez, en Valais, se lancent dans un projet-pilote de coopération hôtelière. Une démarche soutenue par leurs communes et leur faîtière.

Difficultés financières, infrastructures vieillissantes ou fréquentation en berne: dans certaines régions de Suisse, les petites structures hôtelières tirent la langue. Pour faire face ensemble à la pression du marché, ce groupe d'hôtels bas-valaisan a décidé d'engager un seul jardinier, d'acheter certains produits en commun, de gérer ensemble les réservations ou encore de concentrer les actions marketing.

On ne parle pas ici de chaîne hôtelière mais bien de synergies entre hôteliers indépendants, et c'est une nuance qui a toute son importance. Car l'indépendance est une valeur presque sacrée dans ce milieu.

"Hôtelier, un métier indépendant"

Les coopérations hôtelières sont d'ailleurs des exceptions en Suisse, bien qu'elles soient encouragées par la Confédération depuis vingt ans. Seuls Adelboden, Grächen et le Lötschental ont franchi le pas avec succès. Ces deux derniers, tout comme le projet de la Vallée d'Illiez, ont été encadrés par l'Association hôtelière du Valais.

"Hôtelier, c'est par définition un métier d'indépendant", souligne son directeur Patrick Bérod lundi dans La Matinale. "Mais c'est vrai que - avec la pression actuelle, avec la mondialisation, avec la charge administrative - on n'a plus trop le choix. On est obligés de se mettre ensemble."

"Il faut bien s'entendre"

Ce discours a convaincu certains hôteliers de la Vallée d'Illiez comme Philippe Zurkirchen, à la tête de l'hôtel Beau-Séjour à Champéry, qui se réclame de la génération des réseaux sociaux, celle de la pensée collaborative. Mais il ne cache pas s'être montré prudent au début de l'aventure: "Au départ, forcément, on analyse toujours sa propre situation: est-ce qu'elle est bonne, est-ce qu'elle est mauvaise?", explique-t-il. "Et après, on essaie de voir si les autres ont une bonne réputation. C'est un mariage à quelque part, donc il faut quand même bien s'entendre."

"Presque des séances de thérapie"

Et les établissements comptent dépasser ces craintes avec l'aide d'un coach chargé d'établir un concept de coopération viable. C'est la première phase du projet que vivent actuellement les cinq hôteliers bas-valaisans, dont Per-Henrik Mansson qui est à la tête de l'Hôtel Communal de Val d'Illiez.

"C'est plus que du 'brain storming', c'est presque des séances de thérapie", se rappelle-t-il. "Les différents patrons étaient là (...) et chacun, franchement, se livrait. Et je pense qu'en collaborant, je ne serais pas du tout jaloux si quelqu'un va par exemple chez un collègue de première classe. Il faut se présenter aux clients avec une carte de visite où il y a plusieurs choix. Et qu'il choisisse le Beau-Séjour ou le Communal, n'est pas important. Ce qui est important, c'est de les amener ici."

Une valeur ajoutée pour chacun des hôteliers

Pour Monika Bandi, chercheuse à l'Université de Berne, l'efficacité de ce modèle se mesure difficilement en francs - à l'exception notamment des achats en commun. "Dans de nombreux domaines de collaboration comme le partage de collaborateurs ou le marketing, on ne peut qu'évaluer approximativement les effets de ces efforts en réseau et nous avons peu de retours", reconnaît-elle. "Mais on constate souvent que les entreprises les plus performantes, qui s'engagent dans ce type de coopération, apportent une valeur ajoutée à l'ensemble."

Il y a donc peu de retours, mais la chercheuse estime néanmoins que les pouvoirs publics ont tout intérêt à poursuivre leur soutien. Pour la Vallée d'Illiez, ils prennent en charge le 60% des 132'000 francs budgétés - un investissement à long terme, puisque l'Etat du Valais et l'Association hôtelière veulent en faire une référence pour d'autres destinations.

Julie Rausis/ani/oang

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