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Enquête administrative ouverte contre le médecin roumain qui a déserté Le Locle

L’affaire du médecin parti sans laisser d'adresse au Locle (NE) commence à s’éclaircir
L’affaire du médecin parti sans laisser d'adresse au Locle (NE) commence à s’éclaircir / Forum / 3 min. / le 26 août 2022
L’affaire du médecin qui a quitté précipitamment Le Locle (NE), laissant derrière lui quelque 300 patients, commence à s’éclaircir. Une enquête administrative a été ouverte, et on sait désormais comment ce médecin a réussi à se jouer des autorités de contrôle tant en France qu'en Suisse.

Le médecin généraliste jouait sur plusieurs tableaux, montre l'enquête menée par la RTS. Après avoir obtenu en 2009 un diplôme roumain de spécialiste en médecine générale, il s'installe la même année en France, dans le département du Gers (sud-ouest).

Une bourgade en mal de généralistes située dans la région de la Loire le débauche ensuite, offrant même l'aménagement de son cabinet. En 2014, il se déplace encore, dans une autre commune de la Loire cette fois. Et c'est de là, au mois d’octobre 2014, qu'il part sans prévenir et fait scandale.

>> Lire aussi notre article d'hier : Au Locle, un médecin s'évapore dans la nature sans avertir ses patients

Autorités françaises roulées dans la farine

Le mal étant déjà fait, l'Ordre des médecins français n'a pu que se résoudre à offrir ses services aux patients pour les aider à retrouver leurs dossiers. L'explication suivante leur a aussi été donnée: le docteur a dû repartir subitement chez lui en Roumanie pour des raisons familiales. Une allégation tout bonnement fausse, puisqu'au même moment, en octobre 2014, le médecin voyageur s'installe tranquillement au Locle, en Suisse. Les autorités françaises ont donc été roulées dans la farine.

Du côté suisse, le Service de la santé du canton de Neuchâtel a expliqué à la RTS que le médecin a déposé sa demande de pratiquer au Locle avant de quitter la France, et qu'il n'a donc pas été possible de savoir qu'il s’était mal comporté lors de son départ. Même chose pour l'affiliation à la Société neuchâteloise de médecine: "Nous avons reçu une attestation de bonne conduite de l'Ordre des médecins français", a expliqué son président Dominique Bünzli.

Laurent Kurth réfute toute légèreté dans ce dossier

Interrogé vendredi soir dans l'émission Forum, le conseiller d'Etat en charge de la Santé à Neuchâtel Laurent Kurth a concédé ressentir "une vraie préoccupation" en raison des centaines de patients concernés par la désertion du médecin. "Il n'est pas tout à fait parti sans laisser d'adresse non plus", a-t-il aussi avancé, révélant avoir eu un contact avec lui jeudi.

Le chef de la Santé neuchâtelois réfute toute légèreté dans cette affaire. "J'ai autorisé ce médecin à pratiquer sur la base du dossier très complet qui m'a été fourni", s'est-il défendu. "Le jour où on a délivré l'autorisation, sur des bases objectives, les difficultés rencontrées par ce médecin n'étaient pas connues de mon autorité". Pour lui, pénurie de médecins ou pas, il n'y a pas eu d'assouplissement des règles pour pousser davantage de médecins à s'installer dans la région (lire encadré).

Méthode de facturation en cause?

Pour l'heure, les raisons pour lesquelles ce médecin a de nouveau laissé tomber ses patients et patientes ne sont pas connues avec précision. Mais une enquête administrative a été ouverte au sein du Service de la santé publique, a confirmé Laurent Kurth. Selon des informations recueillies par la RTS, il se pourrait que sa manière de facturer soit en cause, et que le médecin se soit senti acculé. Des anecdotes sur son manque de sérieux, de régularité circulent aussi depuis longtemps au Locle. Mais dans une région marquée par la pénurie de blouses blanches, "on a préféré fermer les yeux", déplore un autre médecin.

Il faudra maintenant dépanner en urgence puis recaser quelque 300 patients au total, son cabinet médical au Locle ne semblant pas près de rouvrir.

>> Lire aussi : La pénurie de généralistes en Suisse retarde la prise en charge des patients

Ludovic Rocchi/vic

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Laurent Kurth: "Pas question d'assouplir les règles"

L'aventure de ce médecin du Locle est-elle la conséquence d'un assouplissement des règles afin de faciliter l'installation de médecins dans les zones où les cabinets de généralistes ferment les uns après les autres? En d'autres termes, les autorités sanitaires préfèrent-elles fermer les yeux au moment d'octroyer les autorisations d'excercer?

Interpellé dans l'émission Forum vendredi, Laurent Kurth a fermement démenti une telle pratique. "L'autorité ne ferme pas les yeux. Au contraire, on exerce de façon pleine et entière notre devoir de surveillance", a-t-il répondu. Puis d'insister: "Il n'est vraiment pas question d'assouplir les règles (...) Il en va de la santé des patients".

"Il n'est vraiment pas question d'assouplir les règles (...) Il en va de la santé des patients"

Laurent Kurth, conseiller d'Etat neuchâtelois en charge de la Santé

Un problème qui touche toute la Suisse

A ses yeux, ce problème de pénurie de généralistes se rencontre dans toute la Suisse, et le coupable est tout désigné: le système actuel d'assurance maladie, car selon lui, la Suisse forme assez de médecins. "Ce système induit une aspiration des talents vers les spécialités, ce qui réduit les vocations vers la médecine généraliste. C'est ça, le problème de fond que la Suisse connaît aujourd'hui", pointe-t-il du doigt.

La situation a même été récemment aggravée par une nouvelle règle adoptée par les Chambres fédérales en début d'année, qui impose aux médecins d'avoir pratiqué trois ans dans un hôpital avant de pouvoir ouvrir un cabinet, souligne-t-il.

Notre système d'assurance maladie induit une aspiration des talents vers les spécialités, ce qui réduit les vocations vers la médecine généraliste. C'est ça, le problème de fond

Laurent Kurth

Plusieurs stratégies ont été mises en place pour sortir de cette spirale de pénurie, explique le conseiller d'Etat socialiste, évoquant notamment une intensification de la formation. "Au niveau romand, il y a une offensive en faveur de l'orientation de la formation sous l'égide du projet 'Réformer' (... ) Il vise à permettre d'organiser des cursus en favorisant les vocations dans les domaines où il y a le plus de besoins, comme la médecine générale ou la pédiatrie", détaille Laurent Kurth.

>> Ecouter son interview dans l'émission Forum :

La pénurie de médecins généralistes dans certaines régions: interview de Laurent Kurth
La pénurie de médecins généralistes dans certaines régions: interview de Laurent Kurth / Forum / 4 min. / le 26 août 2022

Propos recueillis par Thibaut Schaller
Adaptation web: Vincent Cherpillod