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Genève découvre d'importants foyers de pollution aux PFAS dans ses eaux souterraines

L’enquête de la RTS révèle l'ampleur de la pollution aux PFAS dans le canton de Genève.
L’enquête de la RTS révèle l'ampleur de la pollution aux PFAS dans le canton de Genève. / 19h30 / 2 min. / jeudi à 19:30
À Genève, une carte inédite fait état de la contamination aux polluants éternels dans les eaux souterraines. À la suite d’une demande en transparence en partenariat avec Le Temps, la RTS s'est procuré la carte de l’étendue des dommages.

Conscient du problème, le Département du territoire du canton de Genève a lancé plusieurs campagnes d'analyse dans certaines eaux souterraines du canton entre 2017 et 2022. Des campagnes dont le coût se monte à 250'000 francs. Quelque 950 échantillons ont été analysés à partir des nappes phréatiques supérieures (dans lesquelles on ne puise pas d’eau potable).

La carte ne couvre pas l'entier du canton, car les prélèvements n’ont été réalisés que sur certains sites sélectionnés par le Service de géologie, sols et déchets (GESDEC). Mais les autorités assurent avoir informé toutes les communes concernées par cette pollution.

>> Les explications de Pascal Jeannerat dans le 19h30 :

Pollution aux PFAS : les explications de Pascal Jeannerat
Pollution aux PFAS : les explications de Pascal Jeannerat / 19h30 / 1 min. / jeudi à 19:30

>> Lire aussi : Genève recense 150 sites pollués aux PFAS dans le canton

Avec le Valais, Genève est l'un des premiers cantons à analyser les PFAS sur son territoire.

La carte des sites d'eau souterraine polluée aux PFAS dans le canton de Genève. [Canton de Genève / OCEV / GESDEC / Secteur sites pollués]
La carte des sites d'eau souterraine polluée aux PFAS dans le canton de Genève. [Canton de Genève / OCEV / GESDEC / Secteur sites pollués]

Le GESDEC s’est basé sur trois critères pour déterminer les lieux des prélèvements: les sites d’exercice incendie où les mousses pour feux d’hydrocarbures auraient été utilisées, les sites qui ont connu des incendies importants, et des sites chimiques et industriels où les PFAS auraient pu être utilisés ou émis.

Selon l'Ordonnance fédérale des sites pollués, la teneur en PFAS ne devrait pas dépasser les 50 ng/l. Mais cette valeur est largement dépassée dans le canton. Douze zones, dont Soral, Dardagny, Plainpalais et Carouge, sont au-dessus de la norme fédérale. La zone la plus fortement touchée est Aire-la-Ville où la contamination des eaux souterraines dépasse 400 fois la norme.

>> L'interview dans Forum de Giulia Carlini :

Quels risques avec les PFAS en Suisse? Interview de Giulia Carlini
Quels risques avec les PFAS en Suisse? Interview de Giulia Carlini / Forum / 4 min. / jeudi à 19:00

Près de la moitié de l'eau potable contaminée

Si les eaux souterraines sont contaminées, l’eau potable est heureusement peu concernée par la pollution aux PFAS. Les Services Industriels de Genève assurent que les valeurs mesurées dans l'eau du robinet genevois restent très basses et bien en dessous de la limite autorisée, donc il n'y a pas de risque sanitaire particulier pour la population. A noter que les premiers relevés des Services Industriels de Genève concernant les PFAS dans l'eau potable datent de 2018.

Un rapport de l’association des chimistes cantonaux de Suisse paru en octobre 2023 indique que presque la moitié des échantillons d’eau potable du pays analysés contiennent des PFAS.

>> Sur ce sujet, lire : Des PFAS retrouvés dans presque la moitié des échantillons d’eau du robinet en Suisse

Un cadastre et des années de travaux d’assainissements

Les PFAS ne s’arrêtent toutefois pas aux eaux souterraines, explique Jacques Martelain, directeur du GESDEC et géologue cantonal. "Les eaux souterraines sont un milieu relativement intégrateur qui va recueillir les pollutions qui viennent du sol. Les eaux souterraines s’écoulent et les PFAS sont très solubles."

Aujourd’hui, le GESDEC veut poursuivre ses investigations et mesurer la présence des PFAS dans les sols afin de réaliser un cadastre de leur pollution dans le canton. Une tâche qui s'apparente à un "travail de bénédictin", selon Jacques Martelain. Et qui nécessite un budget conséquent durant minimum deux ans. Comme les sources de pollution aux PFAS sont multiples, le canton devra réaliser des investigations historiques afin de déterminer qui est responsable de la pollution. Et surtout, qui devra payer pour l’assainissement.

Selon les révélations du journal Le Temps de janvier dernier, ces polluants éternels ont notamment été repérés dans les matériaux d’excavation aux Vernets, sur le site de l’ancienne caserne. Alors en plein terrassement, les travaux y ont été interrompus et le site a dû être assaini.

Et maintenant? Genève n’a pas déterminé de seuil à partir duquel les sites doivent être dépollués, mais ceux qui le sont "doivent être assainis afin qu'ils ne portent plus atteinte à la qualité de l’eau", dit Jacques Martelain.

Le géologue cantonal avertit également: "Il est possible que certains sites déjà dépollués doivent l’être à nouveau à la suite de découverte du polluant". Ce qui n’est pas qu’une théorie. Des PFAS ont notamment été trouvés dans les eaux souterraines situées juste en dessous de l’ancien site Artamis, dépollué entre 2009 et 2014 à hauteur de 52 millions de francs.

Les pompiers genevois changent de mousse

Depuis deux ans, le service d’incendie et de secours de Genève (SIS) veut changer l’émulsifiant fluoré aux PFAS utilisé dans la mousse anti-incendie. Une recherche qui vient de porter ses fruits puisque, après une batterie de tests, un produit de remplacement vient d’être trouvé. Le changement effectif devrait avoir lieu cette année, estime le SIS. Pour ce faire, il s’agira d’abord de décontaminer les citernes, qui contiennent encore 16’000 litres d’émulsifiant fluoré. Ceux-ci seront ensuite traités et détruits par une entreprise spécialisée. 

Si les pompiers des SIS ont pris la décision de se détourner du produit, d’autres services d’intervention du feu rattachés à des sites industriels continuent toutefois d’utiliser ces mousses contaminées. C’est notamment le cas de Givaudan qui assure ne pas utiliser, ni générer de PFAS dans ses processus de production, mais dont la brigade de pompiers professionnels "peut y faire recours".

La Suisse à la traîne?

Alors que les cantons commencent à réaliser l’ampleur de la pollution sur leur territoire, ils demandent désormais à Berne de définir des seuils.

En septembre 2022, une motion en ce sens a été déposée par la conseillère aux Etats valaisanne Marianne Maret (Centre), qui a demandé au Conseil fédéral de fixer des seuils clairs pour permettre aux cantons de mesurer la contamination au produit dans les eaux et les sols. Une fois définis, ces derniers permettront de mieux cerner le problème auquel le pays est confronté. Toutefois, les PFAS sont partout: dans l’air, la nourriture et même dans les estomacs.

Depuis le début de l’année, des teneurs maximales applicables à certains PFAS ont cependant été introduites pour certains aliments d’origine animale. Le défi reste cependant important, voire insoluble.

>> Voir aussi le sujet du 19h30 sur le Parlement qui veut des valeurs limites pour les PFAS :

Le parlement veut des valeurs limites pour les PFAS, polluants nocifs pour la santé et l'environnement
Le Parlement veut des valeurs limites pour les PFAS, polluants nocifs pour la santé et l'environnement / 19h30 / 2 min. / le 6 juin 2023

Camille Lanci

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Que sont les PFAS?

Les PFAS, aussi appelés polluants éternels, sont des molécules de synthèse découvertes dans les années 50 aux Etats-Unis. On parle de substances per- et polyfluoroalkylées. Il existe plusieurs milliers de PFAS différents.

Ces substances protègent de l’eau grâce à leur capacité hydrofuge, leurs propriétés anti-adhésives, anti-salissures, anti-graisses et leur résistance aux fortes chaleurs. Elles ont rapidement rencontré un grand succès auprès de nombreuses industries partout dans le monde.

>> Que sont les PFAS? Le sujet du 19h30 :

Les PFAS, aussi appelés polluants éternels, sont des molécules de synthèse utilisées par l’industrie qui présentent des risques pour la santé humaine
Les PFAS, aussi appelés polluants éternels, sont des molécules de synthèse utilisées par l’industrie qui présentent des risques pour la santé humaine / 19h30 / 2 min. / jeudi à 19:30

Partout dans notre quotidien, malgré leur dangerosité

C’est à partir des années 70 que les entreprises vont les utiliser massivement. À tel point qu’aujourd’hui, les PFAS font partie intégrante de notre quotidien: des vêtements imperméables aux lentilles de contact, des cartons à pizza aux poêles antiadhésives, des rideaux de douche aux mousses anti-incendie (AFFF) en passant par certains revêtements des sols, le produit est partout.

>> Voir le sujet d'A Bon Entendeur sur l'impossibilité d'échapper à ces polluants éternels :

PFAS : impossible d’échapper à ces polluants éternels.
PFAS : impossible d’échapper à ces polluants éternels / A bon entendeur / 46 min. / le 19 septembre 2023

Depuis dix ans, de plus en plus d'études attirent cependant l’attention sur les dangers des PFAS pour l'environnement comme pour l'être humain.

"Les PFAS libérés dans l’environnement présentent un risque pour la santé humaine", indique l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

L’OMS a classé deux PFAS comme cancérogènes ou potentiellement cancérogène "pour les humains": l'acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) et l'acide perfluorooctanoïque (PFOA).

>> Regarder le sujet d'A Bon Entendeur sur les dangers pour la santé et l'environnement des PFAS :

Les PFAS, des dangers pour la santé et l’environnement
Les PFAS, des dangers pour la santé et l’environnement / A bon entendeur / 9 min. / le 28 février 2023

Les PFAS ont en outre pour propriété de s’accumuler, ce qui peut entraîner de graves problèmes environnementaux.

En septembre 2023, l’émission A bon entendeur a fait analyser des poissons pêchés dans différentes régions du pays. Des PFAS ont été détectés dans tous les échantillons. Sans exception.

>> Pour en savoir plus, lire : Des poissons suisses trop pollués pour être mangés