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L'affaire de corruption ayant touché la police genevoise en 2019 se dégonfle un peu

Six policiers genevois risquent le licenciement pour avoir été bien trop proches d'un proxénète
Six policiers genevois risquent le licenciement pour avoir été bien trop proches d'un proxénète / 19h30 / 2 min. / le 22 octobre 2021
A Genève, l'enquête portant sur les relations qu'entretenaient des policiers avec le tenancier d'un salon érotique n'a pas mis au jour de faits de corruption. Mais le comportement déontologiquement inacceptable de certains policiers a été sanctionné par la hiérarchie.

Cette affaire, quand elle a éclaté en 2019, a fait l'objet des plus folles rumeurs. Des policiers auraient rabattu des prostituées pour le compte de leur ami tenancier, ils auraient participé à des parties fines, auraient obtenu du sexe gratuit et touché des enveloppes. L'enquête pénale n'a rien révélé de tout ça.

>> Lire : Une vaste affaire de corruption éclabousse la police genevoise

Au final, des agents sont poursuivis par le Ministère public pour avoir transmis des informations confidentielles à l'exploitant. Outre ces violations de secret de fonction, des entraves à l'action pénale ont été découvertes. Une amende d'ordre a été annulée, a expliqué vendredi devant les médias le procureur général du canton de Genève, Olivier Jornot.

Le tenancier du salon de massage partageait souvent des repas avec des policiers et quand il se rendait au poste des Pâquis, "il faisait partie de la boutique". Au niveau de la gravité, on se retrouve dans cette affaire au bas de l'échelle, a indiqué le magistrat mais la procédure pénale a mis en évidence "des comportements parfaitement inadmissibles".

Six policiers suspendus

Au total, une trentaine de policiers ont fait l'objet d'investigations. A ce jour, une ordonnance pénale est entrée en force, une autre est contestée. Trois procédures sont encore en cours. Le procureur a néanmoins transmis à la commandante de la police genevoise Monica Bonfanti 29 dossiers de policiers, car il les estime limites sur le plan déontologique.

Sur ces 29 dossiers, les dix cas les plus graves ont fini sur le bureau du ministre de tutelle, Mauro Poggia. Dans un cas, un des policiers a échangé plus de 10'000 messages avec le patron du salon, dans un autre il s'agit de services rendus. La procédure est toujours en cours pour ces dix policiers, mais six ont été suspendus, car ils risquent une résiliation de leur contrat ou une révocation, soit la sanction la plus lourde.

Blâme et rappel à l'ordre

La commandante de la police traite pour sa part seize cas. Elle a entendu ces policiers, dont une femme, pendant plusieurs heures, a-t-elle expliqué vendredi devant les médias. Au final, dix ont été sanctionnés par des services hors tours, soit des heures de travail sans rémunération pour la police. Au total 117 services hors tours ont été infligés, soit un total de 468 heures de travail gratuit.

Un autre policier a reçu un blâme et enfin cinq autres ont été sanctionnés par un simple rappel à l'ordre. Seul un policier a fait recours contre la sanction et a été débouté, a relevé Monica Bonfanti. Au-delà des sanctions, cette affaire a poussé le Département de la sécurité et la police à renforcer les règles déontologiques déjà en place. (>> lire en encadré)

Un fonctionnaire de police doit être au-dessus de tout soupçon, a expliqué dans Forum le chef du Département Mauro Poggia. L'opinion publique attend un comportement irréprochable de leur part, a-t-il ajouté.

L'affaire avait débuté avec l'arrestation en Valais du patron des enseignes érotiques, un individu doué de compétences sociales "au-dessus de la moyenne", habile à cultiver des amitiés. En fouillant son téléphone, les enquêteurs ont eu la surprise de découvrir un nombre incalculable de messages et de photos le reliant à des policiers. La justice était alors intervenue pour y voir plus clair.

ats/lan

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Renforcement des règles déontologiques

A la suite de l'enquête menée par le Ministère public genevois, il a été décidé de renforcer les règles déontologiques au sein de la police. Un nouveau code de déontologie sera diffusé à l'ensemble du personnel.

"Il est évident qu'on attend d'un policier davantage que ce que l'on attend d'un autre fonctionnaire. Il est porteur d'une puissance publique. Il a une image. Il doit être au-dessus de tout soupçon", a ainsi déclaré dans Forum le conseiller d'Etat genevois en charge de la police Mauro Poggia.

"Le devoir de réserve est encore plus important aujourd'hui qu'hier avec les réseaux sociaux",  a encore rappelé le conseiller d'Etat.

"Cette procédure a entaché la réputation de la police. Il est important que l'on puisse fermer ce chapitre mais cela ne veut pas dire qu'on n'en tire aucun enseignement. Nous devons nous adapter", a conclu Mauro Poggia.

>> Son interview complète dans Forum :

La police genevoise veut se doter d'un nouveau code de déontologie: interview de Mauro Poggia
La police genevoise veut se doter d'un nouveau code de déontologie: interview de Mauro Poggia / Forum / 7 min. / le 22 octobre 2021

La majorité des collaborateurs impliqués n'a pas eu conscience, avant que cette affaire ne soit portée à la connaissance du Ministère public, de commettre de réels manquements, indique la police cantonale dans un communiqué. Le comportement attendu de la part d'un policier doit ainsi être rappelé plus fréquemment au cours de la carrière.

Parmi les mesures mises en place figure la limitation du nombre d'années d'affectation dans un secteur d'activité particulièrement exposé, comme le groupe prostitution de la brigade des moeurs. L'Inspection générale des services a aussi présenté des cas concrets ayant eu une finalité disciplinaire. L'encadrement en lien avec la déontologie va aussi être renforcé prochainement.

>> Les précisions du 12h30 :

Des policiers patrouillent au milieu des promeneurs autour de la Rade de Genève, le 28 mars 2020. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]Keystone - Salvatore Di Nolfi
Genève: un nouveau code déontologique après la suspension de 6 policiers / Le 12h30 / 1 min. / le 23 octobre 2021

"Un dégât d'image immense mais pas de corruption"

Interrogée dans le 19h30, Monica Bonfanti, commandante de la police genevoise, a reconnu le dégât d'image "immense" pour l'institution mais a tenu à rappeler qu'"aujourd'hui au terme de cette instruction pénale qui a duré deux ans et demi aucune corruption, aucune acceptation d'un avantage n'ont été mises en évidence. Il y a des problèmes d'ordre déontologique".

La commandante de la police a encore relevé que "la plus grande partie des policiers qui étaient actifs au sein du quartier des Pâquis ont reçu des appels du pied de ce tenancier mais ne sont pas entrés en matière".

>> Son interview complète dans le 19h30 :

Monica Bonfanti: "le dégât d'image pour la police est immense"
Monica Bonfanti: "le dégât d'image pour la police est immense" / 19h30 / 2 min. / le 22 octobre 2021