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Pub pour le tourisme d'achat sur un tram genevois, presque une "insulte"

Le conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia. [RTS]
Pub sur un tram à Genève: interview de Mauro Poggia / La Matinale / 4 min. / le 26 novembre 2019
Placardée sur un tram, une publicité visant à promouvoir les achats sur Annemasse crée la polémique à Genève. La démarche a suscité l'ire du conseiller d'Etat MCG Mauro Poggia.

Cet encart est l'oeuvre de "Côté Annemasse", une démarche publique qui a pour objectif de promouvoir les commerçants et les artisans du cœur de l'agglomération en cette période des Fêtes. "Avec le tram, vos courses de Noël en centres-villes deviennent un jeu d'enfant", dit le slogan, avec "Côté Annemasse - Du bon, du beau, du vrai" marqué en grand au-dessus.

Et il n'est pas du goût du conseiller d'Etat Mauro Poggia, qui est sorti de sa réserve samedi sur Facebook. "Ce manque de tact frise l'insulte", a-t-il écrit notamment. La régie publicitaire des Transports publics genevois (TPG), présidée par l'UDC Céline Amaudruz, et les auteurs de la réclame en prennent pour leur grade. Mauro Poggia se demande même si de telles publicités pourraient apparaître dans le futur RER Léman express.

Interviewé mardi dans La Matinale de la RTS, le ministre souligne que ce ne sont pas les commerçants de France voisine qui font de la publicité mais l'agglomération, "c'est-à-dire une entité publique qui fait de la publicité pour la région française en attirant le consommateur suisse, qui d'ailleurs est libre d'aller faire ses courses où il veut."

"Je demande simplement un peu de respect"

Le conseiller d'Etat MCG souligne qu'il exprime une opinion personnelle: "Le fait de voir de la publicité sur les trams (...) lorsqu'on connaît la sensibilité de ce côté-ci de la frontière sur ce tourisme d'achat, de même que l'on comprend la sensibilité tout à fait légitime de l'autre côté de la frontière par rapport au racolage au niveau des salaires que l'on peut offrir ici à Genève, évidemment que dans le domaine de la vente (...) on comprend bien qu'il y a une concurrence qui est difficile et je pense qu'il faut un respect mutuel (...) Je demande simplement un peu de respect, de subtilité réciproque", se défend-il.

>> L'interview de Mauro Poggia dans La Matinale :

Le conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia. [RTS]RTS
Pub sur un tram à Genève: interview de Mauro Poggia / La Matinale / 4 min. / le 26 novembre 2019

Le post a suscité une avalanche de commentaires, plus ou moins haineux envers les frontaliers, sur la page de Mauro Poggia. Le ministre dit regretter les réactions excessives à ses propos, de part et d'autre. Mais, dit-il, "je pense qu'il faut savoir si on reste englué dans le politiquement correct: est-ce que quelqu'un d'autre l'a fait? Est-ce qu'il s'agit simplement de regarder les choses se passer? Ou est-ce qu'il s'agit - comme l'ont fait les autorités françaises lorsqu'une agence de placement est allée agressivement débaucher des ouvriers spécialisés [sur France, ndlr] - de dire aussi qu'il y a des choses qui ne se font pas lorsqu'on veut construire une région? Ce n'est pas à sens unique, on ne donne pas que des leçons au voisin, il s'agit aussi de respecter la sensibilité de ce même voisin."

Des dires jugés "choquants et stupides" en France

En France, les propos du Genevois ont fait l'objet de critiques sévères de plusieurs élus, dont le vice-président d'Annemasse Agglo Gabriel Doublet et le maire d'Annemasse Christian Dupessay. Ce dernier estime ces dires "choquants et stupides. "On crée des murs au moment où les infrastructures se mettent en place [la prolongation du tram au-delà de Moillesulaz et l'arrivée du Léman express le 15 décembre, ndlr] dans les temps et avec une maîtrise des coûts. Certains regrettent visiblement que cela se passe aussi bien."

Un problème qui n'est "pas anecdotique"

"Les propos du maire d'Annemasse lui appartiennent", rétorque le conseiller d'Etat. "Maintenant, j'aurais voulu qu'on reconnaisse la maladresse plutôt que l'on joue la dignité offensée (...) Je pense que l'on va tourner la page. Je remarque simplement que l'on construit des centres commerciaux dans toute la périphérie de Genève, donc ce problème n'est anecdotique ni pour les Français ni pour les Genevois et je pense qu'il faut un respect mutuel si l'on veut travailler ensemble."

Campagne conforme aux règles de la régie des TPG

Du côté de la régie publicitaire des TPG, le choix de l'autorisation de la réclame est assumé: à propos du cas présenté, TP Pub indique avoir agi "en toute légalité et en conformité avec ses conditions générales et ses clauses de déontologie." La régie rappelle qu'elle refuse certains publicitaires, notamment pour le tabac ou qu'elle considère comme étant "de mauvais goût, inesthétiques ou outranciers", notamment. TP Pub précise que la teneur du message publicitaire dénoncé n’est pas de nature à être refusée selon ses clauses de déontologie. Et que cette campagne n’est pas contraire à l’ordre public.

Il faut rappeler que Noël est une période clé pour les commerçants et que les enseignes genevoises souffrent du tourisme d'achat: il leur coûte quelque 400 millions de francs par an de manque à gagner. Les propos de l'édile MCG sont donc accueillis plutôt favorablement côté genevois de la frontière.

Raphaël Leroy/Romaine Morard/oang

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