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A Genève et Neuchâtel, les communautés étrangères peinent à se mobiliser au niveau politique

Droit de vote des étrangers : Genève et Neuchâtel veulent encourager la participation des résidents ibériques.
Droit de vote des étrangers : Genève et Neuchâtel veulent encourager la participation des résidents ibériques. / 19h30 / 2 min. / le 2 novembre 2023
A Genève et à Neuchâtel, la participation politique des étrangers se maintient à un niveau faible aux élections communales, en particulier celle des Portugais et Espagnols. Une étude inédite mandatée par les deux cantons décrypte les raisons de ce manque d'engouement.

A Genève, en 2020, la participation des Suisses et Suissesses aux votations a atteint 40%, contre 23% pour les étrangers. Ce taux stagne à 17% pour les Espagnols et à 13% pour les Portugais.

A Neuchâtel, entre 2003 et 2020, la participation helvétique a atteint 42%, contre 18% pour les étrangers. Il n'y a pas de données statistiques par communauté à Neuchâtel, mais le constat est le même qu'à Genève.

"Nous ne sommes que locataires"

"Ces deux collectivités montrent un attachement à la Suisse moins marqué que les autres groupes d'étrangers", a constaté l'équipe de recherche du Forum suisse pour l'étude des migrations et de la population de l'Université de Neuchâtel.

Une expression utilisée par l'une des personnes interrogées dans le cadre de l'étude a marqué Rosita Fibbi, co-auteure de la recherche: "Nous ne sommes que locataires ici!"

"Cette métaphore synthétise clairement le rapport au pays de résidence", a expliqué jeudi devant la presse Rosita Fibbi. Les Espagnols et les Portugais qui ont participé à cette recherche estiment que leur présence en Suisse peut être remise en question à tout moment à travers la résiliation de leur bail, de leur contrat de travail ou de leur permis.

Un attachement au pays d'origine

"Ils se sentent la cible d'attitudes et de comportements méprisants et discriminatoires", a ajouté Rosita Fibbi. A ce faible sentiment d'attachement à la Suisse s'ajoute un attachement prononcé au pays d'origine, selon les conclusions de l'étude.

"L’ancienne génération s’occupe davantage de ce qu'il se passe chez eux en Espagne", estime aussi Xavier Gonzalez, cogérant du restaurant espagnol El Ruedo à Genève. "Parce qu'ils ont peut-être tous, sur le long terme, le projet d’y retourner, donc ça les intéresse directement. Ils sont concernés", poursuit-il dans le 12h45 de la RTS.

Ces personnes ont aussi souvent le sentiment que "voter ne sert à rien". En cause, l'absence de démocratie dans le pays d'origine qui a miné la confiance des populations ibériques dans les possibilités d'utiliser le vote pour faire évoluer collectivement la situation. "Ils préfèrent travailler beaucoup pour changer leur propre condition", selon Rosita Fibbi.

>> Les précisions du 12h30 :

Des personnes marchent à côté d'un bureau de vote à Neuchâtel. Le canton a refusé le droit de vote à 16 ans en février 2020. [Keystone - Jean-Christophe Bott]Keystone - Jean-Christophe Bott
Comment augmenter le taux de participation aux élections dans les communautés étrangères? / Le 12h30 / 1 min. / le 2 novembre 2023

Voter est compliqué

L'étude montre aussi que la manière très différente de faire de la politique en Suisse et dans les pays d'origine peut expliquer ce manque de participation. En Espagne et au Portugal, la politique est centrée sur les figures alors qu'en Suisse elle est ciblée sur des dossiers. Le vote est aussi souvent plus compliqué en Suisse.

"Moi je ne vais pas voter parce que je ne sais même pas pour qui je dois voter", témoigne Mathilde, une employé d'un magasin d'alimentation neuchâtelois vendant des produits portugais. "Je ne les connais pas. Je ne sais pas quelles sont leurs intentions."

Une des clientes du magasin, quant à elle, ne savait pas qu'à Neuchâtel, en plus du droit de vote communal, les résidents étrangers ont aussi le droit de vote à l’échelle cantonale. "Je savais que c’était au niveau communal mais je ne pensais pas qu'on pouvait voter plus loin", explique-t-elle. "Alors maintenant, je sais. Donc je vais le faire", ajoute-t-elle.

Droits étendus

L'étude propose des pistes pour augmenter la participation sociétale et électorale. Il s'agit notamment d'améliorer la reconnaissance publique des collectivités ibériques dans la société, de promouvoir des expériences non-conventionnelles de participation politique notamment via des assemblées citoyennes ou encore de mieux informer sur des sujets de votations. L'élargissement des droits électoraux des étrangers est aussi un enjeu.

>> Relire : Neuchâtel veut encourager la participation politique lors des élections fédérales

Selon Grégory Jaquet, délégué aux étrangers du canton de Neuchâtel, les résultats de cette étude, qui mettent en évidence un manque d'inclusion, "sont difficiles à recevoir". Il faut changer le narratif de la migration et passer du "eux" au "nous". Il a plaidé pour un élargissement des droits électoraux des étrangers, tout comme Alfonso Gomez, maire de la Ville de Genève.

Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat genevois à la tête du département de la cohésion sociale, mise sur un paquet de mesures pour dynamiser la citoyenneté. Il a notamment évoqué le développement des Conseils d'habitants dans les communes et une convention citoyenne cantonale de la citoyenneté visant à changer les outils démocratiques.

jfe/edel avec ats

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