L'Inde et le Pakistan célèbrent tous deux leurs 70 ans d'indépendance. Des festivités qui se mêlent à la douleur d'une partition faite dans le sang en 1947, provoquant l'un des plus grands déplacements de population de l'histoire.
Environ 14 millions de personnes ont traversé les nouvelles frontières, les musulmans fuyant vers le Pakistan et les hindous et sikhs vers la nouvelle Inde, explique lundi Christophe Jaffrelot, directeur de recherches au CNRS à Paris, dans l'émission de la RTS Tout un monde.
On estime que plus d'un million de personnes ont été massacrées lors de terribles affrontements religieux. "Dans certaines parties de l'Inde, le traumatisme est encore palpable, dans la mémoire collective comme dans la mémoire individuelle", relate le spécialiste des relations indo-pakistanaises.
Le Cachemire, pomme de discorde
Septante ans après ces événements sanglants, les relations restent conflictuelles. Après trois guerres entre l'Inde et le Pakistan, Christophe Jaffrelot ne voit aucune perspective d'amélioration. Principale pomme de discorde, la question du Cachemire.
Cette province était et reste encore à majorité musulmane et elle est revendiquée pour cette raison par le Pakistan. Mais au moment de la partition, c'était aussi un Etat princier, dont le Maharaja, Hari Singh, était hindou. Contraint de choisir son camp, ce dernier s'est rallié à l'Inde, soulevant la colère des musulmans, qui ont pris les armes. Eclate alors la première guerre entre des frères devenus ennemis, dont la ligne de cessez-le-feu n'est jamais devenue une frontière internationale. Les deux pays continuent de revendiquer cette province.
Le cessez-le-feu y est violé régulièrement par des tirs d'artillerie, qui deviennent de plus en plus nombreux. Selon Christophe Jaffrelot, l'année 2016-2017 marque une intensification des tirs, mais aussi des infiltrations d'islamistes venus du Pakistan pour mener des opérations coup-de-poing. "La question du Cachemire continue d'envenimer les relations entre les deux pays et cela se traduit par des victimes hebdomadaires, voire quotidiennes."
Des bouchers musulmans lynchés
A cela s'ajoute la dérive autoritaire du Premier ministre indien Narendra Modi sur le sort réservé aux minorités en Inde, notamment musulmanes. Ce nationaliste hindou, en poste depuis 2014, "considère que la majorité hindoue, soit environ 80% de la population, incarne la Nation", développe Christophe Jaffrelot.
Les minorités disparaissent des lieux de pouvoir, avec par exemple un Parlement qui ne compte plus que 3% de musulmans. Mais concrètement, cela se traduit surtout par "des violences d'un genre nouveau, comme par exemple des lynchages très inquiétants de bouchers musulmans, qui consomment et font commerce de la viande de boeuf", par des hindous, pour qui la vache est un animal sacré.
fme